Franck Biya, le "fils de"
On lui prête le rôle de conseiller officieux de son père depuis la fin de leur brouille, au milieu de la décennie écoulée. Mais Franck Emmanuel Biya, 44 ans, préfère de loin le monde silencieux de l’exploitation forestière au bruyant marigot politique de Yaoundé. Contrairement à Chantal, sa belle-mère, qui a réussi à tisser un réseau d’influence, le fils aîné de Paul Biya restreint son lobbying au cercle familial. "Il lui arrive de rapporter que tel cousin ou tel oncle se sent lésé. Quelquefois, il intercède pour une personnalité du Sud, sa région d’origine, mais pas plus", observe un habitué du palais d’Etoudi. Pourtant, les sollicitations sont constantes, comme l’illustre le ballet des "visiteurs du soir" dans sa résidence du Lac, à Yaoundé. Au point que l’hypothèse de consultations officieuses pour le compte du chef de l’État n’est pas écartée, même si Franck Biya "repousse plus de 90 % des demandes d’intervention auprès de son père", selon notre source. Il est néanmoins devenu, à son corps défendant, un recours pour les barons incapables d’accéder au président. Il lui sera donc difficile d’échapper au destin politique que beaucoup imaginent pour lui. À l’approche d’un remaniement ministériel qui se fait attendre, certains lui prédisent un maroquin. Pas sûr que l’intéressé soit preneur, à moins qu’il ne force sa nature pour sortir de l’ombre. Il pourrait aussi placer ses pions au sein du gouvernement, comme le soupçonne la rumeur.
Edgard Alain Mebe Ngo’o le sécurocrate
Edgard Alain Mebe Ngo’o est sur la brèche. Mi-avril, le ministre délégué à la présidence chargé de la Défense a envoyé de nouvelles unités dans le nord du pays. Les incursions régulières de la secte nigériane Boko Haram dans cette région, conjuguées à celles de bandes venues de République centrafricaine le long de la frontière orientale, ne laissent aucun répit à l’armée. Mebe Ngo’o n’a donc d’autre choix que de monter en première ligne sur le terrain médiatique, pour rendre compte des victoires et tenir à jour la comptabilité macabre des pertes en vies humaines. Tout en exerçant une veille permanente sur la péninsule de Bakassi, zone de tensions entre le Cameroun et le Nigeria. Cet administrateur civil de 57 ans, qui logea une partie de sa jeunesse chez le Premier ministre Paul Biya, met en musique la réforme de l’armée. Il a largement inspiré le discours présidentiel plein de promesses (harmonisation des âges de départ à la retraite, construction de logements et accès des militaires à la propriété immobilière) lors du cinquantenaire des armées, en 2010. L’effort de recrutement – plus de 10 000 hommes et femmes en quatre ans – et d’acquisition de matériel qu’il a impulsé lui vaut une certaine reconnaissance dans les rangs. "Il ménage beaucoup les généraux, c’est très important pour le chef de l’État", indique un observateur. Mebe Ngo’o a toutefois obtenu la tête du contre-amiral Jean-Pierre Nsola, qui avait croisé le fer avec lui à propos d’un achat de matériel militaire en Chine. Sa connaissance des dossiers sécuritaires tient à son parcours dans la préfectorale, mais aussi à son passage à la tête du cabinet civil de la présidence puis aux commandes de la police. Ce sécurocrate est aussi "l’exécuteur des basses œuvres", souffle l’un de ses détracteurs. En 1997, alors préfet du Mfoundi (le département de Yaoundé), il établit un cordon sanitaire autour de Titus Edzoa, qui vient de démissionner du gouvernement pour se présenter à la présidentielle. Et du temps où il régnait sur la police, les arrestations spectaculaires d’ex-barons en disgrâce dans le cadre de l’opération Épervier portaient sa signature.
