Opinions of Friday, 30 October 2015

Auteur: Yanick Yemga

Elvis Ngolle Ngolle : Un « éperviable » pour diriger l’académie

Comparaison n’est pas raison, mais citons la France régulièrement convoquée en exemple par les thuriféraires du régime quand ça les arrangent. Peut-on imaginer le Parti socialiste confier à Jérôme Cahuzac, (ancien ministre délégué chargé du Budget, accusé d’évasion fiscale) la formation des militants sans que cela ne suscite un inoxydable tollé aussi bien dans le camp des Républicains que dans celui des Socialistes ?

Ou encore un Eric Woerth (ministre du Budget de Nicolas Sarkozy, soupçonné de recel de fonds et de trafic d’influence) hériter de cette mission chez les Républicains, sans que cela ne génère la même indignation? A la vérité, le véto de la morale politique qui aurait probablement disqualifié ces personnalités dans l’arène hexagonale s’avère inopérant sous le ciel du Renouveau.

A preuve, la coordination de l’Académie du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) crée le 24 avril 2015, a bien été confiée le 23 octobre dernier à Elvis Ngolle Ngolle. Un homme empêtré dans des ennuis judiciaires. L’ancien ministre des Forêts et de la Faune (qui bénéfice certes de la présomption d’innocence) est cité dans au moins deux dossiers en rapport avec sa gestion des deniers publics et du patrimoine forestier national.

La première, concerne l’affaire ministère public et Etat du Cameroun (Projet de renforcement des initiatives pour la gestion communautaire des ressources forestières et fauniques, Rigc) contre Kaptue Tagne et autres (employés et ex-employés d’Afriland First Bank). L’on se souvient qu’en février 2013, au cours d’une audience au Tribunal criminel spécial, Me Nkouengoua, un des conseils de la banque avait réclamé l’ouverture d’un deuxième complément d’enquête à l’effet d’inculper l’ex-Minfof.

L’avocat d’Afriland First Bank avait alors soutenu que « le ministre Ngolle Ngolle a demandé l’ouverture d’un second compte qui abrite les dépôts à terme et qui ont généré des intérêts lui ayant profité ». Pour sa défense, l’intéressé cité comme témoin de l’accusation dans cette affaire de détournement de 1,7 milliard de Fcfa accuse « les responsables de ladite banque d’avoir pensé une manœuvre bancaire pour faire du business avec les fonds publics ». Outre ce dossier, Elvis Ngolle Ngolle avait aussi été cité dans le scandale de l’exploitation illicite des essences protégées de bois et entendu le 04 mail 2012 par la police judiciaire.

Sans présager des conclusions de la justice s’agissant de l’une et l’autre de ces affaires, c’est donc sur cet homme entré au gouvernement le 07 décembre 1997 et qui en est ressorti le 22 septembre 2006, que Paul Biya a jeté son présidentiel dévolu pour piloter l’Académie du Rdpc. Un parti, qui, il faut le rappeler, est censé porter les idéaux du Renouveau que sont la rigueur et la moralisation.

Au cœur du secrétariat général du Comité central du « parti du flambeau », la désignation de ce « camarade » embarrasse pour « l’image qu’elle renvoie ». Celle d’une formation politique dont le chef tient un discours officiel de lutte contre la corruption mais pose curieusement des actes qui autorisent un sérieux doute sur sa volonté réelle d’éradiquer « ce cancer social ». A en croire un proche collaborateur du secrétaire général du Rdpc, Jean Nkueté, « le sujet n’a pas fait l’objet d’un débat au sein du secrétariat général.

On ne peut pas jeter un camarade parce qu’il a commis une faute. Chacun de nous peut avoir un petit moment de faiblesse. Le ministre Ngolle Ngolle a peut-être détourné des fonds publics, mais c’est un homme bien. Je pense que son attitude après sa sortie du gouvernement a plaidé pour sa nomination. Il est resté calme dans son coin et n’a manqué aucune occasion pour défendre le parti et son président », confie notre source.

Selon l’article 4 de la décision portant création de l’Académie du Rdpc, cette structure est chargée de « la mise en œuvre des stratégies de formation politique et de renforcement des capacités des élus et militants du parti au niveau central et au sein des organes de base ; de la formation des formateurs ; de la production des supports de formation citoyenne et politique en liaison avec le secrétariat à la communication ».