Sports Features of Friday, 15 April 2016

Source: cameroon-tribune.cm

Football féminin: Pourquoi ça marche malgré tout

Ils le prenaient pour un fou, un illuminé qui n’avait plus toute sa tête. Pourtant, de là où il se trouve, Feu Atangana Louis De Gonzague doit faire un joli pied de nez à tous ses détracteurs.

Si on parle de football féminin aujourd’hui au Cameroun, c’est bien grâce au fantasque arbitre qui a été le premier à parier sur la discipline, n’hésitant pas à se ruiner avec Canon filles, qu’il met sur pied à la fin des années 80.

Malgré les moqueries, les insultes et les préjugés. D’autres « fous », également décédés entre-temps, suivront, comme Noah Kanga de Lorema ou encore Marc Atangana qui laissera toutes ses ressources financières dans Canon filles. Pourtant, il faut bien reconnaître en ces hommes, des visionnaires.

Dans un passé plus récent, des techniciens comme Alexis Kemmogne et Enow Ngachu prédisaient que l’avenir du football au Cameroun serait féminin. Eux, ils sont encore bien vivants et méritent qu’on leur reconnaisse leur clairvoyance. L’engouement observé actuellement autour du football féminin est sans pareil. La mobilisation autour du lancement du championnat d’élite, le 9 avril dernier, est une preuve de ce que les choses ont changé.

On est bien loin de cette époque où la compétition démarrait dans l’indifférence du public et des autorités. De même, la discipline est désormais une partie intégrante des compétitions comme les Jeux Fenassco, les Jeux universitaires et autres Dixiades. Pour cela, il faut remercier avant tout la sélection nationale de football féminin, grâce à ses derniers succès.

Notamment cette finale en coupe d’Afrique des nations 2014, suivie d’un huitième de finale à la coupe du monde 2015 pour sa première participation. Les Camerounais se sont, à cette occasion, découvert de nouvelles idoles avec Gaëlle Enganamouit, Gabrielle Aboudi et autres Christine Manie. Des héroïnes qui tombaient à pic dans un contexte où le football masculin traverse une période trouble, le Cameroun a obtenu l’organisation de la CAN féminine 2016.

Et au cours de cette même année, les Lionnes-cadettes découvriront la coupe du monde U-17 après leur qualification historique. C’est dire que les amateurs de football auront de quoi se mettre sous la dent grâce aux filles.
Mais comment comprendre la recette de ce succès dans un environnement où la structuration tarde à prendre corps, où le championnat se déroule selon les aléas du moment, où une véritable politique de détection et de suivi peine à se mettre en place ?

Cela pourrait se résumer en quelques facteurs. D’abord la médiatisation croissante autour de la discipline qui tend à encourager les jeunes filles, et même les parents, à persévérer. Ensuite, malgré les couacs souvent observés, la Fédération camerounaise de football tente d’offrir une organisation plus professionnelle. Dans ce sens, la création de plusieurs compétitions comme la coupe du Cameroun ou encore la Coupe de la femme est venue accompagner le championnat.

Le Cameroun n’hésite plus à s’affilier aux différentes compétitions internationales, dans toutes les catégories d’ailleurs. Enfin, on ne peut certainement pas oublier le travail de fourmi de ces amoureux du football féminin, entraîneurs et autres promoteurs, qui ratissent large et inlassablement les tournois et autres compétitions inter quartiers pour détecter les talents cachés.

En ce sens, le travail effectué par les techniciens, notamment ceux en charge des sélections nationales, est à saluer. Eux qui tentent, avec les moyens du bord, de fouiller l’incroyable vivier dont regorge notre pays.
Mais avant tout, la principale raison de ce succès grandissant, ce sont bien les joueuses elles-mêmes. Elles qui, dans un environnement fortement machiste et plein de préjugés, n’hésitent plus à vivre au grand jour leur passion.

Elles ont en commun d’avoir presque toutes été découvertes en jouant avec les garçons, d’avoir dû faire face aux réticences des proches et d’avoir pratiquement tout sacrifié, sans espoir de gagner quoi que ce soit en retour. Qu’on parle de la génération de Régine Mvoué, Bernadette Anong, Rita Djob ou Henriette Nzepang qui ont posé les jalons, ou des jeunes comme Charlène Meyong, Alexandra Takounda et autres Ngah Manga.

Et c’est certainement là la recette du succès du football féminin qui, on peut le parier, a de beaux jours devant lui.