Opinions of Sunday, 18 August 2024

Auteur: Wilfried Ekanga

Guerre Russie - Ukraine: les révélations du Camerounais Wilfried Ekanga

Wilfried Ekanga Wilfried Ekanga

Le souci quand on discute avec des ignorants, ce n'est pas leur ignorance en soi. Non, le réel souci, c'est que la plupart du temps ils ignorent qu'ils sont ignorants, et du coup, ils font beaucoup de bruit sur des choses qu'ils ne comprennent pas. C'est comme un malade inconscient de sa propre maladie, et qui continue de dire au médecin qu'il va très bien. Or, il est clair que si vous niez le mal dont vous souffrez, vous n'en guérirez jamais !

C'est pour cette raison que de drôles d'individus continuent de gesticuler sur cette page lorsqu'on évoque le sujet russo-ukrainien. J'ai beau avoir écrit une vingtaine d'articles où j'explique les faits, les origines, les tenants et les ambiguïtés de ce damier géopolitique, j'ai beau préciser chaque jour que dans cette histoire il n'y a ni anges ni démons et qu'on est en face d'un jeu de calculs où les torts sont partagés (mais dont les origines et les acteurs déclencheurs sont bien connus), ça n'empêche pas que ces lourdauds viennent toujours me chanter ici que je suis « pro-Poutine », ou qu'ils me demandent pourquoi je ne vais pas vivre en Russie, tout en lançant des slogans ésotériques vides de sens tels que « Gloire à l'Ukraine ! »

(Encore qu'il n'est pas interdit d'être pro-Poutine ; ce dernier n'étant pas pire que ceux qui ont déstabilisé le Libye, l'Irak, le Sahel, ou qui colonisent et massacrent les Palestiniens 24/24 devant la Terre entière !)

Comme je ne récite pas la mélodie féerique de LCI ou de BFM, je suis taxé de « propagandiste russe ». Car pour les gros débiles dépossédés de toute pensée autonome, ces médias-là eux, ne mentent jamais ! Il faut donc boire religieusement tout ce qui émane de leurs antennes. C'est à cette posture enfantine et lamentable que sont encore rendus de nombreux Africains, plus d'un demi-siècle après les (présumées) indépendances.

HISTOIRE, RACONTE

Souvenez-vous : le 26 septembre 2022, à quelques heures d'intervalle, trois fuites importantes sont signalées sur les gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2, qui relient la Russie à l'Europe, en passant sous la mer Baltique. Les premières analyses - et la coïncidence des explosions - démontrent qu'il ne s'agit pas d'un accident ; les tuyaux ont bien été sabotés par la main humaine. Se pose alors la question des auteurs de cet acte de grand vandalisme. Très vite, les Occidentaux s'empressent d'accuser... la Russie ! Oui oui ! Dans les premiers jours qui suivent l'incident, les sorties médiatiques, surtout en Europe, tournent autour de la même conclusion : c'est l'œuvre du Kremlin !

« Il s'agit d'une attaque terroriste planifiée par la Russie et d'un acte d'agression contre l'UE », déclare alors à l'époque le sieur Mychailo Podoljiak, un des conseillers de Volodymyr Zelensky. Dans la foulée, un haut dignitaire européen confirme dans le Washington Post : « Personne du côté européen ne pense qu'il s'agit d'autre chose que d'un sabotage russe ». Puis, ce fut au tour de la Pologne d'affirmer qu'il était tout a fait possible que la Russie ait posé l'acte, en guise de provocation. Le vice-ministre polonais des affaires étrangères justifiant cette thèse ainsi : « Notre voisin de l'est poursuit une politique agressive.»

Et c'est ainsi que, sans le moindre soupçon de début de preuve, cette version se répand comme une traînée de poudre, y compris chez nos congénères africains, et tous ceux qui n'avalent pas le délire mainstream sont aussitôt qualifiés de « pro-russes », histoire de discréditer leurs analyses, dont le seul crime est de prôner la rigueur. Vous vous rappelez sans doute que j'ai perdu des heures sur cette page à expliquer la logique à une horde de nigauds bien-pensants, à qui je posais les questions suivantes : « Quel intérêt Moscou aurait-il à détruire ses propres installations, alors qu'elles sont censées lui rapporter énormément en recettes de gaz ? Quel avantage Poutine aurait-il à saboter ses turbines, sachant que c'est toujours lui qui devra couvrir les frais de réparations ?»

Sans compter qu'à ce moment-là, les gazoducs sont quasiment à l'arrêt depuis plusieurs mois, soit depuis l'invasion de l'Ukraine en février 2022. Pourquoi la Russie irait-elle donc percer ses propres tuyaux - parmi lesquelles le flambant neuf Nord Stream 2, tout juste entré en service en octobre 2021 - alors qu'il lui suffirait de fermer les robinets... et qu'elle l'a de toute façon déjà fait ?!

