Opinions of Tuesday, 1 September 2015

Auteur: Hamadou Gadiaga

Execution d’elements de Boko Haram au tchad : Est-ce la solution ?

Suite aux attaques terroristes perpétrées par des militants présumés de Boko Haram à Ndjamena, les 15 juin et 12 juillet 2015 et qui se sont soldées par 67 morts et plus de 180 blessés, les autorités tchadiennes avaient annoncé l’arrestation d’une soixantaine de personnes, dont dix ont comparu devant la Cour criminelle de Ndjamena, les 26 et 27 août derniers.

Poursuivis pour « association de malfaiteurs, assassinats, destruction volontaire à l'aide de substances explosives, faux et usage de faux, détention illégale d'armes et de munitions de guerre, détention et consommation de substances psychotropes», les prévenus ont été reconnus coupables des faits qui leur sont reprochés, condamnés à la peine capitale puis passés par les armes à la mi-journée du samedi 29 août 2015.

Ce procès qui s’est déroulé à huis clos et au pas de course a été l’occasion pour le Tchad de démontrer encore une fois, qu’il ne fait pas dans la dentelle quand il s’agit de casser du terroriste, malgré les appels lancés par les défenseurs des droits de l’Homme et autres abolitionnistes de la peine de mort, pour le respect du droit à la vie.

Le secrétaire général de la Rencontre africaine des droits de l’homme (RADHO), Aboubacry Mbodj, a regretté l’exécution des membres du groupe terroriste, estimant que « la peine de mort ne saurait être une solution aux actes de terrorisme ».

Dans le contexte local de paranoïa ambiante où le citoyen a peur même de sa propre silhouette, il est évident que les condamnations de principe des organisations des droits de l’Homme, suite à cette mise à mort des éléments de Boko Haram, n’ont quasiment aucune chance d’émouvoir tous ces Tchadiens qui se considèrent désormais comme des victimes potentielles des adeptes de la secte islamiste, partout où ils se trouvent, sur leur propre territoire.


Et c’est ce sentiment de peur et d’impuissance de l’écrasante majorité des Tchadiens face à ces terroristes qui frappent sans pitié et sans discernement, qui crée ou qui justifie cette espèce d’union sacrée autour de ces actes à l’efficacité douteuse, comme l’exécution des 10 membres du groupe terroriste.

On aura ainsi remarqué que l’opposition tchadienne et la Ligue tchadienne des droits de l'Homme (LTDH) sont restées plutôt circonspects suite à la sentence prononcée par la Cour criminelle de Ndjamena, pour ne pas s’attirer les foudres de ceux qui, et ils sont les plus nombreux dans tous les pays riverains du Lac Tchad, croient dur comme fer que la vie d’un terroriste ne vaut pas un sou et ne mérite donc pas d’être défendue.

On peut être dubitatif

Ce sentiment de peur, mâtiné de désir de vengeance de la part des juges et des citoyens tchadiens tout court, est bien compréhensible, mais attention à ne pas remettre en cause le dogme selon lequel la vie humaine est sacrée et nul ne peut s’arroger le droit de l’abréger.

C’est, du reste, l’argument principal que brandissent tous les partisans de l’abolition de la peine de mort dont l’application ne refrène que très rarement les ardeurs des criminels, surtout les terroristes qui souhaitent mourir le plus souvent en martyrs afin d’accéder au paradis éternel.

Au-delà des doutes sur le respect effectif des droits des accusés pendant ce procès organisé en catimini, on peut légitimement se poser des questions sur l’efficacité de cette solution radicale qui consiste à éliminer ceux qu’on qualifie, dans certains milieux, de vermine, d’autant que d’autres risquent de prendre la relève, et on sera ainsi parti inutilement pour un véritable engrenage de la violence.

N’eût-il pas été préférable de les envoyer croupir en prison dans un Guantanamo à la Tchadienne, avec les peines les plus lourdes prévues par le législateur tchadien ? Certes, la nouvelle loi antiterroriste adoptée en début août 2015 suite aux attentats revendiqués par Boko Haram, prévoit la peine capitale pour «les auteurs d'actes, de menaces (attentats, prises d'otages, etc.) commis par une organisation pour créer un climat d'insécurité, exercer un chantage sur le gouvernement ou satisfaire une haine à l'égard d'une communauté, d'un pays, d'un système ».

Mais on ne peut qu’être dubitatif quand on écoute les thuriféraires du Président tchadien soutenir mordicus que loger une balle dans la tête d’un terroriste suffira à désarmer le reste du groupe.

Ce qui est certain en revanche, c’est que l’adoption de cette loi anéantit pour longtemps encore, le rêve de voir le Tchad allonger la liste des pays ayant sacralisé la vie humaine quelle qu’elle soit, et de ce fait, elle peut même être considérée comme anachronique, puisque la tendance actuelle comme c’est le cas du Burkina, est à l’abolition de la peine de mort.

Espérons qu’avec la mise en place de la force conjointe par les pays riverains du Lac Tchad, Boko Haram sera bientôt vaincue et que la loi antiterroriste tchadienne sera abolie, à moins que l’alinéa qui stipule que cette loi vise également les actes portant atteinte au « fonctionnement régulier du service public » ne s’attaque en réalité qu’aux opposants les plus irréductibles au pouvoir de Idriss Déby.