Opinions of Monday, 6 July 2015

Auteur: David Ekambi Dibonguè

Diversion des dictateurs-pilleurs: De la «menace» communiste au «complot» des parrains!

Feature Feature

Hier toutes les luttes patriotiques et les revendications actées ou exprimées par les forces sociales ou politiques opposées au régime gouvernant au Kamerun étaient taxées d’être inspirées ou instrumentalisées par le mouvement communiste international.

Avec la chute du Mur de Berlin, ces « instrumentalisés » d’hier sont devenus, aujourd’hui, ceux qui menacent la paix intérieure. Notons que ces qualificatifs superficiels étaient sous l’admiration des parrains néocoloniaux. Bizarrement, aujourd’hui où ces mêmes parrains reprennent les maux décriés depuis des décennies par les Nationalistes opposants, les dictateurs-pilleurs et leurs acolytes, anciens et nouveaux, crient au complot.

Bien sûr les «maîtres», dont les dictateurs-pilleurs sont l’émanation, ne cesseront jamais de vouloir contrôler la géopolitique mondiale. Mais, à penser que ces dictateurs-pilleurs sont différents aujourd’hui, n’est que supercherie et pure diversion …

Après le fameux discours de fin d’année du 31 décembre 2013 de Paul Biya, dans lequel, lui-même accepta finalement les multiples échecs de son régime décriés depuis longtemps par d’autres compatriotes, nous pensions que tout était dorénavant clair. Dans ce discours, Paul Biya s’interrogeait : « Serions-nous incapables de faire ce que d’autres pays comparables au nôtre ont fait ou sont entrain de faire ? Je ne le crois pas. Nous avons des hommes, des femmes, et des jeunes talentueux, ingénieux bien formés et entreprenants, capables de relever ces défis. Nous avons des ressources naturelles, abondantes et variées. Nous avons des institutions, modernes et démocratiques. Notre pays connaît la paix et la stabilité. Alors que nous manque-t-il ? » (1).

A cela, notre compatriote Xavier Messe répondit : « Qui d’entre ses compatriotes serait mieux placé que lui pour ne pas poser ces questions, mais d’y trouver des réponses. En utilisant le cadre des vœux pour des interrogations, Paul Biya a tout simplement dit à ses compatriotes de ne rien attendre de mieux en cette nouvelle année, là où il s’est interrogé dans le désespoir.» (2). Ainsi nous, nous savons que nous n’attendrons plus rien de vous, pour votre règne déclinant qui démarre avec le fameux-meilleur discours. Et ce début de fin de règne, n’est pas seulement le vôtre, mais, également, celui d’une génération de politiques (cards) et du néo colonialisme au Kamerun.

Alors que se passe-t-il que, face à cette triste réalité, si des étrangers – gouvernements ou organismes internationaux- qui ont sûrement, des motivations singulières sur le Kamerun, parlent de notre pays ou de Paul Biya, que cela devienne si particulier ou nouveau ? Pour ceux qui crient au complot contre Paul Biya, cela est de leur droit : sans leur champion, le pays serait terrifiant pour eux !

Au fait pour ne parler que du dernier rapport en date (celui des parlementaires français), celui-ci dit-il des choses et signale-t-il des faits si remarquables qui n’ont jamais été entendus ni ne sont connus des Kamerunais ? Dans ce rapport, il est dit : « Cela étant, cet apparent monolithisme est traversé de fragilités profondes et de tensions internes fortes qui pourraient d’autant mieux trouver à s’exacerber que les structures susceptibles de canaliser la contestation sont quasi absentes.

Les formations d’opposition sont des micro-partis, incapables de rivaliser avec le Rdpc, seule force structurée. Les quelques partis qui ont eu une importance dans le passé, l’Upc en premier lieu, n’ont pas su s’adapter, sont restés sur des schémas anciens et ne représentent plus de forces, dont les leaders nouveaux auraient repris le flambeau. On ne voit pas quelle force politique pourrait aujourd’hui faire descendre les gens dans la rue. De leur côté, les églises et organisations de la société civile restent sur des positions très prudentes.

Les éléments de fragilités du Cameroun sont tels que l’on doit se poser la question des scénarios possibles en cas de crise de succession, si Paul Biya ne se représentait en 2018, à 85 ans. Un coup de force militaire paraît improbable, mais les Nordistes souhaiteront sans doute revenir au pouvoir après une longue marginalisation. On peut à juste titre s’inquiéter d’un scénario comparable à celui que la Côte d’Ivoire a connu, à savoir une détérioration plus ou moins rapide à la faveur d’une lutte de succession, dans le cadre d’un pays très centralisé. »

En disant qu’ « On ne voit pas quelle force politique pourrait aujourd’hui faire descendre les gens dans la rue. », Mme Marie-Claire Nnana répond : « (…) ceux qui soufflent sur les braises de l’extérieur n’ont aucune chance d’être entendus. » (3).

