Opinions of Tuesday, 17 October 2023

Auteur: Wilfried Ekanga

En un mot, Foka se focalise - Wilfried Ekanga

Alain Foka Alain Foka

En 2013, un grand, un très grand, un très très grand homme nous a quittés : le génial écrivain nigérian Chinua Achebe, promoteur de la pensée africaine moderne, et notamment auteur du livre « Le monde s'effondre » en 1958.

En 2023, dix ans plus tard, un grand, un très grand, un très très grand journaliste quitte RFI : le génial chroniqueur Alain FOKA, véritable bibliothèque vivante du passif politique africain ancien et récent. Et pour expliquer son départ, l'homme de medias nous rappelle cette vision ô combien pertinente, que feu Chinua Achebe adorait répéter à qui voulait l'entendre : « Tant que les lions n'auront pas d'historiens, les histoires de chasse changeront toujours les mérites des chasseurs.»

Autrement dit, tant que notre peuple ne redécouvre et n'enseigne pas lui-même sa formidable épopée, ceux qui nous ont colonisés continueront toujours de raconter que « l'homme africain n'est pas assez rentré dans l'histoire », comme l'a fait un certain Nicolas Sarkozy en juillet 2007, ou encore que « le problème de l'Afrique est civilisationnel », comme l'a dit un autre humoriste, Emmanuel Macron, en 2017. Ils continueront de distiller des absurdités du type : « L'Afrique est surpeuplée », alors que le Japon, dont la superficie (377 000 km2) n'est que la moitié de la République Centrafricaine, compte pourtant 24 fois plus d'habitants (122 millions contre 5 millions !), et est quand même la 3eme puissance économique mondiale, avec un PIB de 4 000 milliards de dollars !

Quand on dit que la renaissance politique, économique, scientifique et intellectuelle de l'Afrique se fera par les Africains eux-mêmes, c'est de ça qu'on parle : après trois décennies de bons et loyaux services chez RFI où il officie depuis 1994, Alain FOKA a sans doute compris qu'il était devenu trop important pour un simple rôle de sous-fifre, et qu'il avait depuis longtemps sa place à la tribune des acteurs clés - et surtout indépendants - de l'Afrique nouvelle en construction. Il faut savoir quitter les choses avant qu'elles ne nous quittent ; et il est souvent difficile de combattre efficacement un système en demeurant sous la bannière dudit système, tant il est vrai qu'« Efficacité » rime avec « Liberté ».

Et en effet, loin d'être un adieu, il s'agit ici d'une restructuration, mieux, d'une renaissance : reculer pour mieux sauter ; s'émanciper de la structure de tutelle vous assure une plus grande autonomie, dans le choix des thèmes et des mots du thèmes.

Autrement dit, nous continuerons à boire du Alain FOKA au quotidien dans un éventail de chroniques, d'entretiens et de reportages encore plus incisifs que les audacieuses fulgurances observées ces derniers mois. À l'heure où Mali et Burkina entendent se servir de la coopération russe pour développer le nucléaire civil sur leurs terres et ont signé les premiers accords y afférant, où Macky Sall vient de subir un extraordinaire petit-pont de la part d'Ousmane Sonko, où un Ali Bongo en pleurs réclame de « make noise » pour lui après avoir été vomi par les Gabonais...

Bref, à l'heure où la jeunesse africaine entière s'impatiente de voir cette ère nouvelle où les jouisseurs inutiles à la tête de nos Etats seront expédiés dans la poubelle de l'histoire, Il devenait absolument impératif que l'oiseau s'envole pour de bon, sans regarder en arrière.