Les jeunes camerounais âgés de trente ans n’auront pas besoin d’aller en Afrique du sud, aux funérailles de Winnie Mandela, pour voir ce que c’est qu’un meeting politique ! A Yaoundé, c’est dorénavant possible. Le MRC vient en effet de faire le premier meeting populaire à Yaoundé depuis 1992.
La raison est simple. Depuis 1992, le RDPC a toujours utilisé l’administration, pour interdire tous les meetings de l’opposition. Ainsi il a toujours été impossible à quiconque de mesurer la force de frappe des partis de l’opposition, créant ainsi un espace de fait accompli pour la fraude du RDPC. En politique tout est manufacture, c’est-à-dire, rien n’est naturel. Autrement dit, la perception est ce qui fabrique la réalité. Perçu comme président au bout d'un meeting, Emmanuel Macron l'est devenu, lui qui il y'a trois ans n'existait pas politiquement.
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Cette interdiction des meetings de l’opposition chez nous, a fabriqué une perception de l’opposition camerounaise comme famélique, et donc condamnée, et ainsi, la victoire du tyran comme inévitable. Extraordinaire chose ! Le Cameroun se retrouve avec des scores à 93% à des élections, tandis qu’un quartier comme Madagascar à Yaoundé, que j’ai parcouru pendant deux mois de maison en maison, se retrouve administré par le RDPC – une simple impossibilité politique qui est aussi visible que le quartier lui-même. ‘Au finish’, me dit le conseiller municipal RDPC du coin, ‘c’est le RDPC qui a gagné’.
Mais cette impossibilité n’est que le résultat d’une perception qui en amont fait le lit de la fraude, afin de rendre les résultats frauduleux inévitables et donc acceptables. Le Cameroun a depuis 1992 été dirigé par une impossibilité qui veut qu’un régime absolument minoritaire, et cela à tous les écarts, car même tribalement parlant Paul Biya vient d’une tribu absolument minoritaire, prenne en otage la majorité de la population.
Cela n’a été possible jusqu’ici que parce que la perception aura été fabriquée, que les partis de l’opposition ne peuvent pas faire foule. Et ceux-ci jusque-là ont toujours joué ce jeu : le SDF vient d’achever un meeting famélique à Bamenda, dans son fief, meeting famélique dans une salle d’une pauvreté si épique qu’elle ne vaut même pas mention. Et le candidat de son choix, Osih, au lieu de commencer à faire campagne, a disparu de la circulation.
La perception fabrique la réalité en politique. Avec le SDF, l’administration acquise au RDPC n’a même plus besoin d’interdire les meetings – le candidat à l’élection présidentielle ne les tient plus, sa nomination acquise. Il a déjà déclaré forfait, et attend patiemment les chiffres administratifs que lui donnera le MINADT. Il a concédé, pour ainsi dire, sa défaite, là où l’interdiction n’a pas eu lieu. La conséquence de ce forfait, est la même qu’avec les interdictions : le fait accompli de la victoire du RDPC, qui transforme ainsi la perception née de l’absence de meetings, pour installer des résultats frauduleux.
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Et cette perception de la popularité du RDPC, elle-même, nous le savons, n’est fabriquée qu’en donnant de l’argent aux gens, en achetant leur participation à 1000Fcfa, 5000Fcfa ! Le meeting politique est là pour montrer le visage de ce qu’un parti politique peut faire avec ses militants, c’est-à-dire avec ceux qui le financent. Il est donc une démonstration de sa force. Et parce qu’il est une démonstration de sa force, il permet au candidat qu’il se choisit, au sortir du meeting, de fabriquer des alliances sur la base de sa force démontrée par ses militants, avant l’échéance. La question ici, au sortir du meeting étant qui va diriger l’opposition au RDPC, le SDF ou le MRC.
Il est important de le souligner, parce que justement les élections étant frauduleuses au Cameroun, une coalition basée sur les résultats de celle de 2011 ne peut qu’être illusoire. Il serait sage aujourd’hui à quiconque veut faire une coalition avec le MRC – et je sais que des chefs de partillons télévisuels s’agitent -, de faire lui aussi son meeting afin que chacun voie s’il est capable de réunir autant de personnes à Yaoundé autour de son leader. Je dis bien à Yaoundé, car Yaoundé est une ville extraordinairement ingrate, en même temps que capitale politique de notre pays.
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Sevrer cette ville de la fête populaire que sont les meetings aura toujours été l’enjeu du président minoritaire qui nous a pris en otage, et jusqu’ici il aura réussi son pari. Sevrer le peuple de la perception de sa minorité absolue aura été son cheval de bataille, et jusqu’ici il aura mis les gouverneurs, préfets, sous-préfets à l’œuvre pour l’imposer.
Mais chacun de nous aura vu Kamto travailler, travailler vraiment comme aucun politique de ce pays ne l’a plus fait depuis 1990. A-t-on jamais vu le leader de l’UNDP faire campagne ?
A-t-on jamais vu le leader de l’UDC faire campagne, je veux dire, à l’extérieur du Noun ? A-t-on jamais vu John Fru Ndi vraiment faire campagne ? La concession du terrain aura été extraordinaire chez nous, et c’est cette réalité que Kamto a soudain mise à nu avec son meeting historique. Chapeau bas!