Opinions of Wednesday, 16 March 2022

Auteur: Serge Aimé Bikoi

Fabrication de faux enseignants : ‘le Cameroun est devenu une curiosité planétaire’

Pour étouffer la grève des enseignants camerounais, certains membres du gouvernement avec l’appui de la télévision nationale (CRTV), créent de faux enseignants qui appellent à la reprise des cours. Dans cette tribune, Serge Aimé Bikoi dénonce ces pratiques d’une autre époque qui décrédibilisent le régime de Paul Biya.

Le Cameroun est devenu une curiosité planétaire. Alors que dans des pays sérieux et rigoureux, des décisions concrètes et immédiates sont prises pour régler les problèmes socio-économiques, au pays de Paul Biya, le gouvernement multiplie, sans fin, des réunions et concertations pour trouver des solutions aux revendications des seigneurs de la craie. Mais ce qui est préjudiciable comme d'habitude, c'est l'imposition de la méthode des organisateurs de la concertation, qui ont un éthos ou, si vous préférez, un habitus de fonctionnement entremêlé de vice, d'intimidation, de désinformation et de manipulation.

En effet, dans l'approche fonctionnelle des décideurs gouvernementaux, l'objectif consiste, en toile de fond, à contraindre les participants à la concertation à suspendre le mot d'ordre de grève et à reprendre, illico presto, les cours. C'est cette logique fonctionnelle qui a prévalu, par exemple, hier(15-03-2022) lors de la réunion organisée par le ministre du Travail et de la Sécurité sociale (Mintss). Certes, des syndicalistes, regroupements et corporations réunis ont tablé sur la nomenclature des récriminations des enseignants, mais à suivre, en substance, Grégoire Owona, le dessein est d'inciter le corps enseignant à reprendre les cours en attendant que le gouvernement apporte, dans les prochains jours, des solutions concrètes à une portion de leurs revendications.


Mesures qui ont été, d'ailleurs, prises la semaine dernière. Pourtant, les seigneurs de la craie ont besoin des actions réelles et immédiates en termes de liquidités pour souscrire à cette volonté. D'où la fulgurance de leur slogan devenu un rituel: "Argent en mains craie en mains".

Mais au sortir de cette concertation, il y a toujours un modus operandi observé, celui relatif à l'agitation, voire à la gesticulation de certains participants à la concertation qui sont enclins à s'exprimer devant les caméras des chaînes de télévisions. Ce sont ceux-là qui sont, chaque fois, prompts à apprécier les réunions et concertations des membres du gouvernement et à lever le mot d'ordre de grève, qu'ils n'ont jamais lancé. Le 1er mars 2022, c'est Jacques Bessala Ngono, le président du Collectif des enseignants indignés du Cameroun(Ceic), qui, après avoir participé à une réunion organisée à l'auditorium des services de la primature, s'est précipité, à la fin, à aller s'exprimer devant les mêmes caméras de la télévision publique. Question d'informer l'opinion publique nationale sur la levée du mot d'ordre de grève. Un mot d'ordre de grève que le collectif dont il tient les rênes n'a jamais lancé. Hier encore, la même scénographie de l'organisation du dilatoire perpétuel a été orchestrée, cette fois-ci, avec d'autres nouveaux acteurs vus sous la bannière de "Ots républicain".

C'est ainsi que Jean Magloire Bikeck, un des représentants de cette fantoche "Ots", s'est livré au même jeu consistant à lever le mot d'ordre de grève. Ce fonctionnaire et cadre du ministère des Enseignements secondaires (Minesec), par ailleurs en service à Elecam, démasqué par plus d'un, a tenu un discours dithyrambique à l'endroit du gouvernement et a appelé les enseignants à reprendre les cours. Même d'autres syndicalistes, tels que Roger Kafo Fokou, leader du Snaes(Syndicat national autonome de l'enseignement secondaire), s'est livré à ce même jeu périlleux et insidieux consistant à positiver l'issue de cette concertation. Et pourtant, au sein de la base syndicale constituée des enseignants grévistes actifs sur le terrain, il n'en est rien.


Après l'échec du premier mot d'ordre de grève lancé le 1er mars 2022, l'on assiste, aujourd'hui, au 2ème échec d'un autre mot d'ordre de grève lancé par d'autres flibustiers n'étant pas au centre de l'organisation du débrayage dans les établissements scolaires. Tout est donc savamment scénarisé pour faire main basse sur le vrai collectif Ots(On a trop supporté) ayant organisé la grève dès le 21 février dernier. D'où la mise en seconde zone de leurs ayant-droits au profit de la fabrication des pseudo leaders comme celui de Ots républicain.

C'est donc devenu une habitude, pour des membres du gouvernement, d'organiser des concertations en activant les leviers de l'infiltration, de la désinformation, de la manipulation, de l'instrumentalisation et de la de- légitimation et de l'intimidation. Ce mode opératoire ne passe plus tant les enseignants grévistes restent arc-boutés sur quatre revendications majeures:
1. La revue à la hausse de la cagnotte débloquée par le Président de la république, qui est largement insuffisante relativement au montant global de la dette de 331 milliards de Fcfa(concernant les enseignants du primaire et du secondaire).

2. La révision et la mise en application du statut particulier de l'enseignant, lequel a été signé en 2000, et qui, jusqu'ici, n'a jamais été opérationnalisé, l'actuel étant devenu obsolète.

3. L'automatisation des actes de carrière des enseignants (avancements, allocations familiales, reclassements, etc).

4. La mise sur pied d'une plateforme des mutations intégrant tous les paramètres devant permettre aux enseignants d'être, désormais, affectés en toute transparence.