Opinions of Tuesday, 16 May 2023
Auteur: Serge Aimé Bikoi
Au cours du symposium national sur les discours de haine et les violences au Cameroun tenu du 10 au 12 mai 2023 dans la mère des universités d'État du Cameroun, le Prof Samuel Efoua Mbozo'o, membre de la commission pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme, a exposé des solutions à trois niveaux pour régler le problème de la haine tribale.
Au niveau des solutions à court terme, l'Historien propose, de manière concrète, quatre solutions:
1. Mettre sur pied une coalition nationale de lutte contre les discours de haine. A ce sujet, Samuel Efoua Mbozo'o sollicite la participation de bien d'organes pour atteindre cet objectif, en l'occurrence le Conseil national de la jeunesse du Cameroun (Cnjc), le Conseil national de la communication (Cnc), les différents ministères, etc.).
2. Créer une veille médiatique chargée de répertorier les occurrences, les permanences et les fréquences des discours haineux. A ce giron, les émissions de débat politique et, a fortiori, les programmes de débat public de manière globale méritent d'être scrutés, voire disséqués tant les co-discutants interviennent de manière régulière et y diffusent des discours ethnocentristes, ethnofascistes et ethnocommunautaristes. Les occurrences desdits propos doivent être identifiés et, au besoin, trouver des sanctions pénales à ce sujet.
3. Intensifier la sensibilisation des populations locales sur les conséquences des discours haineux. Ici, les injures, les invectives, les stéréotypes, les clichés, les constructions sociales, le rejet, la stigmatisation et le bannissement de l'autre sont, entre autres, des invariants à extirper dans nos manières d'agir, de penser, de sentir, de faire et d'être.
4. La nécessité, pour les pouvoirs publics, d'aider à l'organisation des activités régulières pour sensibiliser les agents de l'État et autres administrateurs des bureaucraties publiques camerounaises pour éradiquer les discours haineux.
À moyen terme, le membre de la commission pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme propose cinq solutions :
1. Sensibiliser les compatriotes domiciliés à l'étranger sur le caractère haineux de leurs discours sur les réseaux sociaux.
2. Sensibiliser les leaders et acteurs des partis politiques à la nécessité de socialiser leurs militants à la lutte contre les discours haineux. S. Efoua Mbozo'o les exhorte à la civilité publique et républicaine lors des moments stratégique et névralgique tels que les périodes électorales, où il y a une enflure des propos haineux. La politique n'est pas la guerre, mais elle est un espace consacré à la lutte la conquête du pouvoir.
3. Promouvoir la communication non-violente et le journalisme de paix. Tous les acteurs des mass médias sont, à ce niveau, interpellés.
4. Exorciser le champ lexical truffé des stéréotypes péjoratifs. Les poncifs usuels dans la scénographie du langage du genre "Gadamayo", "anglofou", "sardinard", "tontinard", "taliban", "cabro-sardinard", "Beti jouisseurs", "Bamileke envahisseurs", "Haoussa agresseurs", "Eton 5 minutes de folie", "Bassa violents et marchant avec le timbre de 500 Fcfa", "Sawa vantards" sont, entre autres la nomenclature est loin d'être exhaustive, des stéréotypes sociaux et des plaisanteries locales stigmatisantes instrumentalisés par plus d'un, qui doivent être apurés et déconstruits dans les discours quotidiens. Au risque de continuer à envenimer la haine entre les micro nationalités ou entre les nationalités ethnocommunautaires.
5. Introduire les cours d'éducation civique ou d'éducation à la citoyenneté dans les manuels scolaire et universitaire.
Comme propositions à long terme, l'Historien spécialiste de la diplomatie parlementaire propose trois solutions :
1. Réduire la perception que les populations ont des deux grands groupes linguistiques du pays (anglophone et francophone).
2. Procéder à la déconstruction des rituels et mythes des groupes ethnorégionaux. Inciter, par exemple, les ressortissants de toutes les aires culturelles camerounaises à savoir que le Ndole n'est pas seulement le mets des Sawa, mais de toutes les communautés locales camerounaises ; il en est de même du Eru des communautés anglophones, du Mbongo tsobi des Bassa du Centre et du Littoral, du Kwem des Beti du Centre, Sud et Est, du taro et de la sauce jaune de l'Ouest-Cameroun, du couscous accompagné de la sauce gombo et du foleré de la partie septentrionale. Tous ces mets culinaires, certes, singuliers à chaque micro nationalité, ne doivent plus être seulement la chasse gardée de ces socioculturalités respectives, mais constituent des variétés culinaires hétérogènes, signe de la richesse camerounaise à valoriser autant à l'interne qu'à l'échelon supra national.
3. Le réarmement moral dans tous les secteurs d'activités du pays. A ce niveau, il est urgent d'exalter les valeurs morales telles que la crainte de Dieu, le respect de l'aîné, de la chose publique et de l'intérêt national, l'amour de soi et d'autrui, la solidarité, la sociabilité, l'affectivité, la magnanimité, le partage et l'interconnaissance.
Serge Aimé Bikoi