Dans cette guerre géopolitique et de l'information, le monde occidental considère le fait d'utiliser sa cervelle comme un crime de lèse majesté. En vous accusant d'être victimes de la propagande russe alors que vous ne faites que réfléchir par vous-mêmes, le système vous prépare en fait à mieux subir sa propagande à lui ! (C'est pour la même raison que Macron a supprimé Sputnik et Russia Today en France, tout en se plaingnant qu'on ait supprimé France 24 et RFI au Mali). Voilà pourquoi, quand on vous posait les questions ci-dessus, vous répondiez exactement comme les journalistes de LCI: « Poutine est un malade mental. Il agit sans penser aux conséquences. Il est parfaitement capable de bousiller ses gazoducs et d'accuser ensuite l'Occident.»

Eh oui, telles étaient vos analyses cafardeuses.

ET MAINTENANT ?

Le 14 août 2024, pendant que la Vierge Marie s'apprêtait à monter au ciel en cachette comme une immigrée clandestine, le Wall Street Journal lance un pavé dans la mare : s'appuyant sur les résultats de l'enquête allemande (l'une des trois principales ouvertes sur le sujet, aux côtés des enquêtes danoise et suédoise), le quotidien américain est formel : le sabotage des gazoducs russes a été organisé... par l'Ukraine ! Plus précisément, par de hauts responsables militaires ukrainiens, lors d'une soirée mondaine où beaucoup de vin a coulé. Le coût de l'opération est évalué à 300 000 euros. Six plongeurs - cinq hommes et une femme - munis de faux passeports roumains et bulgares, sont chargés d'exécuter la mission. Ils prendront le large à bord d'un navire obtenu auprès d'une agence polonaise de location de voiliers basée à Rostock, au nord de l'Allemagne. Le navire en question, baptisé Andromeda, appartient à en fait à un riche homme d'affaires ukrainien.

D'après ces données, Volodymyr Zelensky est alors parfaitement au courant de l'opération en cours. Dans un premier temps, il va même y donner son feu vert personnel ! Mais suite à la découverte du projet par les services de renseignements néerlandais (qui en informent aussitôt la CIA), le comédien de Kiev décide de se rétracter, de peur notamment que l'Allemagne (dont l'économie dépend de manière vitale du gaz russe), ne le découvre, et que les relations entre Kiev et Berlin ne se tendent (sachant que l'Allemagne est l'un des principaux donateurs de l'Ukraine, avec plus de 34 milliards d'euros versés depuis le début de la guerre). Sauf que l'ordre qu'il a donné a son chef d'état-major, le général Valeri Zaloujny, n'est pas exécuté. Zaloujni estimant qu'il est déjà trop tard, et que la mission ne peut plus être interrompue, sous peine de mettre en danger les plongeurs.

Le problème ici, c'est que les relations commencent bel et bien à être tendues, puisque Zelensky... nie toute implication de son pays ! En français facile, l'Ukraine sous-entend que l'Allemagne raconte des mensonges ! Pendant que le groupe médiatique allemand ARD ou encore le quotidien Der Spiegel, conjointement avec le Washington Post, répètent à tue-tête que Zelensky était bien au courant du forfait en préparation, son fameux conseiller - encore lui - Mychailo Podoljiak martèle de son côté que cette version est « un non-sens absolu ! ». Notons ici qu'en juin 2023, Zelensky avait déjà affirmé au quotidien allemand Bild : « Je ne ferais jamais cela !»

Et moi qui pensais que le seul menteur se trouvait à Moscou, voici que le groupe de ceux qui ne mentent jamais se rejettent mutuellement la faute. C'est fabuleusement ironique !
Quoiqu'il en soit, toutes les enquêtes menées à ce jour partagent la conclusion suivante : « Il n'existe aucune preuve de l'implication de la Russie.»

LE CHÂTEAU DE CARTES

Vous n'y comprenez plus rien, n'est-ce pas ? C'est bien normal. La confusion, voilà ce qui arrive quand on s'aligne comme des zombies derrière le narratif de gens qui font exactement ce qu'ils reprochent à autrui : mentir, se contredire, manipuler, désinformer... Les puissances de l'Ouest ont soigneusement brouillé les pistes sur cette question, alors qu'elles savent dès le début qui sont les coupables. Des quotidiens tels que le britannique "Times" ou encore l'américain "New York Times" nous informent que les chancelières occidentales savaient déjà que l'Ukraine était liée à l'attaque, mais qu'elles évitaient précisément d'informer l'Allemagne pour les raisons que j'ai illustrées plus haut. Dans l'absolu, tout au long de l'année 2023, de nombreuses polices et services secrets européens penchaient déjà vers une piste ukrainienne, mentionnant une implication plus ou moins forte de Zelensky. Les conclusions de l'enquête allemande de ce 14 août ne sont donc pas apparues ex-nihilo.

