Opinions of Friday, 13 January 2023

Auteur: William Bayiha

Esstic: 'le problème n'est pourtant pas Amougou Bélinga'

Jean Pierre Amougou Bélinga Jean Pierre Amougou Bélinga

Il y a quelques jours, des étudiants en fin de formation à l'Esstic ont demandé le parrainage de Jean-Pierre Amougou Bélinga, pour la cérémonie de la fin de leur formation. Les responsables de l'école se sont opposés à cette demande.

Dans la tribune ci-dessous, William Bayiha donne son point de vue sur l'affaire.


"La décision de la direction de l'Esstic de s'opposer à la décision des étudiants de 1ère année journalisme de baptiser leur promotion du nom du sulfureux journaliste et patron de presse a été saluée par une nuée polémique comme le monde actuel en a le secret.

Si certains d'entre nous ont salué le principe éthique qui voudrait que seuls les parcours exemplaires soient pris en exemple, il n'est pas sûr que le scandale de ce choix et sa dénonciation aient été motivés par ce seul motif.
Amougou Belinga est un acteur médiatique de premier plan et un acteur politique de fait dans un contexte camerounais où la plupart des patrons de presse sont des soutiens assidus de personnalités politiques, de factions de pouvoir et/ou de superstructures politiques que nous appelons "communautés" et que d'autres appellent "composantes sociologiques".

Nous avons des héraults du "Bamipower", des défenseurs de l'"Essingan", des militants acharnés du retour du "Grand Nord" à Etoudi… Si certaines causes ont des ambassadeurs connus de tous, d'autres sont plus ou mois secrètes.
La dénonciation d'un Amougou Belinga ne peut donc pas être lue en dehors de cette triple échelle. Ses dérives éthiques maintes fois documentées ne semblent alors être que l'élément qui facilite sa disqualification.

Cela signifie qu'il n'est pas sûr que la disqualification pour motif éthique aurait été retenue par les mêmes personnes pour tous les patrons de presse embarrassés par des "affaires".

Le fait est que la scène journalistique au Cameroun est à genoux sur le plan éthique. Il m'est tout à fait loisible de dire que les journalistes capables de jeter la pierre à Amougou Belinga sur le plan éthique se comptent sur les doigts d'une seule main. Encore qu'il faut savoir de combien de doigts cette main est amputée.

Sinon, comment se fait-il que des élèves-journalistes qui, par définition, en sont encore à rêver le métier considèrent, avec un cynisme qui frôle le génie, que le modèle à suivre est un Amougou Belinga ?

Je repose la question : si ce n'est pas Amougou Belinga, ce sera qui ?
Les journalistes affiliés sans le dire aux partis politiques ? Ceux qui ont pour mission de défendre des personnalités ? Les confrères engagés à défendre une communauté contre les autres et en général sans le dire ouvertement ? Les régleurs de compte à tel ou à tel contre rétribution ? Ceux qui soutiennent leurs amis parce que ce sont leurs amis ? Ceux qui se mettent à plat ventre devant n'importe quel sous-ministre parce qu'ils travaillent pour les fameux « médias gouvernementaux » ?

Non, Amougou Belinga n'est pas le problème à lui tout seul. Le métier de journaliste a été mis à terre par les journalistes-comme-il-faut, y compris ceux formés à l'Esstic. Les Amougou Belinga n'ont fait que le ramasser où il était.
C'est de ça qu'il s'agit.

PS.
Et moi alors dans tout ça ? Dès le premier jour où j'ai décidé de prendre une carte dans un parti politique, j'ai ouvertement informé l'opinion que je soutiens désormais Cabral Libii. Quand je parle, on sait d'où je parle. C'est honnête et parfaitement éthique. Je me sens peu concerné par cet affaissement éthique généralisé. Voilà pourquoi je peux en parler et tancer les rédactions des médias publics de leur démission. Peut-être c'est pour cela, peut-être pour autre chose, que certains ont décidé de me bannir du journalisme camerounais. Le peuvent-ils seulement ?"