Malgré la saisie de plus de 1000 munitions de guerre et des pointes d’ivoires, le commandant de la 132e CIM et le commandant de brigade de Moloundou sont détenus à la prison militaire de Yaoundé depuis près d’un mois alors que le sous-préfet lance un cri de détresse au chef de l’Etat. Ce diplômé de l’Enam de Yaoundé enfin va-t-il devenir le martyr de la République ?
Quelques semaines après que sa tête ait été mise à prix, tel que nous l’avons déroulé dans l’une de nos éditions, par quelques hauts gradés de l’armée et de la police à cause de sa guerre contre le pillage des ressources fauniques, le sous-préfet de l’arrondissement de Moloundou, ville frontalière avec la République du Congo, située à près de 1000 km de Yaoundé, est à nouveau, sous les projecteurs de l’actualité. « Cette correspondance est un cri de douleur, un appel au secours à vous adressé parce que nous ne voulons pas que nous notre beau pays qui est pourtant très riche soit abandonné entre les mains des criminels qui veulent le voir sombrer. Ce pays est le nôtre, il nous appartient tous et nous ne laisserons pas qu’il soit détruit par qui que ce soit même s’il faille que nous y laissions notre vie ». Ainsi se dresse, en désespoir de cause, la conclusion de l’ultime cri de cœur, la lettre confidentielle N°03/L/B12.01/SP du 15 juin 2015, de l’administrateur civil principal, Avom Dang, adressée au ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation et à la présidence de la République.
Pour le chef de terre, visiblement à bout de force et abandonné dans cette mission régalienne, à l’endroit de Paul Biya, « Les seuls péchés que j’ai commis et qui me sont reprochés sont au nombre de trois : avoir interdit tous les trafics à Moloundou, avoir saisi les armes de guerre et leurs minutions et déférés les auteurs au tribunal militaire et avoir refusé de coopérer avec les brigands ».
Au cœur de cette escalade dans le pillage systématique et organisé des ressources fauniques notamment le massacre sans merci des éléphants du parc national de Lobéké (PNL), qui abrite aussi des espèces de grands singes (gorille et chimpanzé), qui sont, selon l’Union internationale de conservation de la nature (UICN), menacés de disparition totale, la séquestration arbitraire du commandant de la 132e compagnie d’infanterie motorisé (Cim) de Moloundou, le capitaine Jean Paul Atangana, malgré ses exploits reconnus de sa hiérarchie et l’adjoint au commandant de brigade de Moloundou, l’adjudant EyokEyok Collins à la prison militaire de Yaoundé, au Mindef depuis près d’un mois. Son chef, l’adjudant-chef Elah vient de recouvrer sa liberté alors qu’il était en déplacement lors des faits.
Butin du sang
En effet, selon des enquêtes menées auprès des principaux responsables locaux, le sous-préfet a conduit une mission à risque en date du 27 mai dernier en compagnie du capitane Jean Paul Atangana de la 132e CIM, du conservateur du PNL, de l’adjudant EyokEyok qui lui a permis de saisir 1000 munitions de guerre 01 kalachnikov AK N° 1449 et 04 (quatre) pointesd’ivoires au domicile d’un individu musulman qui a pris fuite par la porte arrière à l’arrivée de l’équipe.
Dans le procès-verbal N° 12/PV/B12.01/BAAJP (ci-joint en image) signé conjointement ce même jour par tous les intervenants qui sont toussous serment de la vérité, notamment le Commandant de la 132eCIM, le Conservateur du PNL , le commandant de brigade de gendarmerie et le sous-préfet, il est clairement mentionné qu’ils ont réussi « à récupérer 1000 munitions de guerre, une AK47 N° 1449 et 04 pointes d’ivoires dont deux de dimension moyennes et deux dernières très petites dans une masure, abandonnés par un individu en fuite. Tous cesbiens ont été remis ce même jour au commandant de la brigade de gendarmerie tandis que les ivoires ont été remis au conservateur du PNL ».
