Opinions of Friday, 14 September 2018

Auteur: NKE Fridolin

Education sexuelle: lettre ouverte à la ministre Nalova Lyonga Pauline

Nalova Lyonga Pauline, Ministre des Enseignements secondaires Nalova Lyonga Pauline, Ministre des Enseignements secondaires

En soutien au programme actuel de science des classes de 5e. Madame le Ministre,Le privilège qui m’échoit de rédiger ce mot ne repose pas tant sur le caractère distingué des fonctions que vous occupez que sur l’objet polémique de ma correspondance : je souhaiterais bénéficier de votre écoute pour recevoir favorablement ma contribution au débat qui agite l’opinion camerounaise actuellement : doit-on enseigner les pratiques sexuelles déviantes en classe de cinquième ?

Cette question est d’une extrême importance. Le débat qui a cours requiert de cultiver un sens aigu du discernement. Malheureusement, nos contradicteurs ont déjà désinformé l’opinion en déviant sur le véritable enjeu du débat. Ils ont prétexté que c’est un subterfuge que les auteurs et les concepteurs du modulescolaire incriminé utilisent pour faire la promotion de ces déviances à cause de la banalisation auquel leur enseignement donnerait lieu d’après eux ; que c’est une stratégie subtile pour diffuser dans l’opinion publique les germes de la lubricité, le culte du sexe ; que ce serait « le parachèvement du néocolonialisme » ; que cela s’assimile à l’octroi d’un droit sexuel aux mineures et rejoint le projet en cours au sein de l’ONU et en France, où des idéologues inciteraient à l’adoption d’une charte des droits sexuels imposables à tous les peuples.

En réalité, ceux qui dénoncent ce manuel, qui est de bonne facture, ne se demandent pas si éveiller l’adolescent à ces contre-valeurs et à ces pratiques contre-nature est une plus-value pour celui-ci et pour la société en général. D’ailleurs, et ils l’ignorent eux-mêmes, ce n’est pas le bien-être de l’enfant qui les préoccupe prioritairement, encore moinsla qualité de son instruction: c’est plutôt la sécurisation de leur pudeur lézardée qui compte. Ce n’est pas le contenu qui pose problème ; c’est le principe même de cet enseignement qui, pour eux, doit être rejeté : on ne doit pas parler de sexe à l’école. C’est le signe de la dépravation des mœurs !

Fort de cette désinformation, la question initiale s’est donc précisée ainsi : doit-on outiller nos jeunes frères du discernement nécessaire pour résister aux violeurs, aux sodomites et aux pédophiles qui écument nos cités et nos villages ?

Madame la Ministre,

Afin de décider de l’issue à réserver à cette polémique sur le livre « L’excellence en science » en classe de 5e, vous seriez très inspirée de prendre en compte la réaction des parents certes, mais surtout de vous en remettre au jugement éclairé des auteurs de ce manuel, de ceux qu’on a coutume d’appeler « philosophes », des pédagogues, des psychologues et sociologues, bref, des scientifiques en général.

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La réaction des parents

La plupart des parents qui lisent cette leçon sont d’abord interdits. Ils ont la même réaction que moi, lorsque, il y a quatre ans, j’avais découvert le contenu de cette leçon dans une séance de répétition avec ma fille inscrite en cinquième. J’étais sans voix en lisant certaines explications osées sur le cunnilingus, la fellation, etc. Les questions avaient afflué dans mon esprit : pourquoi enseigne-ton cela à cet âge ? vu que ces pratiques sexuelles déviantes s’enracinent dans notre société, je me suis aussi interrogé : quels moyens devrions-nous mobiliser pour faire face aux rigueurs de ce nouveau monde ? Devons-nous nous braquer, pour mieux résister à la putréfaction que nous ressentons ? devrions-nous plutôt entreprendre de maîtriser les pestilences de cette décomposition civilisationnelle ou générationnelle (pour certains c’est la même chose) que nous subissons de plein fouet pour en exploiter avantageusement toutes les potentialités ?

La plupart des parents se posent ces questions renversantes. Ils comprennent néanmoins que leur rôle dans l’éducation de leurs enfants n’est point de dicter leurs peurs, leurs fantasmes, lubies et croyances surannées comme autant de normes constitutives de l’instruction républicaine. Leur

office est d’accompagner et de soutenir les pédagogues et les didacticiens, dont l’expertise est de concevoir les meilleurs outils et contenus pour une instruction adaptée et compétitive de leurs rejetons. Les parents ne devraient jamais prétendre se substituer aux maîtres. Ne cautionnons pas une telle dérive !

L’intention des auteurs

Madame la Ministre,

Éduquer, c’est prévoir, anticiper, préparer l’avenir. Les auteurs du livre qui fait polémique ont repris les objectifs définis dans le programme scolaire par rapport à ce chapitre :lutter contre les comportements émergeants néfastes à la santé de reproduction ; développer des attitudes responsables pour lutter contre les IST et le Sida ;éviter les milieux et les habitudes à risque… L’enjeu, c’est de lutter contre les pratiques sexuelles déviantes qui « prennent des proportions inquiétantes dans nos villes et villages[….]. Ces pratiques ont des conséquences graves sur la santé ».

