Opinions of Thursday, 2 July 2015

Auteur: Bazou Batoula

Douce France: Quelle place au Cameroun?

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Tu étais censée être partie depuis janvier 1960. Car tu avais dit toi-même par la voix de ton porte parole que chaque Peuple devait jouir de sa Liberté, de son Emancipation. J’ai en toute naïveté cru que mon bonheur te ferait plaisir. Or c’était me tromper car j’étais devenu ton concurrent sur ma propre terre.

Tu as bien eu le temps de m’observer. Tu as remarqué qu’il y avait dans ma famille certains qui voulaient le pouvoir, ton pouvoir, ces chaises vides que tu devais laisser. Ils ont fini, grâce à toi par te ressembler. Il y en avait aussi qui voulaient être comme ils étaient, sans avoir rien à copier chez toi. Ils voulaient juste user d’eux-mêmes de leurs ressources.

Tu as utilisé ton intelligence pour donner aux uns le pouvoir de châtier les autres. Tu les as même armés. En cachette, tu as passé avec eux des accords qui jusqu’aujourd’hui ne sont connus que de toi et d’eux.

Sur la durée, tu as fait notre monnaie. C’est vrai que tu peux la défaire quand tu le souhaites. J’en ai fait la triste expérience en janvier 1994 quand soudain, tu multiplias par 2 ce que tu avais décidé comme étant ma dette. Presqu’en tout, tu m’as façonné. Je constate en fait que pendant que je célébrais la fête de mon indépendance vis-à-vis de toi, pendant ce temps, tu me condamnais en réalité à une dépendance infinie. Moi j’étais naïf, toi non. Moi j’étais inexpérimenté, toi tu avais déjà l’expérience d’Algérie et du Vietnam. Chapeau l’Artiste !

J’avais des enfants que j’aimais tant car ils pouvaient se sacrifier et montrer le torse pour me défendre. Ce ne fut pas que de la rhétorique, car en réalité, ils m’ont montré que même le sacrifice suprême intégrait leur motivation. Qu’en a tu fais ? Tous liquidés, tu les as tous liquidés. Tu as ensuite défini quel serait mon niveau de développement. De petites routes, de petits hôpitaux, un peu d’électricité, un peu d’eau.

Juste de quoi assurer ma capacité d’acheter les produits entièrement venus de chez toi. Tu as décidé que comme je t’appartiens, c’était à toi de copter qui allait me diriger ou pas. Aujourd’hui tu dénonces leur longévité au pouvoir. Qui les a soutenus alors même que mon Peuple les vomissait. N’est ce pas toi ?

Douce France, quand j’ai parcouru ta terre, j’ai constaté qu’effectivement tu étais un grand pays. J’ai constaté qu’effectivement la vie chez toi était apaisante. Qu’on pouvait s’y soigner, s’y instruire, s’y développer, s’y épanouir à peu près normalement. J’ai aperçu tes édifices, tes progrès scientifiques, tout cela m’a donné envie de te féliciter pour tes prouesses.

Mais j’ai constaté que même là-bas chez toi, tu avais scindé les blancs et les non-blancs. Que parmi tes enfants, il y avait plus fainéants que ceux que j’avais ici chez moi. Que malgré ta richesse, il y avait beaucoup de désespérés là bas chez toi. Que tu étais toi aussi en contradiction avec ce que tu prônais. Et j’ai ainsi compris.

As-tu vraiment envie que je me développe par moi-même ? Si tu le prétends, alors pourquoi me mets tu toujours les bâtons dans les roues à chaque fois que je me relève ? Toi qui a attendu que tous mes anciens combattants -qui sont morts pour toi- décèdent avant de décider de leurs payer la réelle pension qu’ils auraient méritée. Hélas, ils sont déjà morts ! As-tu vraiment mal lorsque tu vois tes cousins d’Asie s’enrichir de plus en plus au Cameroun ? Si tel est le cas, serais tu jalouse ?