Martin Belinga Eboutou le "vice-président"
Pour prendre vraiment la mesure du pouvoir exercé par le directeur du cabinet civil de la présidence, il suffit de voir les nombreuses personnalités se pressant à sa résidence. Ministres et directeurs généraux y attendent d’être reçus par celui que l’on surnomme le vice-président. Martin Belinga Eboutou a été le grand architecte de l’équipe gouvernementale actuellement en poste, et "nombre de ministres sont ses obligés", glisse un connaisseur du landerneau politique camerounais. De la même génération que Paul Biya, ce diplomate chevronné de 74 ans reste pratiquement son dernier confident. Un compagnonnage de cinquante ans qui a même résisté aux assauts de Chantal Biya, la première dame ne le portant pas dans son cœur. "Il est la mémoire publique et privée du président. Même s’il venait à quitter ses fonctions aujourd’hui, son influence sur la marche des affaires publiques resterait intacte", assure le même observateur. Et Martin Belinga Eboutou ne se prive pas de mettre à profit sa proximité avec le président pour imprimer sa marque. Il est notamment derrière l’avènement du ministère des Marchés publics, en décembre 2011. Beaucoup estiment que sa désapprobation a eu raison de la volonté de son patron de céder aux demandes pressantes du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale en réformant les subventions sur les carburants – sujet éminemment sensible. Également chargé des rapports avec l’opposition, Martin Belinga est l’interlocuteur privilégié de John Fru Ndi. Il a notamment été à l’initiative de la rencontre entre ce dernier et le président Biya en 2010, à l’occasion de la célébration du cinquantenaire des armées à Bamenda, fief du Social Democratic Front (SDF, le parti de Fru Ndi). Reste que sa gestion des festivités organisées pour les cinquantenaires de l’indépendance et de la réunification semble avoir laissé un goût d’inachevé à son mentor.
Louis-Paul Motaze, le technicien
Avant lui, peu de Camerounais savaient quel était le rôle d’un secrétaire général des services de la primature. Depuis sa prise de fonctions, en décembre 2011, Louis-Paul Motaze donne un relief particulier à ce poste. Ses missions : coordonner l’action gouvernementale et préparer les arbitrages du Premier ministre, comme Jules Doret Ndongo ou Louis-Marie Abogo Nkono avant lui. Mais contrairement à ses prédécesseurs, qui n’avaient jamais détenu de portefeuille, Motaze est arrivé auréolé de sa gloire d’ex-ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire. Il est à l’origine des projets structurants, dont il coordonne aujourd’hui la mise en œuvre. Connaissant parfaitement ses dossiers, il est de tous les voyages présidentiels et sait intéresser les bailleurs de fonds aux ambitions camerounaises, qu’il s’agisse du deuxième pont sur le Wouri, du port de Kribi ou des barrages de Lom Pangar et Memve’ele. L’administrateur de 55 ans fait partie du premier cercle de Paul Biya – il est l’un des rares à pouvoir le voir et lui parler quand il le veut – et passe même aux yeux de certains pour le véritable Premier ministre, éclipsant le titulaire officiel de la fonction, le discret Philémon Yang. Mais à la presse, qui ironise sur le rôle de figurant joué par ce dernier, Motaze précise, en fin diplomate, qu’il n’est qu’un technicien au service du chef du gouvernement.
Ferdinand Ngoh Ngoh, l’hyperactif
Diplomate de formation, passé par les Nations unies puis par le ministère des Relations extérieures, l’actuel secrétaire général de la présidence jouit de la confiance de Paul Biya, qu’il peut joindre à tout moment, mais aussi d’une grande proximité avec la première dame, originaire comme lui de Minta (Haute-Sanaga). Ses partisans portent à son crédit la reprise en main de Camair-Co, la compagnie aérienne nationale. Mais c’est pendant les négociations pour la libération des otages français enlevés dans l’extrême nord du pays en 2013 que ce spécialiste des questions de sécurité est réellement devenu incontournable. C’est lui qui a été à la manoeuvre, au détriment de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE) ou de la Délégation générale à la sûreté nationale (DGSN), allant lui-même chercher les otages à Maroua pour les ramener à Yaoundé. Moins discret que son prédécesseur, Laurent Esso, Ngoh Ngoh agit et, surtout, le fait savoir. Ses ennemis lui reprochent son hyperactivité, le soupçonnant notamment d’avoir orchestré l’arrestation de Mohammed Iya, l’ex-président de la Fédération camerounaise de football (FECAFOOT). Avec un brin de perfidie, ils n’hésitent d’ailleurs pas à rappeler que plusieurs anciens titulaires de son prestigieux poste sont passés ensuite par la case prison.