La quasi totalité des observateurs et des analystes camerounais prêtent à Hollande, sur la base de ses déclarations de Yaoundé, les faits d'avoir, dans un premier temps, reconnu la responsabilité de la France dans les massacres perpétrés au Cameroun dans la période de la lutte d'indépendance (1) puis d’avoir pris l'engagement d'ouvrir les archives relatives à cette période (2). Est-ce vraiment ce qu’il a dit dans la langue de Molière ?
Cette compréhension que les Camerounais ont eu de ce discours est affligeante de par la naïveté qu'elle trahit. Elle annonce la stagnation des Africains francophones dans leur façon de se positionner sur les enjeux de leur émancipation, et dans leurs relations avec l'extérieur. Là où Hollande a fait du sur place, les autres ont vu une avancée. Là où il a baratiné, ils ont entendu un évangile.
1. HOLLANDE N'A JAMAIS RECONNU LA RESPONSABILITÉ DE LA FRANCE DANS LES MASSACRES VISÉS
Note que la position de la France sur cette question est vieille et connue: l'armée coloniale a mené au Cameroun des actions de répression en réponse aux actes de terrorisme perpétrés par les rebelles communistes de l'UPC. Donc la France a toujours assumé sa responsabilité dans la répression qu'elle a toujours justifiée de la façon que je viens d'indiquer.
Mais dans le même temps, les responsables civils et militaires français ont toujours nié que cette répression se soit accompagnée de massacres. La première erreur des Camerounais est donc de confondre "répression" et "massacres", comme si en parlant de la première, on parlait nécessairement de la deuxième, ce qui est rigoureusement faux. Donc en parlant de la répression, Hollande n'a pas parlé des massacres.
Ensuite, Hollande parle de la répression d'après les indépendances. Rien, pas un mot, sur la répression d'avant 1960. Ainsi, son intention est claire de protéger la France en limitant le sujet à l'après-indépendance, période dans laquelle seule la responsabilité du jeune Etat camerounais peut être questionnée, les soldats français éventuellement impliqués étant couverts par les accords "librement" conclus qui autorisaient leur présence.
J'ai beau lire et relire ses propos lors de sa conférence de presse, je ne vois pas où Hollande reconnaît une quelconque responsabilité de qui que ce soit, et surtout celle de la France. Mais manifestement, il suffit à beaucoup de lire "il y a eu" pour comprendre "nous avons fait", et par extension compulsive, "mon pays la France est responsable".
Dans son discours, Hollande a dégagé la responsabilité de la France. C'est exactement le contraire de ce que les Camerounais ont compris au point de jubiler comme ils le font.
2. HOLLANDE NE S'EST PAS ENGAGÉ À OUVRIR LES ARCHIVES. Convenons, pour commencer, que les archives dont il s'agit ne concernent que la période qui s'ouvre après 1960, puisque c'est en elle seule que Hollande a vu tourmente et tragédie. Il n'y a donc rien à voir jusqu'au 31 décembre 1959. Mais François Hollande se limite à dire "nous sommes ouverts". Être ouvert n'a jamais constitué un engagement. S'avouer ouvert ne rend même pas compte des prédispositions dans lesquelles se trouve le locuteur.
Deux personnes peuvent être ouvertes à l'idée qu'un sujet soit traité, mais la première voulant qu'il le soit en profondeur pendant que la seconde souhaitant qu'il soit évacué. La première peut souhaiter que le sujet soit abordé sous 48h tandis que la deuxième pense que 2030 sera plus indiquée pour cela. Être ouvert ne veut donc rien dire de précis. "Nous sommes ouverts" ce n'est pas "nous allons".
C'est pourquoi la phrase de Hollande ne peut pas constituer un engagement. C'est un voeu pieux, et il n'engage que ceux qui y croient. Les Camerounais se contentent d'un leurre que François Hollande leur a servi pour se dégager de la question qui lui a été posée, et ils dansent frénétiquement autour. Pendant ce temps, ailleurs, des dirigeants reconnaissent de façon claire et univoque, la responsabilité de leur pays dans les massacres perpétrés en territoire et période coloniaux :lire ici