Le 03 juillet dernier, le président français François Hollande était accueilli par son homologue Paul Biya à l’aéroport international de Yaoundé Nsimalen.
Lors de la présentation des corps constitués, c’est le chef du protocole d’Etat, Simon Pierre Bikele, qui a conduit à l’exercice, au grand mépris des usages diplomatiques qui commandent que la charge revienne à l’hôte local qui est le chef de l’Etat.
Les Camerounais ont ainsi pu se rendre compte de ce qui anime habituellement les conversations dans les chaumières : un nombre important de ministres, ainsi que la dénomination des départements qu’ils dirigent, sont inconnus du chef de l’Etat Paul Biya.
Beaucoup voit dans cette attitude, une conséquence du caractère pléthorique de l’équipe gouvernementale. Dans son édition en ligne, mise à jour le 10 septembre dernier, le journal de Béchir Ben Yahmed, dans une enquête intitulée « vos ministres et députés sont-ils trop nombreux ? », s’est amusé à comparer les gouvernements des pays africains, du point de vu du nombre.
Et le résultat place le Cameroun en tête de ce palmarès peu élogieux. Le gouvernement « Yang II », sorti du remaniement ministériel du 9 décembre 2011, compte pas moins de 41 ministres. Le record continental. Ce chiffre ne prend en compte que les « ministres d’Etat et autres ministres attachés à la présidence ainsi que les ministres de plein exercice», précise le journal. Sont exclus ici, «les secrétaires d’Etat et vice-ministres».
Une prise en compte de ces deux catégories porte l’équipe gouvernementale actuelle à 62 ministres et assimilés. Ce qui place le Cameroun derrière le « champion toute catégorie confondue», la Guinée équatoriale, avec 89 membres. Yaoundé est suivi par l’Angola, qui compte 39 ministres et par l’Afrique du Sud, 37 ministres. Vient ensuite le Congo-Brazza, 35 ministres.
Gouvernement budgétivore
Le président Paul Biya est aussi présenté comme ayant une propension pour les ministres « chargés de mission », ou en charge des portefeuilles des « Relations avec les assemblées », de la Défense, des Marchés publics et du « Contrôle supérieur de l’État ».
« Ils viennent appuyer un gouvernement camerounais qui compte, en plus, dix secrétaires d’État et neuf ministres délégués, soit soixante membres », écrit le journal. Dans le domaine, le Cameroun garde également la palme d’or, avec huit ministres rattachés à la présidence. Il devance le Gambie et le Ghana. Toute proportion gardée, notons que le pays a 24 millions d'habitants et 41 ministres, contre Allemagne, 80 millions de personnes pour 14 ministres. Les Etats-Unis comptent, 325 millions d’âmes, mais 15 ministres.
Il est à rappeler que l’exercice de Jeune Afrique n’est pas nouveau, la presse nationale s’étant déjà plusieurs fois émue devant un gouvernement budgétivore. Dans son édition du 8 novembre 2013, le quotidien Le jour citant un député du parti au pouvoir, comptait qu’un « ministre coûte à l’Etat du Cameroun au moins 300 millions FCfa » ; «sans piquer dans les caisses ».
Cet élu du peuple cite entre autres : les frais de missions, les primes de représentation, les voitures de service, les employés de maison, le personnel du cabinet, les bons de carburant, etc. «Je suis toujours choqué quand, à chacun de mes voyages, je vois des ministres camerounais en première classe à Air France », s’est-il encore étonné.
En mai 2012, dans une de ses lettres ouvertes du fond de sa cellule, Marafa Hamidou Yaya ci-devant ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, rapportait une de ses conversations avec le président Paul Biya qui s’enquérait de ce que l’opinion pense d’un de ces gouvernements.
Voici ce que l’ancien ministre avait alors écrit : « Après la formation du gouvernement consécutif à l’élection présidentielle de 2004, vous m’avez accordé une audience au cours de laquelle vous m’avez demandé ce que les gens pensent du gouvernement.
Je vous ai répondu qu’ils pensent qu’avec un effectif d’environ soixante-cinq (65) ministres et assimilés, le gouvernement est pléthorique et manquerait d’efficacité.Entre agacement et irritation, vous m’avez tenu ces propos : ‘…Monsieur le ministre d’Etat, vous êtes combien de ministres dans ce gouvernement ? Peut-être dix (10) ou quinze (15) tout au plus. Le reste, ce sont des fonctionnaires à qui j’ai donné le titre’ ». C’est tout dire.