Opinions of Monday, 2 October 2017

Auteur: investiraucameroun.com

Des menaces séparatistes sur fond de malaise ou d’intérêts pétroliers ?

photo utilisée à titre d'illustration photo utilisée à titre d'illustration

C’est en 1972, suite à un référendum, que la République fédérale du Cameroun est devenue une « république unie ». Depuis, en dépit d’une réelle représentativité des anglophones aux postes de pouvoir, il a toujours existé, au sein de cette minorité, une certaine fronde face à l’autorité centrale, francophone à plus de 80%.

Mais il existe également depuis plusieurs années un « Government of the Southern Cameroons » autoproclamé et initié par des Camerounais de la diaspora. Ce groupuscule a signé en novembre 2012 des accords d’exploration pétrolière avec la société canadienne Kilimanjaro Capital Ltd, disposant d’une filiale du même nom dans le paradis juridique de Bélize.

Kilimanjaro Capital, selon son propre communiqué, vise particulièrement les gisements pétroliers de la région anglophone de Bakassi dont elle prétend détenir 80% des droits d’exploration. En août 2014, son CEO, Zul Rashid, dans une interview à Marketwired, déclarait qu’il finançait des « actions de défense des Droits de l’homme » dans la région de Bakassi et qu’il supportait le « Government of the Southern Cameroons ».

Cette société a également conclu des accords pétroliers avec les séparatistes de la diaspora angolaise concernant l’enclave de Cabinda, ou encore, au Nigeria, avec le Biafra Independence Movement. Elle est également à l’affut en Somalie et au Zimbabwe, partout où elle peut miser sur de possibles instabilités. « Ce genre d’actifs est très bon marché et peut rapporter énormément en cas de succès », reconnaissait le CEO.

En novembre 2015, l’ONG Global Witness, spécialisée dans la lutte contre le pillage des ressources naturelles des pays en développement, s’alarmait du « caractère secret de beaucoup de ces transactions qui rend extrêmement difficile de vérifier les véritables intentions de Kilimandjaro, associé à des groupes séparatistes. ». Elle avertissait même précisément : « Dans le cas du Cameroun, l'exigence de l'accord, visant à obtenir une indépendance totale, incitera le mouvement à ignorer les alternatives pacifiques recommandées par la communauté internationale. »

« La question fondamentale restante est de prévenir la multiplication d'entreprises comme Kilimandjaro. Il n'y a pas de précédent juridique clair à l'échelle internationale, donc, en dehors des risques financiers évidents, qu'est-ce qui empêche une entreprise d'acheter des ressources naturelles à un mouvement rebelle et de modifier le cours de l'histoire pour son propre profit? », concluait Maria Fsadni, auteur du rapport.

Le rapport complet ici.

A noter qu’il existe une autre entité nommée Kilimanjaro Capital, californienne, qui est actionnaire majoritaire de la société sud-africaine Tosaco Energy, active dans le Black Economic Empowerment, et possédant, selon son site internet, 3 licences d’exploration pétrolière dans les provinces de Mpumalanga et de Gauteng. Mais nous n’avons pas pu établir un lien entre ces deux sociétés, homonymes et de même activité.

Ces mouvements, très marginaux, ne semblaient pas constituer une menace pour la paix du Cameroun, jusqu’à ce jour où, à la suite d’un double mouvement revendicatif d’avocats et d’enseignants anglophones, quelques militants se sont radicalisés et ont entamé, à la faveur des réseaux sociaux, une escalade dans les revendications, d’abord corporatistes, puis pour un retour à une constitution fédérale, puis pour une sécession pure et simple, jusqu’à l’action terroriste de ces derniers jours.

Si cette révolte s’est sans doute nourrie, au départ du malaise réel d’une minorité culturelle et linguistique, les derniers événements posent la question des intérêts qui soutiennent et financent cette dernière tournure terroriste de la situation.

Retour sur l’enchainement des faits :

Deux philosophies du droit

La crise débute en octobre 2016 par un mouvement de grève d’avocats anglophones qui exigent une traduction anglaise des actes uniformes OHADA (droit des affaires d’inspiration française, partagé par 17 pays africains) et qui rejettent le Code civil francophone. Ils contestent également le fait que des magistrats francophones puissent rendre la justice dans des régions anglophones sans bien maitriser l’anglais, ni la culture du common law (droit d’inspiration anglaise).

En réponse, le gouvernement effectue la traduction des actes de l’OHADA et du Code Pénal, et nomme un magistrat anglophone au poste de procureur de la République au parquet des tribunaux de première et grande instance de la ville anglophone de Bamenda.

Le conflit s’apaise, mais il n’en reste pas moins que, sur le fond, la philosophie du droit anglo-saxon diverge sensiblement de celle du droit latin, et que, selon le décompte du ministère de la Justice, 117 magistrats francophones exercent en région anglophone.

Les enseignants anglophones

Dans le même temps, une autre crise éclate parmi les enseignants et étudiants, et des manifestations tournent aux heurts violents avec les forces de police. Mis à part des revendications financières qui ont désormais trouvé une solution, le mécontentement porte essentiellement sur la présence, dans les écoles anglophones, d’enseignants qui ne maitrisent que le français. Selon les autorités, cette situation est due à un déficit d’enseignants anglophones dans les matières scientifiques, techniques et mathématiques. Des mesures sont alors prises pour recruter 1000 jeunes Camerounais bilingues, formés à ces matières, et pour inviter les jeunes Camerounais anglophones à s’intéresser davantage à ces filières.

Des mouvements séparatistes prennent le relais

En janvier 2017, les mouvements SCNC et Consortium prônent le fédéralisme, puis la sécession. Des appels à la violence et de fausses informations enflamment les réseaux sociaux. Le gouvernement fait interdire les activités des mouvements séparatistes et tente de lancer un contre-campagne de communication sur les réseaux sociaux.

Le ton monte

De nombreux militants, du Consortium et du SCNC sont arrêtés et font l’objet d’une enquête judiciaire. Du matériel de propagande est saisi, ainsi que des preuves de financements provenant de la diaspora camerounaise anglophone basée en Afrique du Sud, USA, Grande-Bretagne, Canada, etc. Le gouvernement coupe l’Internet dans les régions anglophones à partir du 17 janvier.

Mesures d’apaisement

Les autorités multilplient les initiatives pour tenter d’appaiser la situation.

Le ministre de la Justice annonce la création d’une faculté des Sciences juridiques et politiques à Buea, ainsi que des départements d’English Law dans les universités de Douala, de Maroua, de Ngaoundéré et de Dschang. L’enseignement du droit public est programmé dans les universités de Buea et de Bamenda et une section de la Common Law est annoncée à l’ENAM (école de la magistrature).

Le Président Biya initie une Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme ainsi qu’un projet de loi modifiant l’organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême, pour y intégrer une section de la Common Law.

Deux anglophones sont nommés généraux de brigade, de même que de nouveaux préfets à la tête des départements, de nouveaux secrétaires généraux et inspecteurs généraux dans les régions.

Le 20 avril, l’internet est rétabli et le chef de l’Etat ordonne la fin des poursuites contre les principaux leaders des mouvements anglophones. Le terme « régions anglophones » est banni du discours officiel à propos des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

Avénement du terrorisme

Le 18 et 22 septembre, des bombes éclatent à Bamenda et à Douala, laissant penser que des éléments radicalisés tentent de destabiliser le pays. Des séparatistes annoncent une « déclaration d’indépendance » pour le 1er octobre. Le Secrétaire général de l’ONU se dit très préoccupé par la situation.