Comme un minerai que l’on teste par le feu pour en juger de la teneur, les crises constituent, hélas bien souvent, le levain des nations. Autant qu’elles hissent au prestigieux rang de héros des hommes et des femmes singuliers.
Le fonctionnaire de police Elie Ladie est de ces hommes et de ces héros-là. La nation camerounaise l’a célébré hier à Maroua. Avec honneurs, par arrêté présidentiel, l’ancien inspecteur principal a été élevé, à titre posthume, au titre d’officier de police de premier grade, cinquième échelon.
Son mérite, on s’en souviendra longtemps, est d’avoir empêché un carnage le 20 septembre à Galdi, près de Mora, en stoppant, au péril de sa vie, une jeune fille sanglée d’explosifs que ses bourreaux de commanditaires dirigeaient vers le marché de la ville.
Cette décision du chef de l’Etat, autant elle couronne la bravoure et le sacrifice d’un homme, exprime la reconnaissance et l’admiration de la nation camerounaise à l’endroit de sa famille et de tous ceux qui défendent la sécurité et l’intégrité du territoire national. Contre des ennemis sans visage et sans ambition claire. Contre des hordes barbares, vraisemblablement mues par leur seule soif de sang.
En plus d’être inscrite sur le granit des cœurs, la mémoire des hommes comme Elie Ladie mériterait d’être portée par des œuvres pérennes baptisées de leur nom : un lycée, une rue, une place, un édifice… Comme un autre soldat tombé sur le champ d’honneur, Yeyap Moussa, dont le nom a été attribué à la célèbre école de Gendarmerie de Yaoundé, située en plein cœur de la capitale.
Et comme beaucoup d’autres dont une promotion d’écoles de formation, dans un corps ou un autre des forces de défense, porte le nom. Il y a lieu de rappeler que les distinctions pour les hommes et femmes veillant sur la sécurité et l’intégrité du territoire national n’arrivent pas qu’à titre posthume.
Pour les cas singuliers des forces de défense endiguant les bandes armées aux frontières du Cameroun avec le Nigeria et la Centrafrique, le chef de l’Etat a honoré à moult reprises et occasions, de plusieurs manières, des éléments méritants. Par des médailles ou des promotions, notamment.
Au demeurant, les Camerounais n’auraient sans doute pas raison de se limiter à la contemplation et à la célébration de ces héros. C’est déjà beaucoup, certes, dans un pays qui ne boude pas son plaisir à détruire des valeurs. Mais bien au-delà d’une reconnaissance, nous avons pour impérieux devoir d’imiter ces héros-là.
Non pas nécessairement en versant son sang pour la patrie. Mais en manifestant du zèle, chacun où il se trouve, dans nos actes quotidiens, pour honorer et mériter de la patrie. D’autant que notre pays est au front de plusieurs guerres.
Lesquelles ne se limitent pas sur le terrain militaire. Nous sommes aussi en guerre contre le sous-développement, avec toutes ses tares que constituent l’analphabétisme, la maladie, le sous-emploi, la précarité… Nous sommes en guerre contre l’incivisme, l’égoïsme, le recul de la probité et de l’intérêt général… Autant de maux que nous devrions conjurer.
Sur tous ces fronts, le Cameroun a besoin de héros. Pour sortir de l’ornière. Pour arriver à l’émergence. Sans la Seconde guerre mondiale, l’Occident n’aurait sans doute pas connu les « trente glorieuses », ces trois décennies qui ont permis d’accomplir des progrès scientifiques, techniques, des révolutions sociales.
Des progrès qui ont fait reculer la mortalité et amélioré durablement la qualité de la vie, partout dans le monde. Après l’union sacrée de notre nation contre Boko Haram, pourquoi les nombreux défis qu’affronte notre pays ne nous rendraient-ils pas meilleurs et davantage soudés ?