Dans une tribune publiée sur sa page Facebook, le Dr Patrick Ngou partage avec les Camerounais l'histoire d'un nouveau né malformé aussitôt décédé après sa venue au monde.
Ci-dessous, l'histoire racontée par le Dr
---
"J'ai été appelé un jour en salle d'accouchement pour examiner un nouveau-né qui respirait mal. Quand je suis arrivé le père attendait tout anxieux dans le couloir et on voyait dans son regard que toute sa vie dépendait de ce que j'allais lui dire en sortant. J'en ai tout de suite pris conscience.
Quand je suis arrivé pour examiner l'enfant, il était tout bleu, avec un poids d'à peine 1500g, une malformation des membres, une déformation du thorax, une malformation sévère du visage et malgré l'oxygène il avait du mal à respirer sans geste de réanimation.
Le verdict était sans appel, l'enfant ne survivrait pas, et le père n'avait pas encore vu son fils, puisque c'était un garçon, et le premier né de cette famille. Étant dans une zone enclavée le transfert était non envisageable.
J'ai donc appelé le père, je lui ai présenté son enfant, et je lui ai dit:
"Je sais que c'est dur, je sais que tu ne t'attendais pas à ça, mais si tu as aimé ta femme et si tu as fait cet enfant avec Amour, prends le dans tes bras, parle lui, dis-lui que tu l'aimes, dis-lui que sa mère l'aime, dis-lui ce que tu attends de lui, mais sache qu'il partira avant la tombée de la nuit. Je le lui disais en murmurant, en le regardant dans les yeux, avec une voix pleine de compassion.
D'un air déterminé et prêt à assumer, il a porté délicatement son enfant dans ses bras, lui a fait un bisou malgré le sang qui le recouvrait, lui a souri, mais avec les larmes aux yeux. Il s'est retourné vers moi et m'a dit, svp docteur prenez moi une photo avec mon fils. Ce que j'ai fait.
Passé ce moment, je lui ai rappelé que la personne à protéger maintenant était son épouse, que c'est ce que l'enfant aurait voulu.
Il faut la protéger de la famille, de ceux qui pourront dire que c'est une femme sorcière qui ne peut pas te donner un fils. On n'était pas d'accord pour ce mariage et on te l'avait dit.
Si tu souffres, dis-toi que ta femme souffre 100 fois plus, parce que si elle t'aime, elle s'en voudra de ne pas t'avoir donné le fils que tu souhaitais tant, et il n'y a que toi pour la protéger et lui redonner goût à la vie.
Il a posé délicatement l'enfant et il est sorti.
L'enfant n'a pas survécu, la mère a eu du mal à tenir. Mais l'homme était à ses côtés, c'était le plus important.
Voici un pan quotidien de cette profession, cette passion, qui nous met face à l'humanité au quotidien, à la fragilité de la vie, au sens profond des petites attentions, au choix de nos mots au quotidien en tenant compte des ravages qu'ils peuvent impliquer, médecins ou pas, ça nous interpelle tous.
Je dédie ce post à toutes ces mères qui ont perdu un enfant, parti trop tôt. Je dédie ce post à ces mères qui n'ont pas encore pu faire leur deuil, qui souffrent en silence, que la famille et même le conjoint ne comprennent pas.
Ce dédie ce post à ces femmes qui ont perdu un enfant et ont du mal à reprendre goût à la vie, soyez fortes et osez aller de l'avant, c'est ce que votre petit aurait voulu de là où il est.
Je dédie ce post à toutes ces mères qui aiment jouer les conseillères et proposer l'automédication à tout va. Vous êtes aussi responsables, soyez modérées et réservées lorsqu'il s'agit de conseils sur la santé des enfants d'autrui. L'enfant d'autrui peut mourir à cause de vos conseils, même si ils partent d'une bonne intention.
Je dédie ce post à ceux qui me suivent depuis de nombreuses années et m'encouragent au quotidien dans cette voie que j'ai choisi.
Si vous saviez le sens que nous donnons au mot humanité, ce n'est pas une émotion ou un ressenti.
Celui qui se bat pour l'humanité est sûr de ne jamais se tromper.
Je serai à Douala ce samedi pour des consultations".