Opinions of Wednesday, 30 September 2015

Auteur: Dieudonné Mveng

Hausse des salaires des maires, je m’en méfie

J’ai été l’un des rares Camerounais à n’avoir pas applaudi, du moins à tout rompre, l’acte présidentiel du 16 septembre fixant les modalités de rémunération des délégués du gouvernement et leurs adjoints, des maires et leurs adjoints.

En rappel, le décret accorde aux personnalités suscitées un traitement comprenant un salaire de base, une indemnité de fonction et une indemnité de représentation. De quoi créer des polémiques. Surtout quand on sait combien gagne les enseignants- ces hommes et femmes- à qui nous avons abandonné l’éducation de nos enfants, à ces infirmiers et médecins qui nous administrent des soins au quotidien…

Salaires et indemnités cumulées, le maire et ses adjoints pourraient toucher un demi-million par mois. Tandis que le délégué du gouvernement et ses adjoints ne seront pas loin du million. Voire plus. Notre confrère Le Jour se demandait la semaine dernière «comment les maires vivaient-ils avant», eux qui officiellement, n’avaient pas un salaire digne de ce nom.

Cette question me semble essentielle eu égard au fait que les maires, les délégués du gouvernement, pour la plupart, ne vivent pas dans la misère. Mais, cette question mérite davantage d’être posée quand on observe les batailles rangées que charrie le poste de maire. Ne parlons pas des délégués du gouvernement, nommés par décret présidentiel, qui sont des supers maires. Ce sont des ministres bis de part leur train de vie.

Depuis 2002, date à laquelle le cumul de postes électifs a pris fin, le bas peuple a observé qu’il vaut mieux être maire avec de petits avantages financiers que d’être député avec un bon salaire et le prestige qui entoure la posture de parlementaire. Mme Françoise Foning, de regrettée mémoire, alors maire et députée, s’est débarrassée de la deuxième casquette lorsque vint l’heure d’opérer un choix.

Émile Andze Andze préféra lui aussi la mairie de Yaoundé 1er à un siège de député. De tels exemples sont nombreux. L’on peut soupçonner que les maires, à travers les multiples projets et sommes qu’ils gèrent, se payaient, eux-mêmes, sur la bête, et de la plus belle des manières. Avaient-ils donc besoin que Paul Biya officialise leur traitement? Je dis non. Et j’entrevois de facto mille attrape-nigauds.

Le Cameroun est dirigé par un président sage, intelligent. Mais froid. Je me méfie généralement des hommes comme Paul Biya. Car, rarement leurs actes sont dénués d’arrière-pensées. Soit le président de la République va désormais suivre de très près la gestion des délégués du gouvernement, des maires, auquel cas je les considère désormais comme de futurs clients de l’opération épervier. Soit Paul Biya s’apprête à frapper un grand coup et escompte le soutien de la majorité des Camerounais, avec en tête, les élus locaux.

Déjà, ceux qui lisent dans la boule de cristal parlent d’un tsunami gouvernemental à venir, ou des arrestations en cascade, ou bien de la révision de la Constitution avec, au bout du compte, une reconfiguration de la carte politique nationale. Autrement dit, Paul Biya serait dans une sorte de campagne électorale anticipée. Des rumeurs font même état d’une augmentation du nombre de députés dès 2018. Info ou intox, toujours est-il que depuis qu’il est revenu d’Allemagne, Paul Biya semble avoir la détermination à faire bouger les lignes…

Il serait donc paradoxal que les maires qui aujourd’hui multiplient des marches de soutien et des motions de remerciement à l’endroit de Paul Biya, fassent demain la grimace quand le même Paul Biya les fera auditionner ou leur demandera un retour d’ascenseur.

J’aurais été maire que je n’aurais salué que du bout des lèvres ce décret à double tranchant, à défaut d’observer un silence grand comme le Wouri. Faut-il rappeler que le projet de salaire des maires et de révision de leurs avantages est vieux de plusieurs années ?Pourquoi l’avoir fait aboutir seulement maintenant, et de surcroît dans un contexte où les rumeurs sur la sècheresse des caisses publiques se font insistantes ? Moi, en ce qui me concerne, je reste prudent.