Opinions of Wednesday, 11 April 2018

Auteur: Joseph Ngambi

Enseignement Supérieur: plagiat, débat sur les doctorats camerounais

Depuis l'annulation des thèses de doctorats pour plagiat, le débat sur ce diplôme a été lancé Depuis l'annulation des thèses de doctorats pour plagiat, le débat sur ce diplôme a été lancé

Je voudrais apporter un éclairage ici, pour une meilleure compréhension de la notion de doctorat, sans prétention aucune. Il est vrai que le doctorat reste pour beaucoup un concept ou une notion inaccessible car trop éloignée des préoccupations quotidiennes (les gens ont plutôt faim ou veulent se soigner, etc.). Qui plus est, sa réalisation est enserrée dans un parcours académique éminemment sélectif. Pour faire un doctorat, il faut avoir un bac+5, ce qui suppose être titulaire d’un Master 2. Je l’avoue, cela ne va pas de soi. De plus, il faut être courageux pour s’engager dans une voie dont l’issue est incertaine. Je connais des gens qui ont dû abandonner leur projet de thèse après 4 ans de travaux ou plus !!! D’autres ont travaillé 15 ans pour se voir décerner une mention honorable, ce qui correspond à MEDIOCRE.

NOTION DE THESE

Une thèse de doctorat est un travail de recherche qui se réalise sur de 3 à 7 ans selon les domaines. La réalisation d’une thèse a pour but d’apporter une contribution décisive au développement du savoir dans un domaine particulier. On ne fait pas ce que les autres ont fait. On ajoute au savoir déjà existant. Un sujet de thèse portera donc nécessairement sur une question qui n’a pas déjà été traitée; et c’est ce qui fait l’originalité de la thèse. La manière de traiter le sujet conforte cette originalité. A la fin, on a donc un expert dans un domaine particulier, reconnu pour la qualité de son travail et son apport à la science, à travers l’originalité de son sujet, la position soutenue, donc SA THESE, les choix méthodologiques et la valeur de la documentation sur laquelle cette thèse est fondée, les outils utilises.

LIRE AUSSI:Opération Epervier: les choses se compliquent pour l’oncle de Chantal Biya

Si le docteur est donc cet expert-là, pour avoir soutenu une thèse dans le domaine qu’il a choisi, une thèse reconnue pour son originalité, son apport au développent de la science, il sera difficile de considérer que nul n’a non pas le monopole du savoir mais de l’expertise dans ce domaine particulier. Cet expert, accepté par ses pairs dans le gotha des experts, ne pourra être critiqué que par un autre expert du même domaine et du même niveau, l’autorité scientifique des uns et des autres tenants lieux d’arbitre. Cela permet de limiter le champ des personnes CAPABLES de critiquer un docteur. On ne verra jamais un patient donner des leçons de médecine à un médecin, sauf si le patient est lui-même médecin spécialiste. Ceci devrait induire chez certains un peu de modestie.

L'ENSEIGNEMENT ET LA RECHERCHE

Par ailleurs, de manière générale et sur le plan des débouchés, les titulaires d’un doctorat sont destinés à l’enseignement et la recherche. ARRETEZ DONC DE DIRE QUE LE DOCTORAT NE SERT A RIEN.

Nous savons tous l’importance de l’enseignement, qui prend des proportions particulières quand il s’agit du supérieur. Les docteurs forment les élites de la nation. Tous les hauts cadres de l’administration passent par les mains d’un professeur à l’université. C’est à l’université qu’ils obtiennent le titre leur permettant de présenter les concours administratifs. Le gouverneur et le préfet sont d’anciens étudiants!!!

LIRE AUSSI:Limogé, voici ce qui a précipité la chute de Xavier Messè

Pour ce qui est de la recherche, il s’agit d’une profession, également. Beaucoup l’ignorent. Vos professeurs sont des enseignants-chercheurs. Leur salaire comporte une prime de recherche. Tous ceux qui sont issus du système français savent les années consacrées à la réalisation de la thèse sont désormais considérées comme une expérience professionnelle en matière de recherche. La force des grands pays a également pour source la qualité de leurs laboratoires de recherche. Pensez-vous que ces laboratoires sont dirigés par des chefs de gare faisant du bénévolat? Être chercheur est un travail; et c’est le fruit de ce travail qui donne aux grandes puissances le savoir que nous n’avons pas et par lequel elles nous tiennent.

C’est dire que le doctorat comporte en lui-même la notion de professionnalisation. Il conduit vers une profession, celle d’enseignant-chercheur. Le reste dépendra des choix politiques des dirigeants de chaque État. Veut-on valoriser le doctorat? Veut-on créer des laboratoires et investir dans la recherche ? Ces questions ont tout leur sens dans un contexte comme le nôtre.

LA SPECIFICITE DE LA PROBLEMATIQUE CAMEROUNAISE : L'ABSENCE DE VALORISATION ET LES EFFETS INDUITS

Au total, la valeur des diplômes camerounais, doctorat inclus, dépend de l’importance que les dirigeants du pays leur accordent. Si le Cameroun n’investit pas dans la formation et la recherche, nos diplômes n’auront aucune valeur, même aux yeux de leurs détenteurs, qui finissent par devenir des mendiants. Les bas salaires des enseignants, le non-versement des primes de recherche, l’absence de structures de recherche illustrent le manque d’ambition de nos dirigeants, qui ont manifestement décide de faire des enseignants, y compris les titulaires d’un doctorat, des clochards. Le problème est donc moins personnel que systémique.

LIRE AUSSI:Confidentiel: la fortune personnelle de Paul Biya (enfin) dévoilée !

Cette clochardisation des enseignants-chercheurs induit une perception biaisée de leurs diplômes, amenant un faux débat sur la valeur du doctorat en général, donc l’idée que le doctorat ne sert à rien, ou que les personnes formées dans les écoles sont plus intelligentes que les universitaires. De la vraie subjectivité !!! En regardant de plus près, on comprend que la valeur du doctorat stricto sensu ne saurait être remise en cause, mais qu’il y a une spécificité de la problématique camerounaise tenant entre autres à la médiocrité du système éducatif et à la mauvaise gouvernance politique.