Mais, les vrais patriotes ou les révolutionnaires kamerunais n’ont pas besoin d’écouter ce que disent les étrangers, afin d’assumer leurs responsabilités historiques… Car comme dit Haman Mana : « Le groupe au pouvoir ne cèdera jamais rien par les urnes. A chacun d’en tirer les conséquences.» (4)

Des fragilités profondes et des tensions internes fortes, au sein du régime Rdpc qui les ignore ? Comme le dit, le journal Emergence : « Duel au sommet. La lutte des clans fait rage. Des indiscrétions glanées dans les renseignements démontrent que des clans puissants ont fait chacun de l’élimination des autres une question vitale. » (5). Et Anicet Ekané renchérit : « Les contradictions au sein du pouvoir font en sorte que les dangers peuvent provenir même du régime.» (6).

Qu’il s’agisse de l’article du journal Le Monde, sur la santé de Paul Biya et son épouse. Paul Biya ; « n’est pas non plus un dieu. Il n’est qu’un simple être humain qui porte en lui la forme entière de l’humaine condition. Qu’on le veuille ou pas, il lui arrivera de temps en temps, comme tout être humain, de tomber malade et un

jour, il finira par mourir, et quoi qu’on fasse, on finira par l’annoncer et on ne mettra pas le Cameroun avec lui dans la tombe ! Les Papes meurent, on les enterre, et l’Eglise catholique continue ! » (7).

Depuis des années, Owona Nguini répète valablement qu’ « une succession démocratiquement pacifique et civilisée semble pour l’instant impossible au Cameroun.» (8). Achille Mbembé dans la même veine : « Le niveau de pourriture politique prédispose à une inévitable violence au Cameroun.» (9).

Même si Anicet Ekané, trouve une parade populaire à cette situation « chaogène», il dit la même chose : « Je suis inquiet. L’incapacité du chef de l’Etat à gouverner risque de créer du désordre. Un désordre issu du régime. Tous les brigands à Kondengui, New-Bell vont se réveiller. Lorsque les brigands se réveillent ce n’est pas pour mettre de l’ordre. Nous comptons sur la maturité des Camerounais à ne pas se laisser emballer dans des opérations bizarres. De toute manière, il faudrait que ces gens passent sur nos cadavres pour réinstaller un autre Etat mafieux. » (10).

Contentieux historique ou sentiment anti-français.

Que nous apprend alors le rapport des parlementaires français en ce qui concerne le sentiment anti français? Même, le « complot » impérialiste ou néocolonial devenu, aujourd’hui, le mot clef des thuriféraires habituels ou d’occasion du régime, nous amuse, car jusqu’à présent les mêmes, n’ont pas encore pu désigner exactement les auteurs du « complot » politico-armé au Nord-Kamerun contre Paul Biya.

Par contre nous, nous sommes depuis des décennies en lutte contre les mêmes impérialistes et néocoloniaux, lorsque leurs supplétifs : Biya et autres, nous ont toujours traités : de subversifs, d’aigris, de manipulés ou d’apprentis-sorciers... Nous savons que l’impérialisme ne désemparera jamais dans sa soif de piller le Tiers-monde et de diriger la géopolitique mondiale. Cependant, « la théorie conspirationniste «fermée » fait fi de l’action des peuples africains sur leur propre destin. Cette nouvelle « pensée » prétendument anti-impérialiste aboutit à une infantilisation des Africains.

Elle donne des décideurs « locaux » l’image d’être dépourvus de toute volonté, et elle les exonère de toute responsabilité à l’égard de leurs concitoyens. (…). Complaisance victimaire ou faillite du militantisme et de la pensée ? Au nom d’un panafricanisme incantatoire, l’exécration de l’Occident devient même plus forte que le désir de se libérer des oppressions intérieures. Au nom de la nouvelle pensée « anti-impérialiste », l’on hésite même plus à soutenir des pouvoirs tyranniques, soudainement présentés comme des « résistants» à l’ingérence aux diktats occidentaux. » (11).

Depuis les massacres de Mai 1955 jusqu’à l’assassinat d’Ernest Ouandié, le peuple kamerunais a été éprouvé par des milliers de morts à cause de la volonté macabre de l’Etat impérialiste et colonialiste français d’installer le néo colonialisme et ses suppôts autochtones au Kamerun. L’Union des Population du Cameroun (UPC)acculée à la lutte de libération armée, depuis Um Nyobé sous maquis, Félix Moumié et Ernest Ouandié dans les instances internationales n’ont cessé d’appeler l’Etat français aux négociations dans le respect mutuel des peuples.

Le refus catégorique et éhonté de l’Etat français d’accepter les propositions des Nationalistes kamerunais, avec le cortège des dégâts socio humains causés, a crée un Contentieux historique, non réglé jusqu’à ce jour, entre le peuple kamerunais et l’Etat français. Et les patriotes kamerunais demeurent sur ce combat, dans le souci du respect mutuel des peuples, jusqu’à son aboutissement.

