Opinions of Tuesday, 26 July 2016

Auteur: camer.be

Honte aux dirigeants de Camair-Co !

Un avion de la compagnie Camair-Co Un avion de la compagnie Camair-Co

Depuis la fin du mois de juin 2016, Camair-Co, compagnie aérienne Camairounaise à capitaux publics, est aux arrêts sur le tarmac de l'aéroport international Charles de Gaulle à Paris.

Cette situation est liée à l'esprit voyou qui est la marque de fabrique du système gouvernant actuel. En effet, la Camair-Co est sanctionnée pour n'avoir pas régularisé continuellement son droit du sol devant les autorités de l'aéroport civil international de Paris Charles de Gaulle. Une histoire de paperasse donc. Et, comme on peut bien s'en douter, encore et forcément, une histoire d'argent disponible mais dilapidé et n'ayant (naturellement) pas servi à rendre crédible et réglementaire la conformité de Camair-Co quant à ses obligations minimales.

Résultat de course :

• suspension directe de toute flotte au départ de Paris ou de Yaoundé pour Paris,
• annulations en cascade de tous les vols programmés,
• colère des passagers,
• humiliation (comme à l'accoutumée) de Camair-Co,
• perte de crédit de la compagnie devant la face du monde. La liste est longue.

Etrangement inopérant et ingénu, le personnel de l'agence régionale de Camair-Co située à la rue de Longchamp à Paris semble être débordé par le courroux justifié des passagers qui, effectivement, ont été floués. Aucune information routinière ne leur a été fournie quant à l'annulation de leur vol. Pour la plupart, c'est à l'aéroport qu'ils apprennent qu'ils ne voyageront pas.

Question : était-il si difficile, depuis maintenant plus de trois semaines que cela dure, d'anticiper sur les événements en repositionnant à temps, et de manière négociée comme cela est d'usage, les passagers dans les vols des compagnies sœurs ?

Si rien n'a été fait dans ce sens, c'est parce que l'esprit de beaucoup de Camairounais est dominé par l'amateurisme. Ce dernier est gouverné lui-même par ce qu'il convient d'appeler la « gouvernance de la médiocrité ». En réalité, celle-ci est liée à l'habitude du moindre effort de raisonnement devant les contingences sous l'évidente outrecuidance sénile que tout finira par se résoudre tout seul. Comment comprendre, à cet effet, qu'un chef d'agence régionale puisse émailler son discours d'insolites proférations incessantes du genre : « mon Dieu, aide-nous », ou encore « tout ira mieux, au nom de Jésus » ? Qu'ont à voir Dieu et Jésus dans une affaire où il suffit simplement d'appliquer les règlements de droit en matière de crise liée à une annulation de vol ?

Cette gouvernance de la médiocrité a fini par trouver que la solution la plus « intelligente » est de procéder au remboursement des frais de voyage engagés par les passagers au moment où ils acquéraient leurs titres de transport. Cette gouvernance de la médiocrité a-t-elle pensé au caractère saugrenu de cette mesure inopportune, parce qu'inefficace, qui abandonne le passager dans sa misérable condition de devoir trouver tout seul un nouveau plan de voyage en pleine « haute saison » où les tarifs ne sont plus préférentiels et où le cachet à débourser donne le tournis ?

Le remboursement systématique, encore que cette mesure est arrivée tard, n'est qu'une solution de minable. Il ne règle pas la question de fond qui est de conserver sa clientèle dans un univers où la concurrence fait rage et où toute approximation dans les faits d'une entreprise donnée ne lui accorde aucune chance de se ressaisir le lendemain. La notion d'image est ici sabordée.

Dans un monde globalisé où tout le monde connaît tout le monde, dans un contexte de mondialisation et d'échange donc, c'est en travaillant sur la qualité de son image qu'un pan de sérieux personnel se construit. L'image des passagers se déshabillant devant l'agence Camair-Co, ou proférant des discours de malédiction de cette compagnie ne pouvait que ternir le slogan, pourtant ambitieux de cette entreprise d'Etat supposée être une fierté nationale : « Camair-Co : l'étoile du Camairoun ». Cette « étoile » perd de sa superbe lorsqu'elle fruste, avec tant de zèle curieux, ses compatriotes et les clients d'autres nationalités. Cette étoile cesse de rayonner lorsqu'elle parvient à éteindre en tout Camairounais patriote l'envie de voyager via Camair-Co.

En ce moment, le perdant n'est certainement pas cet insoucieux bureaucrate gaillardement assis quelque part à Yaoundé ou à Paris et qui se gave d'incompétence et d'agapes. Le grand perdant, c'est à coup sûr l'Etat du Camairoun qui, en plein XXIe siècle, est incapable de disposer d'une compagnie aérienne fiable et dotée d'une force de proposition de service au monde où « le donner et le recevoir » font vivre ou végéter tous ceux qui s'inscrivent uniquement dans l'une ou l'autre logique.

L'image offerte par Camair-Co est celle de la honte et de la mentalité infantile de ses stériles dirigeants. D'ailleurs, comment pourrait-il en être autrement dans un système sclérosé et mercantiliste à excès où l'arrivisme est la norme ? Le mal Camairounais est très profond et les trois décennies qui l'ont généré ont encore de beaux jours jusqu'en 2018. Du moins, en attendant la « réélection » présidentielle attendue à cette date, si les mouvements politiques opportunistes actuels ne l'anticipent pas.

Dans un pays où il n'y a finalement pas de compagnie aérienne, où il n'y a pas de société de transport en commun viable, où il n'y a pas de sécurité sociale visible, où un fonctionnaire-cadre a pour ration alimentaire pendant la pause de midi un pain mal enfariné « chargé avec le haricot » (comme on dit au Camairoun), où les médecins, faute d'équipements adéquats, utilisent les couverts de table pour faire la chirurgie dans certains coins reculés du pays, où les enseignants et les élèves ont tous faim et font l'amour sans que cela n'émeuve personne, où en bref tout est possible dans un régime de l'irrationnel, eh bien, il ne faut rien attendre de la culture de l'excellence pour qu'elle soit appliquée.

Tout cela est insupportable. Mais, il ne faut pas se décourager de le relever. Il faut continuer d'espérer que tout change ; car cela changera. Parce que rien n'est éternellement négatif, parce que l'état d'esprit actuellement pouilleux de certains dirigeants n'est pas une fatalité en soi, il faut rester critique et instruire par-là l'avènement d'un nouveau type de mentalité et d'intelligence au Camairoun.