D'ailleurs, figurez-vous que depuis le 7 février 2024, mister Valeri Zaloujni, l'homme qui, selon les enquêteurs a ordonné le sabotage des turbines, a soudain quitté ses fonctions militaires et est devenu ambassadeur d'Ukraine à Londres, où il jouit désormais de l'immunité diplomatique ! Comme par hasard...!

Sachant que l'Allemagne n'a toujours pas digéré cette manœuvre (vu qu'elle continuait d'espérer une réouverture des gazoducs à moyen terme pour redémarrer son économie, et qu'elle avait d'ailleurs participé à la construction du Nord Stream 2), il est évident qu'elle n'aurait pas hésité à lancer une procédure pénale contre Zaloujni. Notons que, début juin 2024, le parquet fédéral allemand a émis un mandat d'arrêt contre trois personnes, dont un moniteur de plongée ukrainien du nom de Volodymyr Z. et résidant en Pologne, non loin de Varsovie. Mais ce dernier s'est évaporé dans la nature et est retourné dans son pays en juillet, sans que la Pologne (qui n'a jamais vu d'un bon œil le Nord Stream 2 ), ne le retienne.

Comme par hasard...

Et si cela ne vous suffit pas, je vais aussi vous rappeler ces propos prononcés par Joe Biden lors de la visite du chancelier allemand Olaf Scholz à Washington, le 8 février 2022, soit deux semaines avant l'invasion de l'Ukraine. Il avait alors affirmé, sans langue de bois : « Si la Russie envahit (l'Ukraine) [...], alors il n'y aura plus de Nord Stream 2. Nous y mettrons fin.»

Et c'est exactement ce qui s'est passé... Comme par hasard !

EN BREF :

Je répète que mon but dans cet article n'est pas de vous dire que la gentille Russie a vu son gazoduc se faire détruire par la méchante Ukraine. Pas du tout. Bien au contraire, j'estime qu'en situation de guerre ouverte, ce genre de coups secs relève de la routine. Après tout, la Russie elle-même détruit chaque jour des installations électriques ou énergétiques ukrainiennes dans des villes stratégiques. Mon souci ici, c'est de vous faire comprendre une bonne fois pour toutes ce que votre tête dure ne veut pas assimiler : il n'y a pas ici un camp qui soit meilleur que l'autre. Chacun y va de son positionnement et de ses ralliements géopolitiques. Nous ici, nous faisons de l'analyse froide et basée sur les faits, afin de déterminer les origines, les implications, les conséquences et les solutions du problème. C'est tout ! Et dans cette optique, nous vous invitons à cesser de boire les paroles de la bien-pensance dominante comme des dogmes religieux. Prenez du recul, informez-vous sans passion, et acceptez certaines évidences même quand elles ne cadrent pas avec la doctrine dans laquelle vous avez été moulés. Votre seule doctrine doit être : les faits, les faits, et rien que les faits.

Avant la crise ukrainienne, la Russie était le principal fournisseur de l’Europe en gaz naturel. En 2021, Poutine assurait à lui seul près de 45 % des importations européennes, loin devant la Norvège (24 %), l’Algérie (11 %), la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Pour approvisionner l'Occident, la Russie dispose de quatre gazoducs : le Brotherhood (qui traverse l'Ukraine, la Slovaquie et la République Tchèque), le Yamal (qui passe par la Biélorussie et la Pologne), puis le Nord Stream 1 (construit à l'époque soviétique), et le fameux Nord Stream 2, tout récent. Tous les quatre gazoducs ont pour terminus l'Allemagne. Depuis longtemps, les USA se sont outrageusement opposés au dernier projet, Donald Trump menaçant même de sanctions les entreprises européennes qui y participaient, et obligeant plusieurs d'entre elles à se retirer du projet. Une attitude qui va conduire le géant russe Gazprom à rappeler aux Américains que cette orgie de pressions était une violation pure et simple du droit international.

Et ce sont ces mêmes rigolos qui, pendant deux ans, et malgré les enquêtes en cours dans leurs propres pays, ont tenté de maintenir l'idée saugrenue selon laquelle le Kremlin aurait endommagé ses propres installations, alors que Biden n'avait pas hésité à annoncer ouvertement la couleur !

Qui est le vrai propagandiste à présent ?

Et surtout, qui a donc saboté Nord Stream, puisque Joe Biden dit que ce n'est pas lui, et que Zelensky dit que ce n'est pas lui ?

Il est grand temps qu'ils se mettent d'accord sur le coupable parmi eux. Même si Zelensky est un humoriste talentueux, ça commence à devenir un peu trop comique.

Bref, c''est Poutine qui veut savoir. Car tout le monde a déjà confirmé que ce n'est en tout cas pas lui !