Opinions of Wednesday, 18 January 2017

Auteur: Donat SUFFO

Fédéralisme et libération des jeunes arrêtés comme solution ?

25 jeunes croupissent toujours dans les geôles de Kodengui 25 jeunes croupissent toujours dans les geôles de Kodengui

La réunion du comité interministériel ad-hoc chargé d’examiner les revendications des enseignants anglophones n’a pas pu déboucher à la levée du mot d’ordre de grève des seigneurs de la craie.

Vingt-cinq jeunes sur les 59 environ mis aux arrêts lors des manifestations de décembre 2016 à Bamenda et à Kumba, croupissent toujours dans les geôles de Kodengui et du Sed à Yaoundé. Malgré l’élargissement de 34 de ces prévenus, les syndicats des enseignants anglophones conditionnent la levée du mot d’ordre de boycott des cours, à la libération des 25 autres jeunes encore en taule. Voilà le point qui a achoppé au deuxième jour des travaux de la rencontre des membres du comité ad-hoc interministériel chargé d’examiner les récriminations des enseignants anglophones.

La partie gouvernementale conduite par le ministre Paul Ghogomu Mingo, directeur du cabinet civil du premier ministre, constituée de trois ministres en charge de l’éducation (Pr Jacques Fame Ndongo du Minesup, Jean Ernest Massena Ngalle Bibehe du Minesec et Youssouf Hadjidja Alim du Minebase) ambitionnait obtenir vaille que vaille des leaders syndicaux, la levée ou du moins la suspension du mot d’ordre de grève devant conduire à la reprise des cours. Peine perdue. Le débat s’est corsé face à l’intransigeance des leaders syndicaux. Pour ces derniers, la libération de ces jeunes est non négociable si le gouvernement veut sauver l’année scolaire et universitaire dans la partie anglophone du Cameroun.

Ils estiment que si le gouvernement avait joué son rôle, ces jeunes ne seraient pas descendus exprimer leur ras-le bol dans la rue. Surtout que parmi ces jeunes, il y a des élèves qui ont, aussi droit à l’éducation comme les autres dont on semble se soucier de la reprise des cours, remarquent les syndicalistes. Les émissaires du gouvernement ont quitté Bamenda (00h5mn samedi 14 janvier 2016) pour Yaoundé, sans obtenir des syndicalistes la levée ou la suspension du mot d’ordre de grève. «Je sais que ce que vous voulez savoir s’il y aura reprise des cours camer.be?, jusqu’à nouvel avis la grève continue» a laissé entendre à la presse, à la sortie de ce conclave, Tassang Wilfred porte *-voix des leaders syndicaux. Et d’ajouter «aussi longtemps que les enfants aux arrêts ne seront pas libérés et ce que les avocats auraient posé au cours de la rencontre de leur comité ad hoc ne seront pas résolus, y compris le problème de coexistence autrement appelé le fédéralisme, il sera impossible pour nous de suspendre la grève ».

Et Dr Fontem de renchérir  « la grève des enseignants et des avocats continue. Nous n’aimerons pas que certains s’y ingèrent. Qu’ils laissent la commission finir le travail et on pourra résoudre ces problèmes un à un et la grève naturellement sera suspendue. Que les gens ne se précipitent pas à créer des problèmes dans la communauté et qu’il y ait encore des conflits inutiles. Nous ne voulons pas que les gens continuent à vouloir obliger les enseignants ou les parents à envoyer leurs enfants à l’école. Pendant que nous sommes en train de travailler, les parents nous appellent et nous signalent que le destin de leurs enfants doit être décidé au cours de cette réunion. Nous demandons que la commission fasse son travail et l’application des résolutions soit expéditive» Toujours est-il qu’à propos des questions purement pédagogiques, les enseignants et les membres du gouvernement ont trouvé un consensus dont l’application pourra déboucher à l’amélioration non seulement du sous-système de l’éducation anglophone mais aussi francophone.

