En suivant le fil des Messages du président de la République à la Nation, on est heurté par cette épineuse interrogation. Le cap fixé n’est pas toujours suivi. Décalage entre le discours et les faits.
En 2013 dans une mémorable adresse à la Nation, Paul Biya s’étonnait du fait que le Cameroun n’arrivait pas à décoller. Il se posait de ce fait une kyrielle de questions révélatrices de son incompréhension de l’incapacité manifeste qui anime ses concitoyens à relever le défi de développement. « Serions-nous incapables de faire ce que d’autres pays comparables au nôtre ont fait ou sont en train de faire ? », s’interrogeait Paul Biya avant de répondre aussitôt qu’il ne le croyait pas. « Nous avons des hommes, des femmes et des jeunes talentueux, ingénieux, bien formés et entreprenants, capables de relever ces défis. Nous avons des ressources naturelles, abondantes et variées. Nous avons des institutions, modernes et démocratiques. Notre pays connaît la paix et la stabilité. Alors que nous manque-t-il ? », s’interrogeait-il à nouveau devant de telles potentialités improductives. Pour sa part, il indiquait croire que les Camerounais ont des progrès à faire sur deux points importants : la primauté de l’intérêt général et la coordination de leur efforts. De ce point de vue, à l’exemple de Dieu dans la Bible, il mettait en 2013 devant la Nation deux chemins en lui suggérant de choisir un. Comme dans les saintes Ecritures, où Dieu met devant son peuple « la vie et le bonheur » et « la mort et le malheur » (Deutéronome, 30 : 15-16), en lui prescrivant de choisir le chemin de la vie et du bonheur, il en avait été de même pour Paul Biya à l’endroit de ses citoyens en cette année-là. « Ou nous empruntons le chemin de la facilité, en reportant à plus tard les réformes. Et alors, dans 10 ou 20 ans, nous aurons accumulé un retard tel que nous pourrons difficilement satisfaire les besoins de notre population. Ou nous nous fixons des objectifs élevés, en nous imposant une discipline collective rigoureuse. Et nous serons résolument sur le chemin de l’émergence », sont les deux chemins qu’avait présentés le chef de l’Etat. Dans la foulée, il suggérait à ses compatriotes la seconde voie : « Celui de l’effort et du courage ». Il était allé plus loin en précisant qu’il ne demandait ni sueur, ni sang, ni larmes, mais seulement que « les Camerounais s’engagent sans réserve dans cette nouvelle phase de notre grand dessein national ». Aujourd’hui 9 ans jour pour jour plus tard, quel chemin a choisi le Cameroun ? On ne peut pas dire que le pays de Paul Biya a choisi depuis 2013 « le chemin de l’effort et du courage ». On ne peut pas dire, au regard de l’état économique actuel du pays que les dirigeants camerounais se sont fixés des objectifs élevés, en imposant une discipline collective rigoureuse, comme suggéré en 2013. La conséquence logique de ce qui devrait arriver, tel que prédit par Paul Biya lui-même est bien là. « Ou nous empruntons le chemin de la facilité, en reportant à plus tard les réformes. Et alors, dans 10 ou 20 ans, nous aurons accumulé un retard tel que nous pourrons difficilement satisfaire les besoins de notre population », prévenait-il pourtant il y a des années. Qu’est-ce qui n’a pas marché ? Qui faut-il blâmer dans un tel contexte ? Le leadership ou la gouvernance ? Le peuple ou ses dirigeants ? Quoi qu’on en dise, soit Paul Biya est incompris de ses collaborateurs du gouvernement soit il remet toujours à demain ce qu’il est appelé à faire aujourd’hui : la procrastination. De toute évidence, le Cameroun en a accumulé un grand retard au point où les dirigeants peuvent difficilement satisfaire les besoins des populations tel que prévenait malheureusement Paul Biya.