Nous sommes aujourd'hui le 5 octobre, la journée mondiale des enseignants. Et la première question qui me vient en tête, c'est si le ministre camerounais du Travail et de la Sécurité Sexuelle est au courant de cette noble date, en ces jours où le travail le plus utile au monde, l'enseignement, subit les pires affres de la gouvernance hors-sol d'un régime d''ectoplasmes. En faisant un tour sur la page officielle - et inutilement certifiée - de Grégoire Owona, la dernière publication que vous trouverez date du 1er septembre, et consiste en... un hommage à Paul Biya.
Car oui, c'est à ça qu'ils sont réduits : à la privatisation du métier de fonctionnaire, et à la croyance aberrante que les mots « République » et « Propriété » sont des synonymes. Dans l'article de ce matin, je vous présentais un certain Yves Abama, professeur de lycée à ses heures perdues, mais dont l'activité principale réside dans la célébration de ce régime-là même qui a plongé son corps de métier dans l'inextricable marasme financier actuel. Pendant que l'ensemble de la corporation s'indigne du traitement indigne dont ils font l'objet, avec des impayés pouvant aller jusqu'à une décade, Abama nous exhorte à « accompagner le chef de l'État dans la résolution de ces problèmes », oubliant alors que la cause même de ces problèmes, c'est son fameux chef de l'État, et que ça fait 41 ans qu'il échoue à résoudre quoi que ce soit, et qu'il accentue au contraire le mal.
D'où le cri de guerre fort opportun : « On a Trop Supporté !»
Grégoire Owona pour sa part, n'a jamais servi à rien d'autre qu'à être le griot plein de gratitude envers celui qui lui a fait l'honneur de le nommer à la table des jouisseurs. C'est donc avant tout une affaire de reconnaissance personnelle, à des années-lumières d'un véritable sacerdoce au service de la République du Cameroun.
Voilà pourquoi son travail ne consiste pas à générer du travail, mais plutôt à vous évangéliser quotidiennement au biyayisme. Voilà pourquoi il n'est pas préoccupé par la création d'activité, et donc par la réduction du taux de chômage, et donc par l'augmentation du taux de croissance, et donc par la hausse du Produit Intérieur Brut (PIB), mais plutôt par des cantiques liturgiques sur Paul Biya le plus « démocrate », le plus « magnanime », le plus « généreux », le plus « bon » et le plus « beau ». Lorsque tout un ministre, c'est-à-dire un agent public qui gère de l'argent public, vous explique que les infrastructures routières, les stades de football ou encore les 500 000 GameBoys universitaires de Fame Ndongo sont des « dons du chef de l'État », vous comprenez que votre pays a franchi le stade du coma éthylique.
Grégoire Owona est celui qui vous a dit le 30 avril 2019 qu'il était tout à fait possible de vivre avec le Smig (Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti), équivalent jadis à 36 000 FCFA. Pendant ce temps, c'est le même montant qu'il donnera pour la ration du chien de sa vingt-quatrième concubine au sortir d'un hôtel. Si l'on considère le simple salaire d'un ministre de son acabit (environ 700 000 FCFA mensuels), on est déjà plus de 20 fois au-dessus des 36 000. Et si l'on y ajoute les DÉTOURNEMENTS MASSIFS (qui permettent à tous ces individus de se construire leurs villas ultra luxueuses et de faire laver leurs costumes à Paris), on ne peut que conclure que le Cameroun nage en plein spiritisme. C'est comme si un obèse vous demandait de faire du régime, alors qu'il tient entre ses mains un plateau de burgers bien dodus !
Et c'est ainsi que, pendant que vous criez : « OTS », ces burgervores vous répondent : « OSF » (On S'en Fout !). Ne vous y trompez pas une seule seconde : un triste individu comme Grégoire Owona n'a aucune idée de ce que représente le 5 octobre. Il aurait fallu que vous lui disiez que c'est l'anniversaire de Paul Biya, pour qu'il puisse s'en souvenir.
EN BREF
Le 8 mars 2022, on apprenait le décès d'Hamidou, 49 ans, professeur de sport dans un lycée de Beka dans le département du Faro, au Nord-Cameroun. Hamidou fut l'un des porte-voix de la première saison du mouvement OTS (débuté en février de l'année dernière). L'homme se plaignait notamment d'avoir dû travailler entre 2012 et 2020 sans matricule ni salaire, et uniquement guidé par son amour pour le vert-rouge-jaune, quand des jouisseurs à la conscience inerte comme Grégoire Owona faisaient de gros bisous à la photo de Paul Biya qui trône sur les murs de leur bureau. Et parce que les ténèbres n'ont peur de rien, le 10 mars 2022, le ministre du Travail et de la Sécurité Sexuelle va écrire un message à l'adresse d'Hamidou, pour lui demander... de patienter encore un tout petit peu, et que son salaire lui sera versé dans les plus brefs délais.
Oui oui, vous avez bien compris : notre griot de service n'était toujours pas au courant que le pauvre Hamidou venait de mourir 48 heures plus tôt !
Il aurait fallu que ce fût la mort de Biya pour qu'il puisse s'en souvenir.
C'est cela le métier de griot, le boulot de ceux qui ne savent pas que « Minister » en latin signifie « serviteur » (avec qui il rime d'ailleurs). Un griot n'a pas de volonté propre. Il n'agit et ne vit que pour être le pissoir du roi. Vos revendications ne lui font aucun effet, puisqu'il ne subit pas votre misère. Ceci dit, la différence entre un Owona et un Abama réside dans le fait que l'un fait partie des jouisseurs, et l'autre continue de gesticuler à cor et à cri, sans jamais avoir accès au banquet.
À se demander qui est le plus nuisible entre la petite araignée et la grosse tarantule.