Opinions of Monday, 11 October 2021

Auteur: Prof Wassouni François

Halte à la cabale de mauvais goût contre Achille Mbembe - Prof Wassouni François

Achille Mbembe Achille Mbembe

Dans une tribune publiée ce lundi 11 octobre 2021, le prof Wassouni François s'exclame à propos des critiques acerbes qu'essuie le prof Achille Mbembe qui a accepté d'être au cœur la rencontre entre Emmanuel Macron et des jeunes africains. Dans sa tribune l'universitaire camerounais demande à ses compatriotes et aux Africains de plutôt féliciter son compatriote pour le travail qu'il a abattu.
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"On dirait qu'au Cameroun le milieu universitaire et intellectuel ne sait que servir de plus en plus du savoir de mauvais goût, de la distraction, de l'idéologie plutôt que de l'éclairage selon justement les canaux scientifiques. La curieuse cabale de certains universitaires Camerounais contre Achille Mbembe, des postures « villageoises » d'une impertinence honteuse. On ne se lassera finalement plus des « camerouniaiseries » tant elles sont curieuses, nombreuses, dégoûtantes, épuisantes et inutiles à la milite. Lorsque celles-ci franchissent la barrière du monde vulgaire pour être alimentées par des soi-disant universitaires et intellectuels, il y a de quoi se poser des questions et surtout s'inquiéter.


A les entendre bavarder comme ils ont pris l’habitude ces derniers temps, on dirait que l'on est dans une forme d'innovation de la bêtise, dans un pays où on a vraiment besoin des débats constructifs et instructifs pour sauver les consciences de la dérive et du désespoir dans laquelle elles sont plongées. Alors qu'on attendait ces pollueurs des réseaux sociaux et des plateaux de télévision alimenter des débats sur la terrible et horrible actualité récente des renouvellements des organes de base du RDPC dont ils sont d'inconditionnels défenseurs, c'est plutôt un silence de mort qui les a caractérisés. Et pourtant, il y avait tant à discourir et à débattre à propos, car ces moments ont donné lieu à un épisode d'une extrême violence à l'intérieur même d'un parti politique qui avait eu l'habitude de jeter l'opprobre et criminaliser les autres. De quoi faire remuer les méninges et être à la une des débats sur nombre de tribunes, mais ce ne fut pas le cas.

Je me suis bien demandé ce qui est finalement important pour ces gros analystes politiques ou politistes, ces spécialistes de la critique orientée vers le non-sens et qui sont curieusement absents quand il y a des choses dignes d'explication et d'éclairage. Leur étonnant silence me conforte encore dans la qualification que j'avais faite d'eux récemment de faux intellectuels et d'imposteurs, plutôt prêts à verser dans des choses qui les dépassent. Et justement prêts à sauter du coq à l'âne, c'est vers le Sommet Afrique qui se tient en ce moment à Montpellier qu'ils se sont tournés, non pas pour saluer le format nouveau proposé dans la marche du continent, mais pour cribler des critiques une illustre personnalité ayant eu le privilège d'être sollicitée pour proposer quelque chose de nouveau dans la redéfinition des rapports franco-africains en la personne d'Achille Mbembe.

Pour ceux qui ne le savent pas, Achille Mbembe, intellectuel africain parmi les plus illustres, les plus consultés et les plus prolixes dans le monde actuellement, est un Camerounais. Historien, philosophe, bref savant tout simplement, ses écrits ont acquis une audience si grande que certains milieux le rangent parmi les « trophées intellectuels » africains des XXe et XXIe siècles. Lui et les Sénégalais Souleymane Bachir Diagne et Mamadou Diouf ont acquis une renommée sans pareil dans les universités américaines à l’instar de Culumbia. Une telle audience internationale aurait en réalité été une fierté pour son pays le Cameroun en général et pour le monde universitaire de ce pays en particulier, mais c’est tout à fait le contraire.

Ce n'est donc pas un hasard que le Président Macron ait porté son choix sur Mbembe, lequel choix a reçu les critiques inimaginables en provenance du Cameroun. On a lu et entendu des universitaires en mal de popularité et de reconnaissance faire des sorties fâcheuses à propos. Il me souvient encore que des noms comme Nkolo Foé, Eric Mathias Owona Nguini et d'autres qui ne brillent que par leur anonymat scientifique, sont sortis « profaner » le « sacré Achille Mbembe ». Ils agissent un peu comme un prêtre d'un coin perdu du Cameroun qui s'activait et s'agitait pour toiser le Pape à Rome et se permettre de lui donner des leçons. Nouredine Meftah n’écrivait-il pas que « les pseudo-intellectuels, même s’ils n’ont pas de gros bras sont souvent la grosse tête ».

Sous d'autres cieux, on se serait attendu à une réaction contraire, car quoi qu'il en soit, le choix porté sur Achille Mbembe est un clin d'œil, j’allais dire un honneur pour l'intelligentsia camerounaise. On se serait même attendu que des lettres de félicitations lui fussent adressées par le Président Biya et le Ministre de l'Enseignement Supérieur Jacques Fame Ndongo. Curieusement, ce sont plutôt des réactions impertinentes, étonnantes et don dirait teintées de jalousies et de haines contre celui-là qui ne travaille pas pour des préoccupations de ventre et de bas-ventre comme ceux-là qui l’ont criblé de toutes les affabulations et encore moins pour un quelconque positionnement. Le plus curieux dans tout ça, ce que c’est dans les milieux intellectuels que cette cabale a pris corps. Quelle race d'universitaires et d'intellectuels dans ce pays, mon Dieu !

