Opinions of Monday, 31 October 2016

Auteur: Yanick Yemga

Edgard Alain Mebe Ngo'o: le Cahuzac national

Edgar Alain Mebe Ngo'o Edgar Alain Mebe Ngo'o

A l’instar de l’ancien ministre français du Budget, le patron des Transports camerounais pratique l’art du «mensonge solennel».

Quelles sont les causes réelles du terrible accident ferroviaire qui le 21 octobre dernier, a (officiellement) coûté la vie à 79 personnes, et causé des blessures à plus de 600 autres dans la localité d’Eséka ? Quelles sont les responsabilités en cause ? Voilà des questions auxquelles devra répondre d’ici une trentaine de jours, la commission d’enquête officielle créée par le chef de l’état le 25 octobre.

Outre le fait que cette investigation sera conduite par le gouvernement, en l’occurrence son chef, Philemon Yang, ce qui intrigue davantage c’est l’absence dans cette équipe d’enquêteurs, du ministre des Transports Edgard Alain Mebe Ngo?o, qui assure pourtant la tutelle de la Cameroon Railways (Camrail). Un oubli ? Peut-être. Du moins, si l’on s’en tient au fait que de retour de son court séjour privé d’une vingtaine de jours en Europe (on présume), Paul Biya n’a pas semblé déçu de la gestion de cette crise.

Pour preuve, le chef de l’état a soutenu que «la réaction du gouvernement» lui a «paru assez positive, aussi bien du côté des ingénieurs qui ont rétabli tant bien que mal la circulation entre Yaoundé et Douala, que de tous les autres services qui ont œuvré. Le ministère des Transports, le ministère des Travaux publics, qui ont transporté, fouillé, pour faire en sorte qu’on ait une vue claire de l’étendue de la catastrophe camer.be». Voilà pour la thèse de l’oubli. Celle de la mise à l’écart du Mintransportss’appuie surtout sur ses déclarations controversées concernant la modulation (ajout, ndlr) des 08 wagons pour faire face à la demande élevée du fait de la rupture de la nationale n°3.

Vendredi dernier, peu avant le drame d’Eséka, sur les antennes de la Crtv radio, Edgard Alain Mebe Ngo?o affirmait avoir « prescrit à Camrail (...) de mettre en œuvre des mesures spéciales additionnelles pour accroître la capacité du train» 152 qui a quitté la gare de Yaoundé avec 1336 passagers.

Détracteurs

Interviewé le 22 octobre (c'est-à-dire le lendemain) vers 19 heures, dans une édition spéciale d’information sur la chaine de télévision Canal 2 international, le ministre des Transports soutiendra cette fois que, face à l’interruption de la circulation par voie routière entre Yaoundé et Douala, il a donné des «orientations générales», et que «Camrail a décidé d’ajouter 8 voitures à sa capacité habituelle. Cette décision est prise en interne et compte tenu de leur contrainte technique.

Ce n’est pas le ministre qui prend la décision. C’est une décision prise par les responsables de Camrail», se dédouane-t-il. Au cours de la même interview, l’ex-préfet des départements de l'Océan, de la Mefou et Afamba, et du Mfoundi explique qu’au moment où il intervenait à la radio pour démentir la rumeur du déraillement véhiculée via les réseaux sociaux, par «coïncidence, le véritable déraillement avait lieu». Pris dans l’étau d’une communication malhabile, voici donc le Mintransports otage, comme Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre français du Budget, d’un «mensonge solennel».

Du pain béni pour les nombreux détracteurs et adversaires politiques que cet administrateur civil de 59 ans a collectionné tout au long de sa fulgurante carrière. De fait, à la manœuvre, «les rivaux» de celui qui est présenté à tort, ou à raison, comme un successeur potentiel du sphinx d’Etoudi, vont actionner la guillotine des réseaux sociaux notamment dans l’optique de faire tomber la tête de ce fils de Zoétélé (région du sud). s’agissant précisément de ce fameux mensonge public, des indiscrétions glanées à bonne source indiquent que l’ancien directeur du Cabinet civil de la présidence de la République (1997-2004) avait effectivement pris langue avec les responsables de Camrail pour s’enquérir des dispositions prises par l’entreprise pour gérer la demande exponentielle de transport des passagers.

Sauf que, flairant le bénéfice politique de la modulation de wagons supplémentaires, l’ex-délégué général à la sureté nationale (Dgsn, 2004-2009) s’est empressé de faire de la récup en présentant l’affaire comme une «prescription» de la tutelle de Camrail. Globalement crédité, avant le drame d’Eséka, d’actions positives à la tête de ce département ministériel, Edgard Alain Mebe Ngo?o, «Monsieur quatre épingles», qui a notamment réussi à faire voler les ma 60 (avions chinois), pourra-t-il se sortir de cette mauvaise passe ? L’avenir nous le dira.