Opinions of Friday, 26 January 2018

Auteur: Ndam Njoya Nzoméné

Guerre Ambazonie: le nouveau mode opératoire des sécessionnistes

Plusieurs attaques ont été enrégistrées cette semaine Plusieurs attaques ont été enrégistrées cette semaine

Si ce n'est pas déjà la guerre de sécession, le Cameroun n'en est visiblement plus très éloigné, non plus.

Après l'assassinat il y a une semaine d'un élément du Bataillon d'Intervention Rapide (BIR) et l'enlèvement d'un élément de la Marine Nationale par des partisans du mouvement sécessionniste anglophone, des informations concordantes ont fait état vendredi du meurtre la veille d'un gendarme camerounais.

Outre le meurtre de l'adjudant-chef de gendarmerie dans la ville de Kumbo (région du Nord-ouest) où il était affecté dans le cadre des opérations de sécurisation des zones anglophones, des sources sécuritaires à Yaoundé ont évoqué l'explosion à Ekok, près de la frontière du Cameroun avec le Nigeria, d'une bombe artisanale au passage d'un véhicule de l'armée camerounaise transportant des éléments du BIR, faisant deux blessés parmi les soldats.

Dans la nuit du mercredi 24 au jeudi 25 janvier, les habitants d'Ekok avaient été brutalement tirés de leur sommeil par des partisans du mouvement sécessionniste criant à tue-tête : « Ambazonia ! Ambazonia ! », et accompagnant leurs hurlements de tirs d'armes automatiques et explosions, selon le quotidien camerounais La Nouvelle Expression.

Retour de manivelle effectif ?

Ce nouveau mode opératoire dont l'usage semble prendre de plus en plus d'ampleur dans le registre des actions des séparatistes participe de la montée des tensions qui a cours depuis l'arrestation au Nigeria le 05 janvier dernier, de 10 responsables du mouvement sécessionniste, dont leur leader, Sisiku Ayuk Tabe.

Cité par l'Agence France Presse, Hans De Marie Heungoup, chercheur au centre d'analyse International Crisis Group (ICG), explique que « Depuis l'arrestation des leaders séparatistes au Nigeria, il y a une dégradation sécuritaire et une multiplication des fronts entre séparatistes et l'armée camerounaise. ».

L'armée et la police camerounaises ont été massivement déployées dans les deux régions anglophones du Cameroun dès le début de la crise dite "anglophone" en octobre-novembre 2016, pour réprimer ce qui n'étaient alors que des revendications corporatistes pacifiques d'avocats et d'enseignants.

Effectivement la répression, très souvent sanglante, a été menée avec de tels soin et zèle que les anglophones ainsi réduits au rang de bêtes sauvages par des forces de l'ordre mués en tortionnaires haineux en ont pris de la graine, et ont opté eux aussi depuis quelques semaines pour des assassinats, semant à leur tour la terreur dans le camp de leurs bourreaux.

Les actions des partisans sécessionnistes de l'action violente n'est cependant pas approuvée par leurs leaders politiques officiellement connus, à l'instar de Sisiku Ayuk tabe, aujourd'hui détenu au secret à Abuja au Nigeria selon leurs avocats (femi falana et Abdul Ohoro) et l'Ong de défense des droits de l'homme, Amnesty International. Et même s'il a souvent présenté ces actions violentes comme de la "légitime défense", un certain Ayaba Cho Lucas présenté comme le chef d'Etat-major (en exil) de l'armée de l'Ambazonie (nom de l'Etat virtuel créé par les séparatistes qui serait constitué des deux régions restant de ce qui fut jadis le Western Cameroon –Cameroun Occidental-), ne les a jamais formellement revendiquées, du moins à notre connaissance.

Ces derniers mois, de nombreuses voix, tant au Cameroun qu'à l'étranger, ont appelé à un dialogue inclusif entre les autorités camerounaises et les séparatistes. « Nous continuons de lancer un appel à toutes les parties pour qu'elles engagent un dialogue significatif et large », a de nouveau affirmé l'Ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun dans son communiqué du 17 janvier 2018 dans lequel il condamnait " le meurtre d'un marin camerounais à Ekondo-Titi dans la région du Sud-Ouest le 14 janvier et le meurtre d'un gendarme à Wum dans la région du Nord-Ouest le 15 janvier », non sans "exhorter le gouvernement de la République du Cameroun à faire preuve de retenue face à ces actes de violence. ».

Un seul mot : ... dialoguez !

Mais quoique Sisiku Ayuk Tabe se fût montré un temps disposé à une telle éventualité, à condition que les pourparlers se tiennent ailleurs qu'au Cameroun et en présence de médiateurs neutres, le pouvoir au Cameroun, hostile à toute révision de la forme actuelle de l'Etat, ou plutôt au fédéralisme, a itérativement affirmé qu'il ne négocie pas avec les «terroristes ».

Il a pourtant par le passé négocié avec la secte Boko Haram, véritablement terroriste, celle-là, pour sauver des vies humaines, à la grande satisfaction des camerounais et des pays d'origine des personnes enlevées par le mouvement de Abubakar Shekau.

Depuis, les sécessionnistes sont véritablement devenus des terroristes au grand dam de la paix et des vies humaines, et tuent en particulier les braves soldats camerounais qui auraient pu être utiles sur des fronts plus… légitimes.

Comme quoi, à force de dessiner le diable sur les murs, il finit par rentrer dans la maison.