Opinions of Wednesday, 13 April 2016

Auteur: Mbella Mouyeme Yves

Hôpital Laquintinie: Que peut le Pr Louis Richard Njock ?

Le Directeur général de l’hôpital Laquintinie de Douala, Dr Jean II Dissongo a été limogé le 12 avril 2016 par le Premier Ministre Philémon Yang mettant ainsi un terme à quatre années d’une mauvaise gestion de l’un des plus importants centres hospitaliers de la capitale économique.

Au moment où le Dr Dissongo plie ses bagages, la plupart des usagers et ses collaborateurs garderont de lui le souvenir d’un homme arrogant et méprisant qui était absent quand on avait le plus besoin de lui. Il disait à qui voulait l’entendre qu’il ne doit des comptes qu’au Ministre de la santé publique(Minsanté).

La meilleure illustration de cette loyauté – et l’unique fois qu’il fût contraint a été le rapport mal ficelé sur les circonstances de l’arrivée et de l’éventration de Monique Koumateke vécue en direct en mondovision.

Ce jour-là, alors que la scène macabre se déroule devant la maternité de l’hôpital Laquintinie, certaines autorités administratives et hommes politiques mis au parfum saisissent immédiatement le Ministre de la santé publique.

Les images font le tour des réseaux sociaux. L’indignation et l’émotion meublent les commentaires dans les chaumières. Certains collègues du gouvernement et proches collaborateurs suggèrent au Minsanté d’organiser rapidement un point de presse pour calmer la colère ambiante qui monte. Pour cela, le Minsanté qui a besoin d’éléments sur ce qui s’est passé se tourne logiquement vers le Directeur général de l’hôpital Laquintinie.

Pris de panique, Dr Dissongo organise une collecte rapide d’informations sur la situation au sein de l’hôpital. Les propos de tous ceux qui disent avoir vu et entendu, -médecins, infirmiers, usagers, vigiles, etc, peu importe la cohérence, sont recueillis pour servir à la rédaction d’un rapport envoyé aussitôt au Minsanté.

Quelques heures plus tard, le Ministre assis devant une poignée de journalistes lit sereinement un rapport qui comporte des détails incorrects (noms, âge, etc) et ne se rend compte des erreurs que plus tard. Le début de la fin du règne du Directeur général de l’hôpital Laquintinie commence.

L’affaire Koumateke était la goutte d’eau de trop qui renversa le vase. Mais, le passage de Dr Dissongo a été marqué notamment par des scandales de sang contaminé au VIH/sida, le détournement des fonds versés pour les patients assurés, les frais non comptabilisés exigés aux usagers à la morgue, le trafic des organes humains, la surfacturation des certificats médicaux, etc.

Aujourd’hui, l’hôpital Laquintinie n’a pas son pareil sur l’étendue du territoire national en matière de tarification floue avec son système inique de codes, maintenu par le Ministre de la santé et les Directeurs généraux successifs malgré les cris à l’arnaque et à la corruption des patients et leurs familles. Un hôpital qui, en dépit de ses six cent personnels environ, est toujours en situation de sous-effectif parce que la plupart des médecins sont permanemment en clientèle privée.

Par le passé, le système de codes a fait perdre des sommes d’argent importantes à l’hôpital, de l’avis d’un ancien Directeur général. C’est pourquoi, l’actuel Président du Conseil d’Administration(Pca) de cet hôpital, père fondateur du système de codes, a été appelé à la rescousse.

Mais, l’énormité des dégâts actuels du système de codes démontre que Dr Dissongo et le Pca ne regardaient pas dans la même direction. Le Bilan du Directeur général sortant de l’hôpital Laquintinie se résume au silence, au laxisme, à la passivité, à l’absence de dialogue, à la peur du risque, bref à l’incompétence.

Au moment où le Pr Louis Richard Njock, jusque-là Directeur général de l’hôpital régional d’Edéa, prend les commandes de l’hôpital Laquintinie, les patients et leurs proches attendent de lui - en plus de corriger les manquements de son prédécesseur - quelques mesures urgentes du point de vue des patients: changer le système de paiement actuel (codes), rebaptiser l’hôpital Laquintinie, installer des panneaux de signalisation lumineux indiquant services, spécialités et coûts de prestations, lutter contre l’absentéisme des médecins et le détournement des patients, faire connaitre les actions de l’institution (un site internet professionnel, accès aux medias sociaux, un programme radio ou Tv interactif), ouvrir le dialogue avec les représentants des patients, etc.

Le nouveau Directeur devrait faire ce qui relève de son pouvoir. Toutefois, l’Action pour l’Humanisation des Hôpitaux (ACTHU) pense que la nomination du Pr Njock comme les récentes directives du Minsanté qui s’assimilent à du sparadrap appliqué sur une plaie puante auront peu d’effets sur l’humanisation des soins.

Car, aussi longtemps que les pouvoirs publics refuseront d’attaquer la racine du mal dans le système de santé pour se focaliser sur les symptômes ; aussi longtemps que la réforme hospitalière ne sera pas mise en œuvre, il y aura des situations pires et plus émouvantes que celles des Vanessa Tchatchou, Monique Koumateke et consorts.

La santé est un droit fondamental non négociable !

Fait à Douala, le 12 Avril 2016
Mbella Mouyeme Yves