Opinions of Monday, 9 January 2017

Auteur: Haman Mana

Impôts 2017: ce que vous payerez désormais

Cette année fiscale est un parcours à risques sur lequel il vaut mieux être éclairé Cette année fiscale est un parcours à risques sur lequel il vaut mieux être éclairé

Le tout premier choc de l’année qui commence en matière d’impôts, c’est la disparition physique d’un vieux compagnon : le titre de patente. Un bout de papier, qui pendant longtemps fut le symbole de la fiscalité. Affiché dans chaque commerce, il tenait lieu de certificat de bonne conduite chez tous les pratiquants d’une activité commerciale. Désormais, la patente, comme l’explique un cadre de la Direction Générale des Impôts (Dgi) « n’est plus un titre, il devient un impôt normal ». Derrière ce glissement sémantique, se trouve un chapelet de mesures lourdes de conséquences : désormais, le titre de patente est remplacé, partout où il était exigé (consulats, dossiers fiscaux, toutes démarches commerciales) par «l’Attestation de non-redevance ».

Ce qui veut dire en clair que, tout contribuable qui ne s’acquitte pas de toutes ses obligations fiscales y compris les pénalités, sera handicapé dans son activité et n’aura même plus la possibilité d’obtenir un visa pour l’étranger… Au-delà de ce véritable verrou placé à l’entrée et à la sortie, la Dgi prend des mesures dites «d’incitation» et qui sont, malgré tout, de « bonnes » nouvelles : pour faire des transactions immobilières, on payera désormais la moitié du taux en vigueur sur les droits d’enregistrement (5%, au lieu de 10% de la valeur de la transaction).

Désormais, la plus-value réalisée sur la transaction passe également de 10% à 5%. On incite également les patrons à recruter des jeunes : tous ceux qui embauchent pour des contrats à durée indéterminée, temporaire ou offrent même des stages pré-emploi, ne payeront pas de charges patronales sur ces salaires versés à des jeunes. Sur la même lancée, les institutions de santé et d’enseignement sont exonérées de taxe foncière, d’impôts sur le revenu, de Tva.

Incitation

Le chapitre des incitations s’allonge avec l’institution de « Zones économiquement sinistrées », où les entreprises qui réalisent des investissements nouveaux, seront exonérées de patente, de Tva, de droits d’enregistrement pendant une période de 10 ans. Pour le moment, la seule région acquise à ce régime c’est celle de l’Extrême-Nord, pour des raisons évidentes. Dans le domaine agro-pastoral également, il y aura des exonérations de Tva concernant : l’achat des pesticides, des engrais et matériels. Tout comme les terrains destinés à la production agricole ou animale seront dispensés de droits d’enregistrement et de taxe foncière. Les  prêts bancaires pour faire des champs ou un élevage, eux aussi seront exempts de tva.

Les matériaux locaux de construction (briques de terre, pierre de taille, carreaux) reçoivent un coup de pouce fiscal : les entreprises qui les produisent sont exonérées de Tva et leur impôt sur les sociétés est de 20%, le taux réel étant de 30%. Une mesure fiscale de promotion de l’innovation voit le jour : une structure qui investit dans l’innovation et la recherche dans son domaine, bénéficiera d’un crédit, allant jusqu’à 50 millions de Fcfa, déductible du montant des impôts.

Ça va faire mal

C’est dans la démarche de l’ « l’élargissement de l’assiette fiscale », que les nouvelles mesures fiscales feront mal. Commençons par ce qui est le moindre mal : la Taxe spéciale sur les produits pétroliers, véritable épouvantail, qui connaîtra une hausse, mais dont les répercussions n’arriveront pas à la pompe. Par un tour de passe-passe scriptural, dans la structure du prix du litre, on réussit à prendre de l’argent, sans l’imputer au consommateur final.

Nouveauté : dans les hôtels, il est institué une taxe de séjour, qui varie en fonction du standing de l’établissement. En gros, dans les Cinq étoiles ( Hilton Yaoundé), le client payera 5000fcfa par nuitée. 4000 fcfa dans les Quatre étoiles, 3000Fcfa dans les Trois étoiles, 1000 fcfa dans les Deux étoiles, et 500fcfa dans les catégories inférieures et les appartements meublés. Cet impôt ira pour 80% à l’Etat et 20% aux municipalités. Pour spectaculaire qu’il est, on pense, selon les projections de la Dgi qu’il rapportera autour d’un milliard de Fcfa par an.

La « vache à lait » de la Dgi cette année s’appelle la « Taxe environnementale sur les emballages non retournables ». En surfant sur la culpabilisation liée à la pollution, on impose les emballages en plastique de manière systématique et signifiante : bouteilles en plastique pour boissons gazeuses et alcooliques (15Fcfa/unité) ; bouteilles en plastique pour eaux et huiles et pots de yaourt (5Fcfa/unité). Ici, selon les projections, on engrangera plus d’une vingtaine de Milliards de Fcfa…

Autre nouveauté qui va drainer de l’argent, cet obligatoire enregistrement à 1% de la valeur du contrat, pour les marchés financés de l’extérieur. Avant, ces marchés étaient soumis à un enregistrement forfaitaire  de 50.000fcfa…

Voitures d’occasion

Une mesure qui « fera mal », c’est celle qui concerne les transactions sur les véhicules d’occasion : désormais, la mutation des véhicules d’occasion se fera sur la base de la valeur mercuriale de l’auto, sur les données des montants consignés dans l’Argus. Une douche froide dans ce domaine où pour l’essentiel, la valeur des marchandises était largement sous-estimée au moment d’officialiser la transaction.

Toutes ces mesures seront encadrées par une atmosphère globale de dématérialisation, où le moins d’argent en espèces possible circulera. Tout comme les contacts physiques avec les agents seront limités au minimum. On l’a compris : on veut limiter les occasions de négociation et de corruption. Sur le papier tout cela est réglé comme de la musique. Mais entre le chef d’orchestre, les musiciens et même les danseurs, il y a le facteur humain qui lui, est imprévisible. Les Camerounais sont résistants au changement, et aptes à trouver les chemins de raccourci.

En langage du quartier, on dit cela tout simplement : « les Camerounais sont forts ».