Par exemple, les syndicalistes ont proposé au gouvernement, la création d’un autre Enset dans la partie francophone afin de mettre fin à l’invasion des Enset et Bamenda et Kumba (anglophone) par les étudiants francophones. Ceci permettra de rattraper le gap que connaît le sous-système anglophone en termes de manque d’enseignants dans la filière technique. Pour Dr Neba Fontem «la grève que les enseignants anglophones ont initié touche leur culture. On a demandé qu’il soit créé dans la partie francophone du pays un autre Enset pour réduire la pression qu’ont les deux Enset dans la partie anglophone. Parce que si on reste dans la logique actuelle, on continuera à avoir des problèmes d’admission des anglophones à Bamenda et Kumba alors que les francophones sont plus nombreux. Donc ils continueront à venir prendre les places des anglophones. Nos ministres ont reconnu les erreurs du passé. Nous ne voulons pas que ce soit des aveux, juste parce qu’on veut lever le mot d’ordre de grève » Au préalable, les syndicalistes proposent le recrutement des enseignants universitaires anglophones nationaux dans les filières scientifiques et techniques. En cas d’insuffisance, ils suggèrent l’expertise ou le recrutement des étrangers qui formeront pour un temps des Camerounais.

Eventuellement, ceux-ci replaceront à l’avenir ces étrangers. Une mesure qui selon les syndicalistes permettra de constituer la base des enseignants nationaux dans ces filières. «Deux jours de débat intense et houleux, parfois hostile. C’était nécessaire de déclarer des hostilités et de revenir à des meilleurs sentiments après. Je peux vous assurer que les ministres membres du comité ad-hoc étaient plus responsables cette fois-ci. Leur ton n’était plus celui tenu il y a quelques semaines. Nous avons fait des gains significatifs pour notre sous-système notamment le secondaire et universitaire anglo-saxon» a lâché Tassang Wilfred. Et Dr Neba Fontem d’ajouter « il n’y avait pas de sujet tabou, vous pouvez même imaginer tout ce qui pouvait faire l’objet de controverses.

Tous les sujets ont été débattus et nous avons fait nos propositions et donné un calendrier pour les solutionner au gouvernement. Les discussions étaient franches et les résolutions arrêtées peuvent changer de manière significatif notre vie». Déjà, jeudi 12 janvier, premier jour de la rencontre, nous fait dire Dr Neba Fontem, «on s’est entendu au départ qu’on devait avoir un dialogue franc. L’histoire de notre pays a été évoquée, les souffrances des anglophones et le mépris dont-ils sont victimes. Nous avons fait comprendre à nos interlocuteurs que nous n’étions pas là pour nous amuser ou pour faire les troubles, mais pour nous assurer que la mission que le chef de l’Etat leur a confiée soit remplie». Et de poursuivre «Camer.be nous leur avons fait comprendre que la grève des enseignants est étroitement liée à la grève des avocats et que tous ces problèmes doivent être résolus dans un bloc, un ensemble, pour s’assurer que les anglophones ne soient plus traités comme cela a été le cas depuis des lustres dans ce pays » Aussi soulèvent-ils entre autre le mauvais financement des universités anglophones, le problème lié à l’application de la loi qui a créé l’université de Buea. Ce texte, laisse entendre Dr Neba Fontem « voudrait que la sélection des chefs de département et du Vice Chancellor soient faites par la communauté universitaire à différent niveau et le sénat de l’université fait la shortlist et il envoie les noms au conseil d’administration qui fait des propositions pour la nomination éventuelle par le chef de l’Etat ».

A l’en croire  cette méthode permet aux dirigeants de rendre compte à leurs collègues et de créer une collégialité dans la gestion de l’université. Ce qui n’est pas le cas présentement. Une situation qui crée d’énormes problèmes. Les leaders syndicaux ont également demandé la mise en place du conseil national de l’éducation. Ce conseil est un garde-fou qui va empêcher que le sous-système anglophone ne soit englouti dans l’avenir par le sous-système francophone, ce d’autant plus que de nos jours « la conception se passe dans le sous-système francophone et est transmise dans le sous- système anglophone.

Nous pensons que ça ne doit plus être le cas » réitère Dr Neba Fontem Sur la question du redéploiement des enseignants formés dans le sous-système francophone mais qui dispensent les cours dans le sous-système francophone et vice-versa, les leaders syndicaux ont reconnu le travail déjà amorcé dans ce sens par le Minsec. Ils suggèrent que cela se passe également au niveau du supérieur.