Le sentiment anti français développé, ces temps-ci dans les tribunes ou des plateaux des médias, où la France est le responsable de tous nos maux n’est point partagé par ceux qui militent dans le Contentieux historique.

Les maux qui bloquent notre libération et notre développement, sont partagés au mieux fertilisés par la plupart des dirigeants africains et Kamerunais actuels, qui ne sont que des supplétifs de l’Etat néocolonial français…

SEULE LA PREPARATION DE L’APRES BIYA COMPTE.

Ceux qui évoquent la longévité au pouvoir de Paul Biya ou son isolation ont intérêt à lire ce compatriote : « Paul Biya gouverne. Il a toujours eu un exercice du pouvoir solitaire et un circuit de consultation cloisonné. En cela, depuis trente ans, il n’a pas changé. C’est pour cette raison que les débats sur son départ du pouvoir en 2018 amusent ses collaborateurs, qui ne voient pas chez lui le moindre signe que le temps du repos est proche.» (12)

Et Jacques Fame Ndongo est limpide : « Si vous estimez qu’il faille lui (Biya) trouver un successeur dès à présent, nous, au niveau du Rdpc, nous disons non ! C’est notre champion. » (13). Ainsi, la messe est dite. Reste à nous, de nous organiser pour dire non à « cent années » pour Biya au pouvoir!

Ainsi, le vrai débat des Kamerunais est de préparer l’après-Biya. Nous pensons, tel Achille Mbembé : « la principale tâche aujourd’hui, c’est de préparer l’après-Biya. (…). Sa fin approche à très grands pas. Au fond, Paul Biya appartient désormais au passé –un passé de stagnation matérielle et morale et de brutalisation forcenée des esprits.

La question qui doit préoccuper les esprits, dès à présent, c’est de savoir comment reprendre le contrôle de nos vies (…). Voudrons-nous continuer comme lors des trente dernières années ? Pouvons-nous nous offrir ce luxe sans que quelque chose ne se casse violemment ou voulons nous changer radicalement le cap ? Si nous voulons de fait changer de cap, vers quoi précisément voulons-nous aller, pourquoi, comment et avec qui ?

Au fond, c’est presque tout qui est à reprendre. Le Cameroun se trouve dans un état de délabrement moral et physique qui rappelle les années après-guerre, juste

avant l’émergence du mouvement nationaliste. La question aujourd’hui est de savoir si, au sortir de la nuit des trente dernières années, nous saurons faire corps et retracer des chemins nouveaux pour nous-mêmes et l’Afrique. » (14).

Toutes autres dissertations ne sont que de la spéculation et de la diversion….

-1- Paul Biya, « Nous sommes à la croisée des chemins ». Cameroon Tribune. N° 10499/ 6700. Jeudi 02 janvier 2014. P, 2

-2- Xavier Messe, 2014 de nos rêves. Mutations n° 4011. Lundi06 janvier 2014. P, 8

-3- Marie-Claire Nnana, Le droit à l’indifférence. Cameroon Tribune. Monday, june 08, 2015. P, 3

-4- Haman Mana, Une année pour rien. Le jour. N° 1592 Lundi 30 décembre 2013. P, 1

-5- Kami Jefferson, Duels au sommet. La lutte des clans fait rage. Emergence n° 248 du mardi 22 avril 2014. P, 5

-6- Boris Bertholt, Anicet Ekané : » En cas d’incapacité de Paul Biya, les lendemains sont tristes. ». le jour n° 951 du mardi 07 juin 2011. P-P, 6 et 7

-Jean Takougang, Santé des présidents de la République. Le jour n° 1900 du vendredi 27 mars 2015 P, 8

-8- Parfait Tabapsi et Serge D. Bontsebe, Mathias Eric Owona Nguini : « L’alternance pacifique à la tête du Cameroun est durablement impossible. ». Les cahiers de Mutations, vol. 074. Octobre 201.P6P, 10 et 11

-9- Edouard Kinguè, Achille Mbembé : « Le niveau de pourriture politique prédispose à une inévitable violence au Cameroun ». Le Messager. Vendredi 14 décembre 2011. P, 3

-10- Boris Bertholt, Anicet Ekané , ibid

-11- Francis Laloupo, Le nouveau « complot » africain. Afrique Magazine- 353 – Février-Mars 2015. P, 11

-12- Parfait N. Siki, Paul Biya. Vraiment seul ? Repères n° 423 mercredi 19 mai 2015. P, 3

-13- Jacques Fame Ndongo, « Non à la succession de Paul Biya ». Source RFI. In Mutations n° 3904. Jeudi 28 mai 2015. P, 3

-14- Frédéric Boungou, Achille Mbembé : « La fin de Biya approche… ». Le Messager n° 3962. Jeudi 14 novembre 2013. P, 7