Ils ont su manipuler et expliquer la bêtise humaine avec doigté et art. Et ce n’est pas une mince affaire : ils ont été inspirés. Que leur art heurte les niais, les conservateurs et les puristes n’enlève rien à leur succès. Que peuvent-ils encore ajouter pour satisfaire ceux qui croient que la vie est un paradis anticipé ? Que doivent-ils expliquer à ceux qui sont rivés sur leur « époque » comme la référence des temps futurs ? Comment peuvent-ils encore expliquer à tous ceux qui croient que vivre c’est prier, chanter ou demander le pardon, que la première arme de nos enfants contre les violeurs, les sodomites, les pédophiles c’est connaître leur sorcellerie par cœur pour mieux se libérer de leur emprise malsaine ? Rien ! Car, les spécialistes de la bêtise ont établi que les pleurs, les suppliques et toutes les humiliations d’une victime de pratiques déviantes n’ont qu’un seul impact sur son bourreau, c’est de l’exciter davantage. À quoi lui serviraient donc l’angélisme et l’ascétisme grégaire que prônent certains ? Ne serait-il pas de l’intérêt des sodomites, des violeurs, des zoophiles et des sectaires adeptes de ces pratiques déviantes d’entretenir l’ignorance auprès des jeunes, pour les abuser en toute impunité et en silence ?

À notre humble avis, le gouvernement devrait plutôt louer le professionnalisme des auteurs de ce manuel. La nation reconnaissante doit en fait les élever, avec leurs pairs, à la dignité du mérite camerounais, au lieu d’être voués aux gémonies et de subir les effluves de la prévention et des sentencieuses injonctions qui écument l’opinion publique actuellement.

Les leçons de la philosophie dans cette affaire

Madame le Ministre,

Je vous écris en tant que spécialiste de l’éthique et du beau, professionnel du raisonnement. Pour faire simple, je fais partie de ceux que l’opinion publique appelle, par confusion, les « Philosophes ». En réalité, nous sommes les experts du jugement et de la critique. Et critiquer, c’est, sans recourir aux sophismes, approfondir toute question que l’être humain se pose ou pourrait se poser. Dans le cas d’espèce, en ma qualité de spécialiste du discernement donc, je soutiens qu’éduquer un peuple, c’est révéler à la société ses tares, ses maladies et ses atouts. Le savoir est versé dehors. Tout ce que l’on peut savoir, faire ou imaginer est dans la rue, sur Internet, dans les réseaux sociaux, dans la télévision. Il n’y a plus grand’ chose en dedans de nous, parents, que l’enfant puisse envier ou redouter tant, sinon l’exemplarité qui nous fait parfois défaut. Très souvent, nos privilèges sont surfaites, les assises de nos préférences sont altérées par le rythme infernal que dictent la mondialisation et la décrépitude morale que l’accompagne. Notre vie de parent maintenant est plus exactement un devoir : forcer notre entrée dans cette hydre insaisissable et apprendre à nous régénérer afin de soutenirce rythme infernal et éviter ainsi d’être très en retard par rapport à nos enfants.

Dans la présente polémique, beaucoup de contradicteurs évoquent avec dégoût un tableau illustrant la zoophilie, où apparaît une femme qui donne du sein à une bête. En tant que spécialiste de l’esthétique et de l’éthique, il me semble que la polémique est sinon injustifiée, du moins exagérée. D’abord, cette image qui heure nos émotions mûres d’adulte,n’est pas perçue avec la même intensité dans l’imaginaire de l’enfant. En matière d’éducation, l’art est souvent mobilisé pour faire réfléchir les élèves, voire pour cultiver en eux du dégoût par rapport à la déviance ; l’art contribue à fortifier les capacités réflexives. Une œuvre d’art est l’occasion de travailler notre compréhension du monde.

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Chacun de nous porte en mémoire, toute sa vie, ce type d’images saisissantes découvertes dans des manuels scolaires. Ces moments paradigmatiques suscitent, à juste titre, la résistance contre l’interdit. Justement, Freud a établi que c’est une période délicate dans la vie de l’enfant en ce sens qu’il a tendance à développer des personnalités déviantes et refuse systématiquement la réalité. Ce tableau qu’ont utilisé les auteurs, à juste titre, le plonge de nouveau dans la vraie vie. Cet hyperréalisme le confond de prime abord avant qu’il ne s’acclimate progressivement, au fur et à mesure que son esprit reprend justement le contrôle de la réalité. Ces tableaux ne sauraient jamais contribuer à éveiller des pulsions morbides et cultiver la perversion chez les élèves : il s’agit de polir leur goût, de conforter leur sentiment du beau à l’aune de ces situations limites que le tableau dépeints et qui font fuir l’envie aux bornes des limites du sens.

