Opinions of Wednesday, 13 October 2021

Auteur: Roland Tsapi

Division à Foumban: la politique devient facteur de désunion

A Foumban A Foumban

Le traitement infligé à Hermine Patricia Tomaino Ndam Njoya, la maire de Foumban aux obsèques du feu roi Ibrahim Mbombo Njoya, laisse présager une énorme malaise dans la communauté bamoun. Il y a eu une guerre de légitimité entre la royauté et la mairie, qui sont eux autorités de cette partie de la région de l'Ouest.



Les obsèques du Sultan Bamoun, le roi Ibrahim Mbombo Njoya ont eu lieu à Foumban le 9 octobre 2021, avec la présence de la plus haute autorité de la République, représentée par son Premier ministre. Mais contrairement à la coutume dans ce type de mobilisation des personnalités de l’État, l’autorité municipale de la localité n’a pas prononcé le mot de bienvenue à tous ces officiels et populations venus à l’occasion. Le maire de Foumban, Hermine Patricia Tomaino Ndam Njoya n’a pas pris part aux obsèques comme il se doit, elle qui devait être aux avant-postes pour l’accueil de ce monde qui pour la plupart foulait le sol de sa commune pour la première fois. Depuis lors, des questions se posent, la politique aurait-elle pris le dessus sur la famille, où la politique serait-elle venue diviser la tribu ?

Récupération du maire

Après le décès du Sultan, le maire Tomaino avait rendu public le 27 septembre 2021, ce qu’elle a intitulé « message suite au rappel à Dieu de l’honorable sénateur Ibrahim Mbombo Njoya, Fon des Pa’mum. » Un extrait lit : « chers populations de Foumban, du Syndicat des communes du Noun, du département du Noun, chers amis de Foumban et du Noun, du Cameroun, en ma qualité de maire de Foumban, président du Syndicat des communes du Noun, je me dois en cette fin de journée du lundi 27 septembre qui a été particulièrement marquée par l‘information du rappel à Dieu de l’honorable sénateur Ibrahim Mbombo Njoya, Fon des Pa’mum, de vous faire part de nombreux messages qui me sont parvenus…

L’institution culturelle traditionnelle séculaire des Bamoun vient de traverser un autre pan important de sa riche histoire : une histoire que nous connaissons tous, unique, glorieuse, qui remonte au 14eme siècle, d’une dynastie de Rois Guerriers, bâtisseurs, inventifs…que l’arrivée des Occidentaux au début du XXe siècle, apportant avec eux une organisation politique et administrative différente, avait sonné le glas. Le roi Njoya a quitté ce monde quand il était en exil à Yaoundé…

À partir de cette époque, partout au Cameroun où il existait des royaumes, des Lamidas, des chefferies, tous sont devenus des territoires de l’État républicain et démocratique…Chères populations, tout le monde est interpellé : tandis que l’autorité de l’État nous oblige, l’adhésion aux valeurs ou aux autorités traditionnelles en République est volontaire. Le cap à garder est l’égalité de tous devant la loi, le respect des droits de l’homme, rassurons-nous que nous sommes bien inscrits comme partenaires parties prenantes pour la reconstruction du patrimoine de demain »

“Toutefois, le malheur qui nous frappe nous rassemble au-delà des clivages partisans, au-delà des différends, propres à toutes les grandes familles. “

Abnégation du roi

Difficile de dire qu’il s’agissait des condoléances classiques adressées à la famille royale ou aux différentes veuves pour rester féministe. Pourtant un an plus tôt, à la mort le 7 mars 2020 d’Adamou Ndam Njoya, ancien maire et député, époux de Tomaino, le feu sultan avait écrit ces mots de condoléances deux jours plus tard lors de son inhumation : « Notre famille est amputée d’une de ses figures emblématiques…le Noun pleure un de ses nobles fils et porte-étendard…Nous ne partagions souvent pas les mêmes points de vue dans certains domaines, ce qui est tout à fait naturel dans une société. Toutefois, le malheur qui nous frappe nous rassemble au-delà des clivages partisans, au-delà des différends, propres à toutes les grandes familles. En effet, le défunt aura contribué efficacement à la mise en place des institutions démocratiques de notre pays. » Rappelons ici que le feu Sultan était le Délégué permanent du parti politique le Rassemblement démocratique du peuple camerounais, dont l’ancrage spatiale avait été fortement mise à rude épreuve dès le retour au multipartisme par l’Union démocratique du Cameroun, parti fondé par Adamou Ndam Njoya et que dirige son épouse Tomaino.

On sait aussi que ça n’a jamais été le parfait amour entre le palais et la mairie depuis qu’elle est dirigée par l’UDC, et le conflit a atteint son pic depuis que le maire actuel occupe le siège. Plus qu’un défi, elle a même pratiquement essayé d’humilier le Sultan Mbombo Njoya le 3 décembre 2020, quand ce dernier avait entrepris la reconstruction de la porte d’entrée de la cité des arts, partie en fumée 5 jours plus tôt dans la nuit du 29 au 30 novembre 2020. Le maire estimait que tous travaux de construction ou de reconstruction doivent requérir l’accord de la mairie qu’elle dirige, et que le Sultan, fut-il sultan, devait se soumettre à cette règle.

Et au-delà du peuple Bamoun, la politique a fait du mal à presque toutes les communautés du Cameroun d’abord, et pour cela les opérations de renouvellement des organes de base du RDPC sont là pour le démontrer, ensuite elle a fait du mal à tout le Cameroun, et la montée du discours haineux et du tribalisme après l’élection présidentielle de 2018 le confirme.

Division

Avec ce rappel, on comprend mieux le sens de son message à la mort du Sultan, quand elle écrit « Chères populations, tout le monde est interpellé : tandis que l’autorité de l’État nous oblige, l’adhésion aux valeurs ou aux autorités traditionnelles en République est volontaire. Le cap à garder est l’égalité de tous devant la loi, le respect des droits de l’homme… » Tomaino tenait donc à rappeler la suprématie de l’État qu’elle incarne en tant que maire, sur le royaume que le Sultan incarnait et que va continuer de faire son successeur. À côté de toutes les analyses et interprétations qui peuvent être faites de cette situation, le constat reste le même : le peuple Bamoun est aujourd’hui plus que jamais divisé, à cause de la politique.

Au point où même le deuil, qui dans les cultures bantoues rassemblent et ressoudent les liens familiaux, permet plutôt de mettre plus en évidence les dissensions. Et au-delà du peuple Bamoun, la politique a fait du mal à presque toutes les communautés du Cameroun d’abord, et pour cela les opérations de renouvellement des organes de base du RDPC sont là pour le démontrer, ensuite elle a fait du mal à tout le Cameroun, et la montée du discours haineux et du tribalisme après l’élection présidentielle de 2018 le confirme. Les divisions observées au sein du peuple Bamoun à l’occasion des obsèques du Sultan, constituent en définitive un signal qui interpelle tous les Camerounais. Si la politique doit nous conduire à la division, vaut-elle vraiment la peine. Et si on ne peut pas se passer de la politique, il faudrait alors suivre ce conseil de feu Françoise Foning, qui disait simplement « Débattez-vous, ne vous combattez pas »