Opinions of Monday, 23 December 2024

Auteur: Benjamin Zebaze

Formation en journalisme: les cas Haman Mana et Benjamin Zebaze

Haman Mana Haman Mana

Je pense, suite à la relative accalmie qui règne après la sortie incompréhensible du Directeur de l'Esticc Marc Modzom, qu'il faut revenir sur le fond du sujet.

DEUX TRAJECTOIRES DIFFÉRENTES

J'ai pris pour exemple le cas de Haman Mana et le mien pour illustrer ma démonstration car, aucune polémique n'est possible étant donné notre amitié. .
Je décide de créer un journal dès 1987, alors que je termine mes études à l'université de Bordeaux, annexe de Pau.

A Pau, je me rend souvent les mercredis au journal local qui produit 2 quotidiens (l'Eclair des Pyrénées et La République des Pyrénées).
Je découvre, avec fascination, l'organisation du travail de nuit dans un journal, le rôle capital des Secrétaire de Rédaction dont la tâche est de contrôler la fabrication depuis le départ, jusqu'aux rotatives qui vont imprimer le journal: je me dis, un jour je serai Secrétaire de Rédaction et propriétaire d'une rotative.

Plus tard, je me rend à Paris au siège du journal "Liberation" au sommet de sa gloire, dans un immense parking aménagé : le célèbre Serges July trône au coin d'une vaste salle de Rédaction et peut observer tout le monde au travail: l'idée d'avoir un bureau ouvert comme ça devient, pour moi, une obsession.
En séjour dans la capitale belge (Bruxelles), je découvre en plein centre de la ville, une imprimerie entièrement vitrée avec à l'intérieur une ENORME machine. En mi-journée, on y imprime le célèbre journal quotidien belge "Le Soir".
Je m'intéresse au système de distribution de ce journal qui sort en mi-journée et est disponible pour tous les foyers belges à partir de 30 minutes plus tard. J'y retourne à plusieurs reprises.

Ce que je ne sais pas, c'est que quelques années plus tard, sur mon invitation, les principaux dirigeants du groupe (Groupe Rossel) qui détient ce journal, séjourneront au Cameroun et seront logés gratuitement par le patriarche Fua Toula Kadji Defosso à l'hôtel Arcade, aujourd'hui "K-Hôtel".

En attendant le lancement de mes activités, à la Fnac, je tombe sur un "immense" livre écrit par Louis Guéry: une véritable bible pour le Secrétariat de rédaction. Tout ce qui concerne le métier y est décrit minutieusement: il devient mon livre de chevet.

Lorsque je lance Challenge Hebdo, j'en suis le Directeur de Publication, le Rédacteur en Chef et le Secrétaire de Rédaction: trop pour un seul homme.
Tout journaliste honnête ayant connu cette époque doit reconnaître que sur le plan du Secrétariat de Rédaction, ce journal a apporté beaucoup d'innovations dans notre secteur d'activités.

Plus tard, afin d'alléger ma tâche, qui ont été des références dans notre métier. Eux comme moi, étaient passionnés par cette profession et avaient les qualités requises étant donné leur bon niveau en matière de culture générale.
HAMAN MANA lui, a passé un concours sélectif à l' Esticc qui respirait encore un peu la rigueur des années Ahmadou Ahidjo.

Comme moi, il était passionné par la fonction de Secrétaire de Rédaction, la véritable cheville ouvrière d'un journal.

Si mes souvenirs sont exacts, l'ouvrage de Guery était aussi son livre de chevet.

La différence est que lui a appris à l'école et a effectué des stages à "Cameroon Tribune" où, se trouvent les meilleurs spécialistes, bridés malheureusement par un système "tueur" de talent.
Mais lorsque nous nous rencontrons, nous parlons le même langage car il s'agit avant tout d'amour pour un métier, de culture générale, de sacrifice au travail et...de l'art.

Un exemple pour comprendre le travail d'un Secrétaire de Rédaction.
Il s'occupe de la titraille (ensemble des éléments formant un titre: surtitre, titre, chapeau introductif...)