Il serait donc contre-productif de bannir ces pratiques déviantes de son horizon mental puisque son environnement socio-politique en est tout impacté. Le vide qu’on créerait est de nature à en faire handicapés d’un nouveau genre en ce 21e siècle imprévisible. D’ailleurs, les auteurs ont fait un choix équilibré dans cette illustration de la zoophilie dans la mesure où ils ont édulcoré le phénomène en ne choisissant pas des scènes plus crues qui auraient pu révulser l’apprenant ou exciter ses penchants immoraux. Cette éducation sentimentale est impérative car elle permet d’apprendre à se consacrer au Beau ! En quoi donc donner le tableau des pratiques sexuelles déviantes dans L’excellence en sciencepourrait-il contribuer à servir les desseins des sectaires et autres pédophiles ?



Du point de vue de psychologie, de la pédagogie et de la science en général

Madame le Ministre,

En dehors des cas où l’élève saute des classes (ce qui peut avoir des avantages et posent par ailleurs d’énormes problèmes quant à la maîtrise de certains éléments de la culture que ces sauts occultent), les enfants qui se retrouvent en cinquième à l’âge de 9 ou 10 ans sont une exception. Parfois ce sont des cas de développement précoce. Mais la règle, c’est qu’on fait la classe de cinquième à l’âge de 12, 13, voire 14 ans si on redouble une classe. C’est l’âge de la pré-puberté ou de la puberté, c’est-à-dire le temps où l’enfant subi les assauts les plus décisifs des tentations de la chair ! Les normes de la pédagogie sont calquées sur les règles générales et non sur les exceptions.

Cette polémique qui a cours touche précisément à la question du développement affectif des élèves. La question des stades du développement de l’enfant ne se règle pas sur Whatsapp ni sur Facebook ; elle a été théorisée par des psychologues, Piaget et Freud principalement. Piaget identifie quatre stade : le stade sensorimoteur (0-2ans), le stade préopératoire (2-7 ans), le stade des opérations concrètes (7-11 ans) où les enfants sont très curieux et ont une grande envie de découvrir et d’acquérir des connaissances ; c’est le stade au cours duquel ils apprennent à raisonner et font des opérations logiques, tout en attribuant leurs sentiments et leurs pensées humaines aux choses, enfin il y a le stade des opérations formelles (11 ans – 19 ans). Freud présente également quatre stade : après le stade anal et le stade phallique, viendrait le stade de latence (6-11 ans) où l’enfant à tendance à développer des personnalités déviantes et refuse systématique de la réalité, enfin survient le stade génital à partir de 11 ans. C’est la maturité psychosexuelle où l’enfant développe aussi bien la capacité à avoir des relations sexuelles.



Dans les deux théories sus-évoquées, il est démontré qu’à l’âge où l’enfant entre en cinquième, les interdits de toutes sortes mettent son affectivité à fleur de peau. Or, la curiosité qui le caractérise n’est pas une tare ; c’est une qualité scientifique à enraciner en lui. La curiosité d’un enfant est souvent l’indice d’une intelligence affinée et exercée. On ne saurait la contenir chez l’élève sous le fallacieux prétexte qu’on veut préserver sa prétendue innocence originelle et immaculée.

En matière d’instruction, il vaut mieux, pour notre système éducatif et la préservation des valeurs africaines, que nos enfants soient édifiés des monstruosités du monde difforme dans lequel nous évoluons, plutôt que de végéter dans un angélisme de mauvais alois basé sur des préjugés et des credo inopérants. La fuite en avant n’est, en réalité, d’aucun secours aux jeunes lorsqu’ils affrontent les violeurs, les pervers et les homosexuels sur leur chemin. Au contraire, cette obscurité cognitive dans laquelle on veut éduquer nos enfants entretient un aveuglement des jeunes qui fait le lit des pratiques que dénonce à juste titre le module incriminé.

En définitive, Madame la Ministre,

À moins de subodorer une guerre des réseaux de livres et des manœuvres de concurrents tapis dans l’ombre et qui n’ont pu trouver de meilleure arme que cette désinformation, du point de vue de la science, une décision hâtive de votre part vous fait courir le risque de cautionner une forfaiture qui sert des desseins et intentions inavouées. Car beaucoup parmi ceux qui ne veulent pas que l’on parle de viol, de sodomie, de zoophilie, d’inceste, etc. font provision de ces outils de la malchance et de la mort pour anéantir notre fragile progéniture et rentabiliser ainsi leurs épanchements faustiens. Ne cédons pas à cette hérésie ! Le monde avance, le mal se généralise, les niais se perdent….

Dans cette cohue de désapprobations, de nombreux intervenants sont de bonne foi : ils ignorent ou sous-estiment l’ampleur des déviances qui nous encerclent ; les plus cyniques et les satanistes veulent s’en donner à cœur joie.

Madame la Ministre,

Dans cette affaire, les responsabilités qui vous incombent en tant responsable en chef de la préservation de l’orthodoxie pédagogique et du développement du système éducatif de notre pays sont couplées avec vos devoirs en tant que parent, mère d’enfants. Lorsque vous déciderez de trancher cette affaire, je souhaite que vous vous souveniez qu’un système pédagogique solide ne se construit ni avec les injonctions des médias sociaux ni avec les préjugés des adultes, encore moins avec les manœuvres partisanes des politiques.Il existe un droit au savoir ; c’est un droit fondamental de tout être humain. Il n’existe pas de droit à l’ignorance !