Opinions of Saturday, 13 May 2023

Auteur: Roland Tsapi

Figure : Nathalie Yamb et la cause africaine

Elle s’est positionnée comme une défenseuse de la cause africaine Elle s’est positionnée comme une défenseuse de la cause africaine

Dans un contexte mondial où l’Afrique est devenue le centre des intérêts des puissances, elle s’est positionnée comme une défenseuse de la cause africaine, et dénonce la politique prédatrice de la France sur le continent. Une attitude face à laquelle la France a réagi en janvier 2022 par l’interdiction de son séjour sur son territoire.

Je suis africaine, les nationalités que nous avons aujourd’hui sont la résultante du partage de l’Afrique par des colons sanguinaires en 1884-1885 en notre absence. Je refuse de m’identifier à cela, je me considère chez moi partout en Afrique » Ces propos sont d’une dame qui s’est construite à travers les réseaux sociaux la réputation d’activiste panafricaniste, avec pour objectif d’éveiller la conscience des Africains sur leur place privilégiée dans le jeu mondial. Nathalie Yamb puisqu’il s’agit d’elle est née le 22 juillet 1969, à La Chaux-de-Fonds en Suisse, d’un père camerounais et d’une mère suisse. Son père est menuisier et sa mère couturière. Elle grandit à Gränichen jusqu’en 1977 lorsque ses parents quittent la Suisse pour s’installer au Cameroun avec elle et son frère aîné. Elle fait des études de sciences politiques, journalisme et communication en Allemagne, où elle commence sa carrière en 1992 dans l’industrie télévisuelle. De retour au Cameroun, elle occupe des postes stratégiques dans l’industrie publicitaire. Egalement consultante en stratégie, on la retrouve en 2005 comme responsable des ressources humaines et de la communication pour la filiale camerounaise de l’armateur Maersk, puis dirige au Nigéria le service Emploi et Formation d’APM Terminals, une filiale de Maersk. En 2007, elle s’installe en Côte d’Ivoire pour occuper le poste de directrice générale des ressources humaines pour la filiale locale de l’opérateur de télécommunications Mtn. De 2009 à 2014, elle supervise le développement de compétences de l’opérateur télécom en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Plus tard, elle devient le porte-parole de l’ancien chef d’État ghanéen Jerry Rawlings, puis conseillère exécutive de la mairie d’Azaguié en Côte d’Ivoire. Selon le site russe roscongress.org Nathalie Yamb totaliserait une vingtaine d’années d’expérience en tant que spécialiste de la communication et ressources humaines en Europe et en Afrique.

“Nous voulons le démantèlement des bases militaires françaises, qui sous le couvert d’accords de défense bidons, ne servent qu’à permettre le pillage de nos ressources, l’entretien de rebellions, l’entraînement de terroristes et le maintien des dictateurs à la tête de nos Etats.“

Militantisme

La carrière, l’expérience et les fréquentations ont certainement fait naître en Nathalie Yamb un sentiment d’injustice envers l’Afrique, et l’ont décidé à s’engager. A son arrivée en Côte d’Ivoire, elle s’engage en politique aux côtés de Mamadou Koulibaly, chef du parti Lider. Elle œuvre à ses côtés et prend sa défense quand ce dernier est accusé de dissidence par le président Laurent Gbagbo. Plus tard, avec la prise du pouvoir par Alassane Ouattara, elle commence par créer sur internet un page appelée le blog de Saoti, un instrument de dénonciation des actions du gouvernement de Alassane Ouattara et de promotion de l’autodétermination africaine. Lors du Sommet Russie-Afrique en octobre 2019, elle prononce l’un de ses célèbres discours sur le néocolianisme en mettant directement en cause la France. Un extrait dit : « Force est de constater qu’après l’esclavage, après la colonisation, après les pseudo indépendances, on ne nous a reconnu que le droit d’être libres, mais seulement au sein de l’enclos français. L’Afrique francophone est encore aujourd’hui en octobre 2019 sous le contrôle de la France. Cela remonte à 1884 lorsque les puissances coloniales se sont réunies à Berlin pour se partager l’Afrique, sans que les Africains aient leur mot à dire. L’Allemagne, l’Espagne, l’Angleterre, le Portugal ont compris depuis lors qu’il fallait sortir du schéma de la conférence de Berlin et redéfinir les contours d’une nouvelle coopération avec les pays africains. Pas la France. Qui avance sans bouger. En portant des masques, et qui considère toujours le continent comme sa propriété…Nous voulons sortir du franc cfa, que Paris, avec la complicité de ses laquais africains, veut pérenniser sous l’appellation Eco et qui ne permet aucune industrialisation de l’Afrique francophone. La conquête de notre souveraineté monétaire est capitale, car la seule stabilité que le franc cfa garantit aux pays qui l’utilisent, sont la mauvaise gouvernance, la pauvreté et la corruption. Nous voulons le démantèlement des bases militaires françaises, qui sous le couvert d’accords de défense bidons, ne servent qu’à permettre le pillage de nos ressources, l’entretien de rebellions, l’entraînement de terroristes et le maintien des dictateurs à la tête de nos Etats. »

La suite de son discours est aussi critique envers l’ancien maître français dont il faut se débarrasser définitivement. Elle est longuement applaudie après son discours, et comme il fallait s’y attendre, la pilule passe mal pour la France qui actionne déjà ses réseaux en Côte d’Ivoire d’où Nathalie Yamb est expulsée deux mois plus tard, en décembre 2019, accusée de mener des activités incompatibles avec l’intérêt national. Elle reste très active sur les réseaux sociaux, tenant des propos toujours aussi virulents contre le gouvernement Ouattara et la politique française en Afrique. La France passe à la vitesse supérieure en janvier 2022 en signant une interdiction de Nathalie Yamb de séjourner sur son territoire. Mesure à laquelle la militante panafricaniste répond : « L’empire colonial français tremble. Vous ne pourrez pas contenir le tsunami de liberté qui anime les Africains. On ne lâchera rien, la vérité est en train de triompher. » Sa détermination reste inébranlable, malgré les accusations de connivence avec la Russie pour déstabiliser les intérêts français en Afrique. Elle rappelle d’ailleurs que l’Africain est doué d’intelligence et que l’on devrait arrêter de penser qu’il n’est fait que pour être manipulé, faisant sienne cette affirmation de Haïlé Sélassié Ier : « par-dessus tout, nous devons éviter le piège du tribalisme. Si nous sommes divisés entre nous sur les lignes tribales, nous ouvrons nos portes à l’intervention étrangère et à ses conséquences potentiellement néfastes. » « Une vraie machine de guerre. Radicale, éloquente, impertinente, outrancière, » les médias occidentaux n’ont pas d’autres mots pour décrire Nathalie Yamb comme l’une des dénonciatrices les plus virulentes et les plus suivies de la France en Afrique.

Roland TSAPI