Opinions of Monday, 18 December 2017

Auteur: Jeune Afrique No  2971-72-73

Etoudi: Paul Biya en quête d’un successeur

Le scrutin présidentiel devrait se tenir en 2018 Le scrutin présidentiel devrait se tenir en 2018

Et si le Cameroun avait définitivement failli à sa réputation de «pays stable»? Alors qu’on entre de plain-pied dans une année électorale, les indicateurs d’implosion virent au rouge en raison de la crise anglophone.

Depuis novembre 2016, cette minorité–environ 20% des 23millions d’habitants– proteste contre sa marginalisation, certains exigeant le fédéralisme, d’autres la sécession. Deux options rejetées par Yaoundé, qui, jusqu’ici, se contente de réprimer les manifestations séparatistes.

En réponse, les rangs de ces derniers s’étoffent, et les incidents se multiplient, faisant craindre, selon les observateurs, l’émergence d’une « insurrection armée» dans les deux régions anglophones du pays. Début octobre 2017, plusieurs manifestants sont morts en marge de la proclamation symbolique d’indépendance de l’État d’Ambazonie par des sécessionnistes.

Fin novembre, la tension est montée d’un cran après un nouvel assassinat de membres des Forces de défense et de sécurité (une dizaine de victimes entre octobre et décembre), attribué aux sécessionnistes, et la déclaration de guerre des autorités qui entendent «combattre sans état d’âme [cette] bande de terroristes».
À cela s’ajoutent les attaques-suicides de Boko Haram, en recrudescence malgré de notables succès contre le groupe islamiste. Pas de quoi ébranler le pouvoir cependant.

La lutte contre Boko Haram a permis de relancer la machine sécuritaire. Le régime devrait pouvoir déjouer les pronostics d’éclatement et revenir très vite à la question du moment: la présidentielle de 2018, peut-être la dernière pour Paul Biya s’il devait se présenter.

À 84 ans, dont trente-cinq années au pouvoir, le locataire d’Etoudi ne s’est pas encore prononcé .Mais difficile d’imaginer qu’il puisse en être autrement. Soucieux de se prémunir contre les affres d’une alternance, ses partisans l’y encouragent.

Mieux, aucune figure incarnant l’idée de «succession» n’a émergé. Et on imagine mal le chef de l’État perdre le scrutin. Côté opposition, hormis le Social Democratic Front, qui tente de reprendre du poil de la bête à la faveur de la crise ,et le Mouvement pour la renaissance du Cameroun(MRC, de Maurice Kamto),dont la Caravane de la renaissance nationale sillonne les routes du pays depuis 2016,les formations, atomisées, démobilisées ,peineront cette fois encore à sortir de leur hibernation.

Fraîcheur

Héraut de la lutte anticorruption et candidat déclaré en octobre 2017, l’avocat Akere Muna pourrait faire souffler un vent de fraîcheur sur la présidentielle – si rien ne l’empêche de concourir.

Selon certains, seul un ticket Muna-Kamto pourrait faire contrepoids au prétendant Biya. Reste à persuader l’un d’être le second de l’autre. Autres rendez-vous attendus, les législatives et les municipales. Les dernières, en 2013, étaient intervenues alors que les mandats des députés et des conseillers municipaux étaient forclos depuis plusieurs années.

Par ailleurs, bien que le Cameroun reste l’une des économies les plus diversifiées de la zone Cemac, son activité a ralenti en 2016 et sa croissance s’est abaissée à 4% fin 2017, contre4, 7% en 2016.

En cause notamment, la faiblesse de la production de pétrole (+3%en2016, contre+37%en 2015). La poursuite de l’ambitieux programme d’infrastructures de l’État devrait largement contribuer au maintien d’une croissance solide dans les travaux publics et les services.

Parce que le pays connaît des problèmes de gouvernance qui le rendent parfois peu attractif aux yeux des investisseurs, le Groupement inter-patronal du Cameroun (Gicam) apprécie de le voir passer de la 166e à la 163 e place dans le classement « Doing Business » 2018 de la Banque mondiale.

Une mince avancée perçue comme un encouragement pour le gouvernement à entreprendre de nouvelles réformes, notamment en matière de commerce transfrontalier et de transfert de propriété.