Il y a quelques jours, les Camerounais ont appris, par voie de presse ou par les réseaux sociaux numériques, que l’État comptera de nouveau ses agents. À la lecture du communiqué du ministre des Finances, Louis Paul Motazé, qui précise que c’est le chef de l’État même même qui a prescrit cette mesure dans la circulaire relative à la préparation du budget de l’État pour l’année 2018, je me suis d’abord intéressé au nombre de structures chargées de veiller au respect de l’orthodoxie administrative et financière :
1. Il y a une Chambre des comptes rattachée à la Cour suprême qui, selon la constitution de 1996, est compétente pour contrôler et statuer sur les comptes publics et ceux des entreprises publiques et parapubliques.
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2. Il y a, depuis 1998, un ministère délégué à la présidence de la République chargé du Contrôle supérieur de l’État, qui doit assurer la sauvegarde de la fortune publique et la sanction des atteintes portées à cette fortune par les gestionnaires et comptables publics.
3. Il y a l’Agence nationale des investigations financières (Anif), créée en 2005, pour lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
4. Il y a, depuis 2008, le Conseil de discipline budgétaire et financière, chargé de prendre des sanctions contre les agents publics, coupables des irrégularités et des fautes de gestion.
En 1997 déjà, le Cameroun avait créé un Comité ad hoc interministériel de lutte contre la corruption. Son inefficacité a poussé le gouvernement à le remplacer, en 2000, par l’Observatoire national de lutte contre la corruption (Onlc). Face aux défaillances de l’Observatoire, la Commission nationale anticorruption (Conac) sera portée sur les fonts baptismaux en 2006.
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Ces organes ne sont pas, jusqu’ici, parvenus à endiguer le mal. Même la vague d’arrestations pour détournements, dans le cadre de l’« opération épervier », n’a pas toujours arrêté la saignée.
Après les structures chargées de veiller au respect de l’orthodoxie administrative et financière, je me suis intéressé ensuite aux précédentes opérations, dont la toute première a été déclenchée dans un contexte de crise, laquelle avait contraint l’État camerounais à s’engager dans un Programme d’ajustement structurel (Pas). Il devait réduire son train de vie et une opération d’allègement des effectifs de la Fonction publique, avec indemnisation des partants, a été lancée. Elle est connue sous le nom de déflatations.
Après les déflatations, l’État a peiné à maitriser les effectifs de la Fonction publique. L’opération Antilope a été initiée. Par cet acronyme calqué sur le nom d’un mammifère remarquable par la vitesse et la légèreté de la course, il était question de supprimer, très vite, les nombreux doublons relevés dans le fichier solde, qui faisaient perdre beaucoup d’argent à notre pays dit « pauvre et très endetté ». L’enquête nationale pour le traitement informatique du personnel de l’État a donc été lancée en 1987. En dépit de ses dysfonctionnements, vingt mille fonctionnaires fictifs environ seront débusqués.
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En 1988 nait le Cenadi, qui doit mettre en œuvre la politique nationale de développement de l’informatique et traiter en même temps les salaires des fonctionnaires. L’opération Antilope se poursuit désormais sous le contrôle du Cenadi, qui devient l’unique plateforme d’hébergement et de traitement d’autres types d’applications informatiques.
Certaines compétences de l’Antilope seront transférées, en 1994, au Système informatique de gestion intégrée des personnels de l’État et de la solde (Sigipes). Sigipes visait la déconcentration de la gestion des catégories du personnel de l’État en transférant, à chaque ministère, une partie des compétences exercées par le ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative, pour la gestion des carrières, et par le ministère des Finances, pour le traitement de la solde.
Les ressources humaines de l’État du Cameroun étaient désormais gérées par deux applications informatiques : Sigipes pour les carrières des agents publics, l’Antilope pour la solde. En 2015, Sigipes II va succéder aux deux systèmes informatiques précédents (Sigipes et Antilope). Ces applications informatiques ont été d’un grand secours à l’État camerounais. En 2005, à titre d’exemple, on avait découvert, dans le fichier solde, des mineurs, des fonctionnaires disposant de plusieurs matricules, des fonctionnaires en détachement, etc. L’autre technique de fraude développée par les fonctionnaires consistait à se faire payer des dettes et des missions fictives, ainsi que des rappels de salaire imaginaires, connu ailleurs sous le nom de « Mboma » (rien à voir avec le footballeur).
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L’autopsie de ces systèmes, qui cèdent la place au comptage manuel, laisse percevoir que la source du mal est connue. Que l’on s’y attaque véritablement, car l’on aura toujours besoin du secours de l’informatique pour gérer le fichier solde « assaini », si l’on y parvient.