Hier encore, le Cameroun était une référence en matière de production intellectuelle et d'esprit critique au service du développement, avec des illustres noms comme Marcien Towa, Fabien Eboussi Boulaga, Engelbert Mveng, Jean-Marc Ela, Mongo Beti etc. On est passé d'une race d’universitaires dignes à une autre catégorie au sein de laquelle se retrouvent en grand nombre des pollueurs de l’espace public, des imposteurs et des spécialistes des constructions intellectuelles teintées d'idéologie et d'opportunisme dangereux et honteux. Ils feraient mieux d'arborer les habits du parti au pouvoir et de leurs clans plutôt que de se cacher honteusement sous l'ombre de la science et de l'université pour déconstruire avec idiotie et impertinence la vérité au profit du mensonge. Des vrais faux scientifiques chauvins et j'ai l'habitude de dire que « le savant chauvin rend un mauvais service à la science tout comme le fanatique dessert la religion ».

Qu'on le veuille ou pas, Achille Mbembe reste et restera ce qu'il est et beaucoup n'auront jamais la chance d'atteindre le firmament où il trône fièrement. N'en déplaise à ces universitaires d'une virginité lamentable en terme de production scientifique de qualité et pour la plupart experts des publications des couloirs. Et s'il leur avait été demandé de préparer un tout petit événement ici au Cameroun ou dans leurs universités périphériques, on aurait assisté à une effervescence particulière de leur part pour dire qu’ils sont importants.

Très honnêtement, qui à la place d'Achille Mbembe aurait refusé cet honneur et cette main tendue de la France, peu importe l’intention sincère ou le contraire de cette puissance colonisatrice avec laquelle une longue histoire la lie à l’Afrique ? N’aurait-il pas été plus intelligent qu’on célébrât à sa juste valeur cet autre Camerounais à qui on a confié une telle responsabilité historique ? Quand est-ce que nous allons apprendre à reconnaître nos valeurs ? Allez au Sénégal voir comment des tapis rouges sont déroulés à leurs deux fils évoqués plus haut pour comprendre que le Cameroun est un pays où on ne célèbre que la médiocrité et l’inutile, on détruit les véritables valeurs. Autant on investit dans les folklores politiques, les nominations et les trophées de football et autres sports, autant on devrait investir dans la célébration de nos figures intellectuelles de renom et nombre de lauriers décrochés par les scientifiques camerounais.

N’oublions pas que ce qui gouverne ce monde, c’est le savoir comme le dit si bien le philosophe Francis Bacon, « le vrai pouvoir, c’est la connaissance ». On dirait que nous ne l’avons pas encore compris au Cameroun et c’est ainsi que nos célébrités sont plutôt mieux respectés ailleurs : Jacques Bonjawo, Ernest Simo, Jean-Marc Ela, Célestin Monga, Eric Chinje, David Mola, Alain Foka, Mbembe lui-même et de nombreux autres. Ceux-là qui jettent les pierres sur Achille Mbembe ne sont malheureusement pas déjà assez consultés au Cameroun malgré le jeu de perroquets auquel ils se livrent à longueur des journées sur les plateaux de télévision et sur les réseaux sociaux. On dirait des intellectuels qui jouent avec les allumettes selon la formule du poète français Jacques Prévert. A César ce qui est à César chers collègues et cessons de faire de la science de l'impertinence, du tribalisme et de l'incohérence, au risque d'être ridicules.

Pour ceux qui ont suivi les débats de ce sommet de Montpellier fortement retransmis sur les médias, le format proposé est loin d'être mauvais. J'ai particulièrement salué et admiré la présence de cette jeunesse, de ces intellectuels, de la société civile et bien d'autres, qui pour la première fois ont tenu un autre discours à la France. Il faut être vraiment de mauvaise foi pour ne pas apprécier à sa juste valeur les quelques échanges entre Macron et les jeunes Africains. Et derrière ce format nouveau de ce sommet Afrique-France, se cachent des idées, les propositions de Mbembe sans doute. Il revient à la France de faire usage ou non des propositions de la mission qui avait été confiée à Grand Camerounais qui aura eu le mérite de dire ce qu'il estime important à la France.

Nous sommes dans un monde qui change à une vitesse extraordinaire et je ne pense pas que la France ne devrait pas changer ses relations avec l'Afrique, si elle veut encore continuer à coopérer avec elle. L'extraordinaire percée des pays comme la Chine, la Turquie et autres en Afrique ne saurait laisser indifférente la France et je pense que c'est à dessein qu'elle a non seulement initié la mission Mbembe, lui qui est l'un des grands critiques, mais aussi et surtout revu le format de ces sommets autrefois considéré comme de simples rencontres entre les Présidents français qui se sont succédé et les Présidents africains.

Félicitations encore à Achille Mbembe pour ce pari réussi !

Je voudrais terminer mon propos en invitant les universitaires camerounais à beaucoup plus de sérieux et surtout d'objectivité dans leur métier d’intellectuel et surtout leurs façons de réagir et d’analyser certaines grandes questions du monde et de notre société. Il est important de dépassionner les débats et de sortir des postures ridicules, partisanes, impertinentes et opportunistes pour rester de véritables éclaireurs de la société et non plutôt ceux-là qui s’activent à distraire et à égarer les publics pour des intérêts inavoués. Une posture qui rime à contre-courant de leur vocation. « Les intellectuels émettent des idées constructives, selon leur propre vision du monde, par un discours de vérité pour faire avancer la société » et non le contraire. A bon entendeur salut !"