« Curieusement, après que tous ces matériels de guerre, les4 pointes d’ivoires et ce suspect soient transportés à la brigade de gendarmerie de Céans sous mesordres et un procès-verbal de saisie et de restitution y relatif signé par tous cesfonctionnaires assermentés que le lendemain du jour de l’opération, un certain Enow qui s’exprimait en mauvais français avec un accent anglophone se mit à exiger que « je lui envoie sa part d’ivoire et que si jamais je tentais de les lui refuser, que je m’attends à ce que toutes les foudres du monde s’abattent sur moi » », mentionne le brulot de l’administrateur civil principal en direction du chef de l’Etat. Le rapport confidentiel N° 03/R/B12.01/BADL du 27 mai du sous-préfetAvom Dang à l’intention du préfet de Yokadouma abonde largement dans le même sens.
C’est dire que les autorités sont trempés jusqu’aux os dans le pillage aveugle des richesses fauniques et forestières à l’Est. Le colonel Enow Joseph Eyong, commandant de la légion de gendarmerie de l'Est, visiblement à l’origine de cette cabale larvée contre les autorités administratives en guerre contre le pillage des ressources fauniques, joint au téléphone refuse se prononcer et se réfugie derrière l’obligation de réserve des militaires en insistant que «le petit sous-préfet de Moloundou n’est rien et n’a rien à voir avec les affaires de la gendarmerie ».
L’arme du crime
Curieusement, 04 jours après la signature du PV à problème, dans une note N°023/L/MINFOF/DRE/PNL adressée au préfet, le conservateur qui a signé ledit PV, se rebiffe, selon nos sources parce que «lésé », parle du démantèlement d’un réseau de trafiquants d’ivoires et d’armes et munitions de guerre avant de solliciter de la hiérarchie « une enquête minutieuse externe pour clarifier lescirconstances d’évasion du suspect Awalou alias Nourou d’une part et de disparition de 49 pointe d’ivoires ».
Sauf qu’à ce jour la mission d’enquête envoyée sur le terrain n’a jamais livré son rapport selon les autorités administratives. Les responsables de la Sécurité militaire qui faisaient partie de la mission et dont nous avons pu joindre au téléphone parlent d’une « affaire complexe et bizarre ».Ce qui expliquerait la non publication du rapport d’enquête. Une Ong locale « Fusion Nature Est Cameroun » spécialisée dans la conservation de la biodiversité sera mise à contribution dans cette manœuvre ainsi que le chef de bureau de liaison de la DGRE, le commissaire Tedondjo Louis, ennemi juré du sous-préfet, seront mis à contribution par le conservateur.L’unique suspect interpellé, un certain Awalou alias Nourou a été libéré officiellement parce qu’il n’a rien à voir avec les munitions et pointes saisies.
Nos enquêtes n’ont pas permis de le repérer dans la nature. « Le chef de poste de surveillance du territoire et aussi le chef de poste du renseignement de Moloundou ainsi que des responsables du bureau des droits de l’homme font état d’une cinquantaine de pointes d’ivoires de l’interpellation du suspect, un certain Nourou qui a passé nuit du 26 au 27 mai 2015 à la brigade avant d’être extirpé le 27 mai aux environs de 17h sur ordre du Sous-préfetaprès le retour des écogardes », explique le conservateur, sans fournir les preuves. Des propos fortement contestés par les responsables locaux de la sécurité.
Dans un cinglant démenti, N° 030/R/DRSN-E/PS/54 adressé au préfet, le commissaire spécial de Moloundou, Alega Dieudonné, insiste que « c’est lui-même (Ndlr, le conservateur) qui nous avait informé par rapport aux objets saisis». Joint au téléphone, il parle d’une rancune tenace entre le sous-préfet, le conservateur et le chef du bureau de liaison de la DGRE et s’étonne de la remise en cause d’un rapport signé par 04 hauts fonctionnaires assermentés. Reste qu’il affirme qu’ils sont fatigués dans cette lutte ingrate contre des ennemis hauts placés car il affirme, la main sur le cœur, que la quinzaine de personnes interpellées avec des armes et munitions et déférées au tribunal militaire ces derniers mois sont toutes revenues à Moloundou continuer leur sale besogne après leur libération honteuse par la justice militaire.