Il doit revoir, entre autre, tous les titres avant impression. Dans mon cas, la limite était 23h.
Supposons qu'un journaliste présente son papier (article) à 22h30 avec un titre pareil:

" LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE EMMANUEL MACRON, ACCULÉ, NOMME FRANÇOIS BAYROU AU POSTE DE PREMIER MINISTRE".

En tant que Secrétaire de Rédaction, vous n'avez pas prévu un tel espace pour le titre de cet article et, parfois, le journaliste est déjà rentré chez lui.
Vous avez quelques minutes pour changer le titre sans trahir ni celui de l'auteur de l'article, ni le fond du sujet traité.
Vous pouvez alors le récrire ainsi:
"FRANCE: MACRON ACCULÉ, NOMME BAYROU P.M."

Les 2 titres disent la même chose. Vous devez faire pareil pour tous les articles afin d' assurer l'unité de style du journal: un métier éreintant, fatiguant mais passionnant.

POURQUOI NOUS AVONS REFUSÉ L'ÉCOLE DE JOURNALISME COMME UNIQUE VOIE D'ENTREE DANS LA PROFESSION ?

Suite à ma démonstration, il est évident que le parcours de Haman Mana est plus sécurisé et plus efficace que le mien. C'est un parcours ayant une "tracabililté" certaine.

Mais l'expérience a montré qu'il y a des journalistes sorties des écoles qui sont plus ou moins meilleurs que ceux formés sur le tas.
Partout dans le monde, cela s'est vérifié au point que pratiquement nulle part, on exige une formation académique pour entrer dans la profession
Marc Modzom parle, dans sa demande de "cessez-le-feu", de deux camps qui s'étaient formés lors des états généraux de la communication dans les années 90: lui était dans celui qui voulait imposer l'école de formation pour tous, alors nous ne voulions pas en entendre parler: c'est notre camp qui est sorti vainqueur.

C'est pourquoi ces déclarations à la télé ont été insupportables car, il a voulu renier la signature d'un État dont il est pourtant un serviteur particulièrement zélé.

Les raisons de ce rejet étaient simples:
- Au Cameroun, il n'y avait qu'une seule école de formation entre les mains du pouvoir: l' Esticc.

Si nous avions accepté cela, c'était la mort de la presse privée car on allait y appliquer les mêmes méthodes qu'à l'Enam, l’école de police, l'Emia...qui après Ahmadou Ahidjo, sont devenus de véritables enclaves tribales au sein desquelles on pourrait dispenser certains cours en langue Beti ou Bulu. On allait choisir les "admis" avec comme critère principal, la langue maternelle.
- Dans aucun pays sérieux dans le monde, cette exigence d'un diplôme spécifique n'est rédhibitoire afin d"exercer ce métier.

QUI EST RESPONSABLE DE LA DÉGRADATION DU MÉTIER A L'HEURE ACTUELLE ?
Vouloir faire porter le chapeau au patron de la carte de presse actuel est une provocation insoutenable.
Ce n'est pas Séverin Tchounkeu qui a modifié les lois sur la communication sociale. Autrefois sous Ahidjo, il fallait une enquête de moralité ; une étude de dossier sérieuse pour que le ministre de l’Administration Territoriale puisse prendre un texte pour vous admettre dans la profession en tant que patron de presse.

Pour contrer l'influence des journaux dits de "La Sainte Trinité", les Fame Ndongo, Joseph Owona... ont profité de textes favorables à leur dessein, pour détruire la profession en y introduisant toute sorte d'imposteurs capables de "détruire", ce qu'ils qualifiaient avec mépris, de "journaux de la Sainte Trinité": c'est là où se trouve le "pêché originel".
A partir du moment où la loi permet à n'importe qui de devenir en 24h patron de presse, que peut Séverin Tchounkeu ?

Personne ne peut nier que la profession est désormais entre des mains "inopportunes"; c'est pourquoi l'une des principales tâches des gouvernants après la fin du Renouveau, sera de remettre de l'ordre dans celle-ci en évitant qu'à l'Esticc, le principal cours ait pour thème : " Comment chanter les louanges du couple présidentiel" ?
Quelqu'un qui fait perdurer un tel système devrait, au minimum, se montrer modeste; au mieux, se cacher.