Opinions of Friday, 28 October 2022

Auteur: Serge Aimé Bikoi

Gouvernance : La théorie du Biya est bon, mais c'est son entourage qui est mauvais ne passe pas

Paul Biya Paul Biya

J'ai écouté, in extenso, l'émission "Équinoxe soir" ce jeudi, 27 octobre 2022, diffusée sur Équinoxe télévision, la chaîne du peuple. Sincèrement, je vais, exclusivement, m'attarder sur deux postures observées ce soir, lesquelles sont diamétralement opposées. Alors que Valère Bertrand Bessala, Guide de Jouvence, à la première partie, a construit son argumentaire sur la thèse selon laquelle l'actuel chef de l'État est bon, mais c'est son entourage qui est mauvais, Aristide Mono, analyste politique, a brodé son champ réflexif sur la culpabilisation de l'actuel chef de l'État, dont les absences et silences sont fort évocateurs et bourrés de conséquences visibles.

L'argument central du guide de Jouvence me paraît biaisé tant il appréhende les scandales à répétition et la cacophonie gouvernementale de manière partielle et parcellaire. Dire que le créateur est bon et que ce sont, fort au contraire, les créatures qui sont médiocres est une perception limitée. Cela ressemble à un argument que développe, régulièrement et ce depuis des années, Pascal Charlemagne Messanga Nyamding, ancien membre titulaire du comité central du Rdpc, pour qui Paul Biya est un roi, un chef , un empereur qui gouverne bien, mais c'est son environnement immédiat qui travaille mal. D'où la valorisation de l'hégémon central et la diabolisation de ses thuriféraires. Par le passé, Charles Ateba Eyene, l'ancien membre suppléant du comité central du parti au pouvoir, de regrettée mémoire, défendait la même thèse sur les plateaux de débats audiovisuels tout comme Pius Otou, Économiste, lui aussi membre suppléant du comité central dudit parti. Aujourd'hui, Georges Gilbert Baongla se positionne, dans la même veine, pour soutenir cette même thèse. Pour ce dernier, P. Biya est bon, mais c'est Ngoh Ngoh, Dion Ngute, Esso, Fame Ndongo, Motaze, Mvondo Ayolo, Nganou Djoummessi, Mbarga Atangana, etc qui sont, tous sans exception, piètres, mauvais et incompétents.

Par contre, Aristide Mono défend la thèse de la responsabilisation du chef de l'État et des membres qui l'entourent dans le mal développement qui perdure au Cameroun depuis 40 ans déjà et qui l'a, malheureusement, plombé. Non seulement, l'analyste incrimine P. Biya, mais il châtie, dans le même sillage, l'ensemble de ses apparatchiks qui ont, eux aussi, participé à détruire et à déconstruire le pays chacun (e) à son niveau. En effet, dans ce procédé interprétatif, nul n'est bon. Tout le monde est mauvais y compris le chef central du système en place. Personne n'est donc dédouané dans le processus de sous-développement, d'anéantissement et d'avilissement du pays. Le créateur et les créatures sont, par conséquent, tous coupables devant la façade de la République. Vouloir innocenter le président de la République et criminaliser ceux et celles qu'il a nommés depuis son accession à la magistrature suprême le 6 novembre 1982 à des positions de pouvoir et d'autorité est abscons, biaisé, déformé et limité. Cette grille de lecture est autant partielle que parcellaire.

Lorsque les gestionnaires des postes de responsabilité sont coupables de mal gouvernance, il vaut mieux, en tant que chantre de l'exécutif, les décharger de leurs fonctions décisionnelles. Lorsque des scandales récurrents colonisent le champ administratif au point de créer des corollaires sociaux, politiques et économiques, le chef central a la contrainte de sanctionner négativement les technocrates qu'il a juchés à ces strapontins. Faut-il attendre, comme à l'accoutumée, la logique du pourrissement pour finalement, à l'aune d'une gouvernance par embuscade, infliger des sanctions aux indélicats gestionnaires des strates d'influence de la République ? Que nenni! Le chef suprême a un devoir d'accountability. Il doit rendre compte et, au besoin, évaluer, régulièrement, les acquis et passifs de ses gestionnaires. Il est, ex-cathedra, comptable des maux qui minent son pays, tout autant que les gestionnaires qu'il nomme. La vie chère, la pénurie du gaz domestique, les crises sécuritaires (Boko Haram, Noso), l'absence d'eau potable, le déficit d'énergie électrique, les détournements de deniers publics, la corruption, le clientélisme, le sectarisme, l'ethnocentrisme, népotisme, le favoritisme, le Covidgate, la Cangate, le Glencoregate, les guerres de positionnement et les batailles de fin de règne entre les membres du gouvernement, etc sont,entre autres, des scandales qui aiguillonnent l'arène sociale sans que le maître de céans ne frappe du poing sur la table. Entre-temps, la situation s'enlise au grand malheur et à la grande désolation du bas-peuple. Le Léviathan doit, impérativement, rendre compte au peuple camerounais tôt ou tard. La permanence des absences et silences présidentiels est préjudiciable pour le fonctionnement du pays. Les répercussions sont incommensurables. Cameroun: qui gouverne ?

Serge Aimé Bikoi