Opinions of Thursday, 23 August 2018

Auteur: Hiondi Nkam IV

Election 2018: CRTV, la grande déception

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Fallait-il croire le brillantissime Directeur Général de la Crtv, lauréat de plusieurs prix Pulitzer à la camerounaise, quand il nous annonçait une émission 100% présidentielle juste et équitable sur la Crtv, la chaine qui ponctionne joyeusement les maigres ressources du contribuable camerounais au motif d’un service public de l’information qu’elle assume avec beaucoup de bonheur ?

Puisqu’on nous vendait une Crtv encore plus professionnelle, pilotée par un homme qui a fait de la rhétorique un 8e art, on était plus que fondés de transpirer d’impatience à l’annonce du programme 100% présidentielle. Pour sa première livraison il y a deux semaines, l’émission a atteint des pics d’audience. Et pour cause, l’un des protagonistes a savamment fait le ménage en studio, aidé dans sa bravoure par le Dg himself qui a poliment éconduit deux invités qu’il avait préalablement convié au débat. Brutalité, cacophonie, amateurisme, la télévision dont le professionnalisme a depuis franchi les frontières nationales nous avait donné à voir. Et ce n’est pas fini.

Le meilleur semble à venir. Pour sa deuxième sortie mardi dernier, les cuistots ont remis le couvert. Un ministre, représentant du candidat Paul Biya comme pour la première livraison, avec en face un autre membre de l’opposition. Et quand le présentateur du haut de son trois-pièces de grands soirs lança le débat peu après 21h, il était loin de se douter du petit cadeau de bienvenue que lui avait concocté Cabral Libiih, le candidat du parti Univers.

Ce dernier fit d’abord remarquer que c’était la deuxième fois de suite que les représentants du Rdpc se relayaient sur un plateau sensé être équitable avant d’exiger un temps de parole plus important que celui de son contradicteur du jour, le ministre Ndong Soumhet, qui ne jouit pas du même statut de candidat à la présidentielle que lui.

Une bonne quinzaine de minutes d’un conciliabule houleux, et parfois en direct, a finalement été nécessaire pour s’accorder sur le déroulé de l’émission. Désireuse d’embarquer les 8 candidats de l’opposition dans un simulacre de débat où le présentateur bondit de son siège dès qu’il entend un propos défavorable au candidat Biya, figée dans sa posture laudatrice du candidat du système, la Crtv et son Dg ont été lamentablement piégés par le jeune candidat qui a une fois de plus mis le doigt sur l’iniquité et le caractère essentiellement partisan d’une télévision nationale qui ne ménagera rien pour faire réélire le candidat sortant.

Mais au fond, qu’a donc réellement changé le génie du journalisme qui officie comme Dg à la Crtv depuis 2 ans? Les journaux de l’office national restent des cénacles de la propagande militante du candidat du Rdpc. Les débats, quand ils existent, sont biaisés, orientés, conditionnés, encadrés. Les journalistes qui les modèrent restent confinés à de piteux spasmes pavloviens à la gloire de l’éternel président. Ils sont convaincus d’y tirer toute leur légitimité quand ils ne se contentent pas d’y voir la garantie de leurs subsides financiers.

Cette télévision-là, dirigée par un homme qui dit devoir sa vie à cet homme-là, est un machin inapte à réguler le jeu médiatique public au Cameroun et qui plus est en période électorale. L’on sait aujourd’hui qu’il sera impérieux de la réformer une fois sortis de la longue nuit autocratique qui embrigade ce pays dans la logorrhée de l’avilissement.