Ma douce France, je n’ai pas eu le choix de parler ta langue. Aujourd’hui, je m’en réjouie car ça fait de moi une sorte de Bilingue. Ça me permet de pouvoir dialoguer avec toi. Enfin si tu es ouvert au dialogue des lèvres ! Car certains ont dit que tu avais désormais pris l’habitude de parler qu’avec ton canon. Aujourd’hui, mes enfants sont traumatisés par ce que tu as fait à leurs parents et grands parents. Mais cela est notre destin commun et dans ma naïve spiritualité, je l’accepte ainsi.

Je te tends la main ma douce France, pour qu’ensemble, l’on discute de ton départ de chez moi en bons termes. Car même s’il a fallu du temps, j’ai fini par comprendre que mon développement au Cameroun passe IMPERATIVEMENT par ton départ du Cameroun. Je ne fais pas allusion aux contrats contemporains passés avec certains de tes enfants sérieux, mais bien à ceux que tu avais ficelés en cachette et qui te font croire aujourd’hui que c’est le fruit d’une réelle coopération. Mais non! C’était le fruit d’une domination.

Tu domines depuis toujours mon espace aérien. Tu domines depuis longtemps mon principal port, porte d’entrée de tout ce qui s’importe chez moi. C’est encore toi qui possède mon chemin de fer. Tu possèdes mes principales plantations et tu as décidé de ce que j’allais y cultiver. C’est toi qui me saoule de ta bière et ensuite me dirige vers tes jeux hasardeux. Tu produits depuis toujours ton aluminium chez moi. Ton tissu, tu le produits chez moi.

Que dire de ton hévéa, de ton huile de palme, de ton cacao, et de ton cher pétrole. Sans toi, en réalité je ne suis rien. Car les miettes que tu me laisses m’érigent au moins en semblant d’Etat. Mais sérieusement, avec toi en réalité, je n’ai aucun avenir en termes d’Emergence. Aucun. Tu as installé chez moi ton propre réseau téléphonique, ton propre réseau d’espionnage. Et comme toujours, tu as trouvé certains de mes enfants abrutis qui continuent de travailler pour toi. Respect ! Car ta méthode qui avait fait ses preuves autrefois continue de porter ses fruits.

Ma douce France, j’aimerai ressembler à ce que j’ai vu chez toi. Sans hypocrisie, sans discrimination, sans racisme, mais simplement en humanisme et en humanité. Car après tout, même tes scientifiques ont démontré que j’étais ta Mère. Et comme telle, je puis te réserver mon pardon. Mais comme tu le sais bien, cela passera inévitablement par ton « décalage-coupage ». Cet argent que tu ramassais indûment, je souhaite déjà que tu me le rendes.

Pour le préjudice moral que tu m’as causé, je souhaite déjà que tu me dédommages. Pour les opportunités d’affaire dont tu as bénéficiés et qui n’étaient soumises à aucun appel d’offre, je souhaite la rupture. Au moins 9 de tes sociétés « françafricaines » qui pensaient se la couler douce depuis plusieurs décennies sont désormais dans mon collimateur. Car, elles doivent libérer le plancher.

Enfin, pour l’arme monétaire et financière que tu utilises au Cameroun en premier ressort (financement) et en dernier ressort (épargne) pour me tenir, je souhaite que nous sortions amicalement de cette mafia qui je l’ai appris m’empêche de piloter mon propre bateau, mais au contraire et depuis toujours a permis de te gaver du fruit de la sueur de mes efforts. Pourquoi es tu si gourmande !

Je sais que tu as les moyens de t’en sortir sans moi, car tu es un grand garçon. Pardon, une grande fille ! Tu l’as même une fois déjà prouvé. N’oublie pas ta Révolution de 1789 par laquelle le Monde t’a autrefois respecté. N’oublie pas ton engagement de 1940 contre l’ennemi dévastateur. N’oublie pas les Droits de l’Homme dont tu portes la genèse patriotique. Considère simplement que je dois aussi faire le mien de chemin, sans toi s’il le faut malheureusement, car tu me portes très souvent la poisse. En attendant, douce France, je continuerais à admirer ta beauté – car tu es belle – à distance cette fois ci.

En hommage à mes oncles liquidés par tes soins : Um Nyobé, Moumié, Ouandié, Affana, Wambo, les combattants de Nkongsamba, et bien d’autres.