Lapiro de Mbanga s’est confié et a parlé de son histoire avec Jean Fochivé et de son rôle dans les villes mortes. Arol Ketch revient sur ces confidences entre les deux hommes.
A l’époque, je suis l’un des vice-présidents de l’Organisation camerounaise des droits de l’homme, tout comme Me Ngalle Miano et Pius N. Njawé. Me Tchoungang en est le président. Il y a un problème à l’Université de Yaoundé avec des leaders estudiantins en 91, Schwarzkopf et autres.
Dans l’ensemble, les étudiants revendiquaient de meilleures conditions d’études. Il fallait que les leaders fassent un mémorandum que nous devions nous charger de remettre à qui de droit. C’est ainsi que Me Charles Tchoungang a rencontré Jean Fochivé à l’Hôtel Méridien à Douala. À ce moment-là, les trois leaders du parlement estudiantin étaient activement recherchés. On les accusait d’avoir tué un étudiant qu’ils qualifiaient de traître.
Ils logeaient alors chez Djeukam Tchameni, président d’une autre association, Cap Liberté. Je ne peux pas vous dire ce qu’il y a eu entre Djeukam Tchameni et Charles Tchoungang. Toutefois, quand ce dernier a rencontré Fochivé, ils ont discuté avec Albert Dzongang et c’est ainsi qu’on m’a demandé d’aller rencontrer Jean Fochivé pour prendre un sauf-conduit (laissez-passer). Je suis donc mis en mission par Me Tchoungang.
Quand Fochivé me reçoit, il commence à me raconter qu’il est l’ami intime de mon père. A l’issue de la conversation, le délégué à la Sûreté me délivre donc le laissez-passer. Dzongang loue une Runner [voiture tout terrain de luxe, ndlr] que l’on met à ma disposition. C’est avec ce véhicule que je vais chez Djeukam Tchameni récupérer les étudiants. Je les accompagne à Bamenda afin qu’ils écrivent leur mémorandum.
C’est moi qu’on choisit pour faire ce travail parce que le Cameroun est à feu et à sang ; la seule personne reconnue par le peuple et que les autorités acceptent c’est moi. Quand ces leaders estudiantins terminent leur réunion de laquelle sort le mémorandum, je récupère le document que je m’en vais remettre à mon président, Me Tchoungang. C’est lui qui l’achemine aux autorités. C’est ainsi que la bombe des étudiants est désamorcée.
Quand je reviens à Douala pour une autre réunion de l’opposition, j’affirme que l’on ne peut pas envoyer tous les jours les enfants dans la rue pour se faire tuer. Je leur dis : “ Aucune guerre ne finit au front ; toutes se terminent sur une table de négociation ”. Il y a certes la pression de la rue, mais il faudrait qu’il y ait aussi quelque part une négociation pour l’alternance au pouvoir. Les gens ont commencé à dire qu’il n’en est pas question.
C’est ainsi que j’ai enfermé les leaders dans la salle et j’ai donné la clef aux vigiles. Fru Ndi était sorti deux minutes avant et il m’a dit : “ Vraiment maintiens-les, il faut qu’il y ait une résolution ”. La décision qu’il en sort c’est que les leaders doivent rencontrer le Premier ministre pour une concertation. C’est là la naissance de la tripartite. Quand on va à Yaoundé pour la rencontre, ils veulent remettre les villes mortes. Je dis non parce qu’on n’a pas encore fait le bilan des autres villes mortes. C’est à ce moment que je me désolidarise. La raison est simple : on avait déjà cassé beaucoup d’infrastructures, brûlé de nombreuses autres, et on racontait partout que c’est Lapiro qui se promène dans tout le pays pour demander aux populations de poser ces actes ! C’est là que je me dis qu’il faudrait informer l’opinion de ce que je ne suis pas d’accord avec certaines actions. Vous avez donc boycotté l’opposition… En guise de représailles, vos biens ont été détruits.
On attribue cette destruction aux vendeurs à la sauvette qui estimaient que vous les aviez trahis. Comment appréciez-vous cet acte une quinzaine d’années après ? Ma boite de nuit ainsi que mes voitures ont été incendiés. Mais je peux dire aujourd’hui que ce ne sont pas les opposants qui l’ont fait, mais le gouvernement. Il fallait tuer le mythe Lapiro. Le gouvernement pouvait manipuler les politiciens mais pas Lapiro de Mbanga.
Mes biens étaient gardés par la police mais le jour où on y met du feu les policiers ne sont pas là. C’est quand ça brûle qu’ils reviennent. Certaines informations font état de ce que vous aviez fait un arrangement avec Fochivé. Il devait vous donner 20 millions de Fcfa. Il en a avancé 2 et devait terminer le reste quand vous auriez progressé dans le processus de sape de l’opposition.
Je n'ai jamais reçu l’argent de Fochivé. Au contraire, j’ai perdu mes économies dans cette affaire. J’ai vécu un an et demi à l’Hôtel Mont Febe où j’avais une ardoise de 15 millions de Fcfa. J’en ai payé 8. Il en reste sept que je n’arrive toujours pas à payer. J’ai en fait été contraint à l’exil à Yaoundé. Puis je suis allé en Europe où j’ai passé plus d’un an avant de revenir au Cameroun.
La suite en lisant le livre « Les révélations de Jean Fochive »