Pour les intérêts vitaux de la France, le socialiste semble avoir reconsidéré ses relations avec les dirigeants «illégitimes».
L’aéroport de Yaoundé-Nsimalen sera aux couleurs bleu-blanc-rouge cette fin d’après-midi, en l’honneur de François Hollande, l’hôte de Paul Biya. Le président français foulera le sol camerounais, quatorze ans après Jacques Chirac, le dernier locataire de l’’Elysée à séjourner à Yaoundé.
Pour certains observateurs politiques, cette visite-éclair du Corrézien de l’Elysée n’est en aucun cas une visite sentimentale, malgré les liens historiques et culturels qui lient les deux pays depuis près d’un siècle.
En venant sous les collines d’Ongola, il s’agit surtout pour le socialiste, d’ouvrir les portes aux hommes d’affaires français pour consolider leurs acquis au Cameroun. Et aux locaux, de rencontrer les patrons des multinationales françaises avec lesquelles leurs structures ont des partenariats de sous-traitance. François Hollande sait distribuer pour cela des sourires et des poignées de main. Il sait aussi fluidifier et réchauffer une relation grippée par la montée d’un sentiment anti-français qui s’enlise ici.
Le capital-sympathie étant important pour un grand pays, il serait judicieux que l’image de l’ambassadrice de France huée pendant la ” marche patriotique” du 28 février dernier, soit redorée. Ce n’est pas bon pour les affaires, autant économiques que politiques. La visite d’Etat de François Hollande sera de six heures, car l’essentiel sera fait ou dit ailleurs: au Bénin et en Angola. Le 7ème président de la 5ème République aura passé une journée aux côtés de Thomas Boni Yayi. Le Bénin, ce n’est pas le Cameroun.
Boni Yayi promet de ne pas se représenter aux élections après deux mandats. Il quittera donc le pouvoir en mars 2016. De quoi rassurer l’Elysée. Il a jeté son joker dans l’arène. Lionel Zinsou, actuel Premier ministre béninois envoyé par Paris à un an du passage de témoin de l’actuel chef de l’Etat, n’est pas arrivé là pour inaugurer les chrysanthèmes.
Il fallait donc prendre du temps à Cotonou pour vanter la démocratie béninoise, signer des conventions et haranguer les Béninois. Dans la suite de sa mini-tournée africaine, l’ancien porte-parole du Parti socialiste (1995) s’est envolé pour l’Angola. Certes là-bas tout comme ici, le président, José Edouardo dos Santos, persiste et signe à la tête de l’Etat depuis 1979.
Même si similitudes il y aurait, le Cameroun n’est pas l’Angola. Dans ce pays du sud-ouest de l’Afrique, le Produit intérieur brut (Pib) par habitant est de 5783 dollars en 2013, soit quatre fois celui du Cameroun (1328 dollars en 2013). L’Angola est le deuxième producteur de pétrole en Afrique. Autant dire que cet Etat lusophone est un marché important pour la France.
D’autant plus que François Hollande doit relever le pari de baisser le taux de chômage qui inquiète les Français (10,4% en avril 2015 contre 10,3% en 2014) et de maintenir les emplois existants. Les chiffres pointent par exemple 2,9 millions de chômeurs en France métropolitaine. La crise financière creuse aussi son sillon. Les enjeux économiques et politiques sont donc grands.
Le sexagénaire (il aura 61 ans le 12 août prochain) de l’Elysée se tue donc à la tâche en rêvant d’un second mandat en 2017. Surtout qu’on dit de lui qu’il est « infatigable » et passe autant de temps dans son bureau que dans les avions. Pour rééditer l’exploit de mai 2012, l’ancien député de Corrèze (1988-1993) met ainsi les bouchées doubles pour faire oublier ses frasques d’amour et montrer qu’il est l’homme de la situation. Qu’il peut contrer la crise et le terrorisme. Que l’épisode de Charlie Hebdo ne se reproduira plus. Et pour cela, ce célibataire de quatre enfants doit faire des compromis.
L’heure est visiblement au réalisme politique. Le temps d’une promesse sur un comportement « en chaque instant exemplaire », comme il l’avait déclaré durant le débat-télévisé face à son challenger de 2012, Nicolas Sarkozy est révolu. Le temps d’un « Non » tonitruant aux « dictateurs », n’a manifestement plus sa place dans le discours politique de ce fils spirituel de François Mitterrand. Depuis mai 2012, il a mis de l’eau dans son vin.
« Confronté à la menace terroriste, le chef de l’Etat est désormais contraint de composer avec certains autocrates africains », analyse le journal “Le Parisien” en évoquant la tournée du président français en Afrique. Car, lui président de la République, il est de bon ton qu’il reste normal, mais réaliste.