L'arrestation il y a quelques jours d'un cadre de la présidence de la République, accusé d'avoir divulgué plusieurs informations confidentielles suscite une panique générale dans le sérail, où, plusieurs barrons s'affrontent, se donnent des coups et règlent leurs comptes. Les enquêtes se poursuivent toujours pour que les auteurs de ces divulgations de documents sensibles soient arrêtés.
La divulgation d'une correspondance du préfet de Wouri permet certainement aux enquêteurs d'étendre l'enquête lancée par la présidence aux préfectures. C'est en tout cas ce que pense l'analyste politique Grégoire Djarmaila dans une de ses tribunes publiées dans le quotidien d'Etat Cameroon Tribune. La rédaction de CamerounWeb vous propose des extraits de cette tribune.
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"Le Premier ministre, chef du gouvernement avait déjà sonné l’alerte à travers la circulaire du 28 mars 2018 portant gestion des documents et données confidentiels de l’Etat et des organismes du secteur public, mais le phénomène semble développer une résistance tenace et surtout gagner en intensité. En réalité, la course effrénée à la publication des informations classées « confidentiel » à laquelle nous assistons ces derniers temps laisse penser que la République est désormais dans la rue publique. Tout désormais semble publiable et les auteurs de cette pratique répréhensible ne s’interdisent rien, ne se fixent aucune limite.
Les échanges épistolaires et téléphoniques entre les hauts responsables de la République se retrouvent désormais sur la place publique. Les affaires encore sous instruction judiciaire quittent les cabinets des magistrats pour la rue. Au plus fort de « l’opération Epervier », les interdictions de sortie du territoire émises par les structures étatiques compétentes et infligées à certains gestionnaires publics faisaient le buzz dans les réseaux sociaux. Il y a quelques jours, une correspondance du préfet du Wouri a fait les choux gras de la presse et des réseaux sociaux.
Presque dans la même période, les feuilletons judiciaires impliquant le Directeur général du Port autonome de Douala et un responsable de l’administration fiscale à Yaoundé ont tenu le public en haleine à travers le déversement sur l’arène publique d’une pléthore de documents et autres informations classés pourtant « confidentiel ». Il en est également de la diffusion des informations relatives aux opérations menées dans le domaine de la sécurité et de la défense. Aucun service de l’Etat n’est à l’abri du phénomène des fuites de documents administratifs confidentiels.
A l’observation, les informations confidentielles fuitant des structures stratégiques comme la présidence de la République ou les services spécialisés de l’Etat sont créditées d’une forte valeur ajoutée pour ceux qui s’adonnent à cette activité.
L’époque où les documents frappés du sceau « Confidentiel » ou encore « Secret » ou « Secret-défense » suscitaient une certaine peur pour les agents publics est décidément révolue. Bien au contraire, de telles mentions semblent donner plus d’allant aux personnes qui ont développé une addiction pour la publication de ce type d’informations. Bien évidemment, cette pratique a connu une montée en puissance à la faveur de la vulgarisation d’Internet, de ses dérivés et de l’apparition de nouveaux outils de communications électroniques, qui accentuent la propagation des informations. Cette activité illicite booste les lanceurs d’alerte dont le nombre de « followers » croit en fonction de la diffusion des informations ou des documents hautement confidentiels. Elle se nourrit également des batailles de positionnement et des rivalités fantasmées entre certaines personnalités de la République. Les journaux à la solde de certains lobbies s’y alimentent abondamment.
Au-delà du fait que ce phénomène répréhensible est de nature à compromettre l’efficacité de l’action publique, il constitue également une atteinte grave à la sûreté de l’Etat, de plus en plus en proie à des menaces sécuritaires protéiformes. Mais l’on observe que les agents publics qui se livrent à cette activité semblent bénéficier d’une certaine impunité.
Si les pouvoirs publics se sont inscrits dans la gouvernance numérique, il n’est pas question de faire de l’espace public le réceptacle de tous les dossiers stratégiques de l’Etat. Et si l’on veut combattre efficacement le phénomène de fuites d’informations revêtues du sceau « confidentiel », il faut opposer aux contrevenants la rigueur des textes législatifs et réglementaires prévus.
Dans la circulaire du 28 mars 2018, le Premier ministre, chef du gouvernement a instruit les ministres, les chefs de missions diplomatiques, les chefs de circonscriptions administratives, les chefs des exécutifs des collectivités territoriales décentralisées et les directeurs généraux des établissements et entreprises publics de « traduire systématiquement devant les instances disciplinaires compétentes les agents publics présumés coupables de violation de l’obligation de discrétion professionnelle ».
Il faut d’ailleurs rappeler que ceux des agents publics qui excellent dans la diffusion des documents administratifs confidentiels le font au mépris des dispositions du statut général de la Fonction publique. Parmi les obligations énumérées à l’article 35 et auxquelles est astreint le fonctionnaire, il y a la discrétion professionnelle. Ce devoir est mieux détaillé à l’article 41 du même texte..."