Le chef d’antenne opérationnelle de la surveillance du territoire de Moloundou, l’OPP MikokA. dans sa correspondance N°013/DST/SOBRT/S35 du 16 juin dernier adressée au préfet affirme que «cette dénonciation calomnieuse du conservateur est une machination en vue de la crédibilisation de son rapport auprès de la hiérarchie ». Pour lui, « le conservateur avec la complicité du chef de la DGRE trempé jusqu’aux os dans le trafic des armes et des ivoires a fait un montage grossier ». Des propos que nuance le Commissaire Mahamadou Sani de la sécurité publique de Moloundou qui déplore le fait que la police n’est plus associée à ce genre d’opérations.
Règlement de compte
Moinsde deux mois seulement après son arrivée, le capitaine Atangana que le sous-préfet ne manque pas de qualificatif pour saluer ses prouesses avec la saisie de plus de 1000 munitions de guerre et des armes est ainsi victime d’un combat de géant. Selon ses dépositions à l’enquête préliminaire au Tribunal militaire de Yaoundé, le désormais pensionnaire de la prison militaire au Ministère de la défense affirme que cette lourde machine de pillage des ressources forestières qu’il a voulu démonter veut le broyer et qu’il n’a obéit qu’aux ordres de sa hiérarchie administrative qui est le sous-préfet. Encore qu’il lui est reproché tout comme à son compagnon de misère l’adjudant Eyok d’avoir signé le PV de restitution de 4 ivoires et 1000 munitions et d’avoir laissé échapper le suspect. D’ailleurs, sollicité au TMY, le sous- préfet a refusé de déférer à la convocation estimant qu’il n’a pas de compte à rendre aux militaires.
Alors que le commandant de légion de l’Est, selon nos sources n’a pas été inquiété malgré les déclarations fracassantes de l’administrateur civil contre lui. Reste que joint au téléphone le commandant du 13e Bataillon d’infanterie motorisé (BIM) de Yokadouma, le colonel Bebouraka,affirme n’avoir rien compris de cet acharnement contre son collaborateur de la 132e CIM.
Pourtant, ce qui est incompréhensible dans cette affaire, le conservateur n’a jamais été convoqué par le commissaire du gouvernement près le TM de Yaoundé pour plus d’informationssur son rapport de démantèlement du réseau. Toutefois, le sous-préfet affirme avoir ordonné l’interpellation d’un certain Awalou alias Nourou qui rodait sur les lieux ainsi que son élargissement conformément à l’article 2 de la loi N°90-54 du 19 décembre 1990 relative au maintien de l’ordre qui stipule que « les autorités administratives peuvent en tout et selon le cas prendre des mesures de garde à vue d’une durée de 15 jours renouvelables dans le cadre de la lutte contre le grand banditisme ». Son exploitation dans les locaux de la gendarmerie de Moloundou n’aurait rien produit selon l’adjoint au Commandant en détention provisoire à la prison militaire en attendant son passage devant le juge d’instruction militaire qui les a inculpés. Tragédie
En attendant le dénouement, le massacre des éléphants de poursuit car selon les autorités, 1kg des excréments d’un éléphanteau coute plus de 10 millions Fcfa au Nigéria car ils sont très prisés dans les pratiques magiques en vue de la conquête du pouvoir de domination et de la richesse. C’est dire que la faune de l’Est Cameroun est vouée à la disparition. Surtout que depuis l’arrivée du sous-préfet Avom Dang le 08 mai 2013, il a déjà saisi des dizaines de Kalachnikovs et des milliers de munitions de guerre.
Un réseau bien alimenté par les autorités administratives et militaires. Pourtant, selon Denis Koulagna, secrétaire général du ministère des Forêts et de la faune, le Cameroun rêve faire du Parc national de Lobéké, un îlot touristique ainsi qu’un pôle de développement ». Une ambition en voie d’être brisée par la tragédie silencieuse dans ce parc qui fait partie de l’espace transfrontalier du Tri-national de la Sangha situé entre le Cameroun, la République Centrafricaine et la République du Congo.