Depuis l'arrivée de l'épizootie de la grippe aviaire, les pertes se multiplient face aux incohérences de l'Etat décriés par les producteurs.
Joseph Tangwa Fover, le préfet du département de la Mifi, a présidé le mardi 21 juin 2016, une réunion de crise avec les forces de maintien de l'ordre de la ville, les chefs de quartiers et les représentants des commerçants de la ville de Bafoussam. Dans sa communication, il a décrié le fait que les aviculteurs de la Mifi et les commerçants multiplient les stratagèmes pour contourner les mesures sécuritaires en vigueur, entrées en application pour limiter l'avancée de la grippe aviaire.
Il faut rester calme et attendre que l'Etat fasse son travail », estime ce dernier. Le propos a irrité l'un des participants. «Attendre jusqu'à quand ? Depuis que nous attendons, l'Etat ne dit rien et ne fait rien. Entre-temps, ce sont des pertes que continuent à engranger les opérateurs de cette filière. Ils seront satisfaits lorsque tout le monde sera endetté ». Ce dernier est interrompu par l'autorité administrative qui insiste sur le fait que l'Etat ne veut que le bien de la population.
Brouhaha dans la salle. En sourdine, beaucoup lancent des phrases qui insinuent que l'Etat a inventé cette épizootie pour ruiner le secteur de l'aviculture à l'Ouest. Sans se démonter, le préfet insiste sur le fait que la force va demeurer à la loi. Joseph Tangwa Fover fait bien de le dire. Les commerçants qui arrivent à franchir les barrières de la région de l'Ouest, sont stoppés à l'entrée des autres régions. Des camions transportant des oeufs de table, saisis et bloqués sur place, continuent de se multiplier à Melong, aux frontières entre la région de l'Ouest et celle du littoral et à Makenéné, zone frontalière entre l'Ouest et le Centre.
La dernière saisie date du lundi 20 juin 2016. Parmi les personnes prises, le sieur Nembot, un éleveur qui transportait à bord de sa propre voiture, 22.000 oeufs emballés dans une cinquantaine de cartons de 16 alvéoles d'oeufs chacune. Le tout, dissimilé sous des planches où étaient installés des porcs. Pour sa défense, cet éleveur dit qu'il ne peut plus de tenir. «Mes pondeuses sont là, elles n'ont rien. Je ne vois pas comment je vais chaque jour, sortir en moyenne 250.000F, pour nourrir et entretenir des poules qui me pondent des oeufs que je ne peux pas écouler.
En restant sur place à dépenser et sans rien faire d'autre, je risquais d'exploser», insiste ce dernier que nous avons joint au téléphone.
Restrictions alimentaires
Les éleveurs disent que leurs fermes fonctionnent au « régime simplifié ». La quantité des aliments a été réduite, pour que les pondeuses ne continuent plus de pondre et que les poulets de chair ne consomment plus trop sans être rentables. « Dans certains bâtiments où on retrouve une moyenne de 500 têtes, on est passé de 8 sacs d'aliments par jour à 3 sacs, juste pour les garder vivants. Jusque là, le manque à gagner est lourd ». déplore Valentin Kamdem, un aviculteur basé à Bandjoun.
Même à ce régime simplifié, les poules continuent de pondre dans les fermes. Devant l'accumulation des stocks, les commerçants sont invités au secours. «Au bout de trois semaines dans les cartons, les oeufs sont mauvais pour la consommation. Il faut les détruire. Pour les conserver en moyenne 30 jours, il faut les laisser en plein air et là, on manque d'espace » observe Jacques Tetah, un aviculteur.
Même les poussins qui sont fabriqués, sont aussitôt détruits. André Richard Ouembé, responsable d'une société de production de poussins (Siprec), annonce qu'il vient de détruire 65.000 poussins par étouffement. L'inquiétude des aviculteurs vient de ce qu'ils pensent être les seuls à s'investir.
«Pour ne pas attendre indéfiniment l'incertitude, nous avons à nos frais, cotisé lors de nos réunions, invité ici des équipes du MInepia avec les spécialistes du Laboratoire national d'analyses vétérinaires du Cameroun. Ils ont travaillé à nos frais et nous avons aussi acheté des stocks importants de produits pour désinfecter les enclos. Il leur revient de nous donner le ok », explique ce membre du comité de crise mis sur pied par les aviculteurs.
A l'en croire, ils ont déjà investi près d'une dizaine de millions pour résoudre la crise en soutien à l'Etat. Ce qui vient s'ajouter au montant des pertes. Officiellement, le gouverneur de la région de l'Ouest évalue ces pertes à une soixantaine de millions pour l'instant. Or pour les aviculteurs, les pertes se chiffrent à des centaines de millions.
Des éleveurs qui disent appliquer les mesures de bio-sécurité, pensent avoir circonscrit le problème et attendent que l'Etat à défaut d'ouvrir de nouveau le secteur, crée des marchés périodiques où les oeufs et poules, qui à l'examen ne seront pas jugés impropres à la consommation, peuvent y être écoulés.