Abdourahman Yaya ne décolère pas. Comme tous ceux que nous rencontrons ce 24 août 2015 au quartier « Dabadji » situé à l’entrée sud de la ville de Bertoua, ce commerçant est inquiet.
« Nous ne savons plus à quel saint se vouer. En ces moments où, pour lutter contre Boko Haram, les autorités nous rassurent sur les mesures de sécurité prises, l’on ne comprend que des meurtres en série se perpétuent dans la ville depuis trois semaines sans qu’aucun ne soit élucidé », se plaint-il.
Les mêmes inquiétudes envahissent les quartiers Mokolo, Tindamba, Haoussa, Tigaza et bien d’autres reconnus comme des nids d’insécurité à Bertoua. Ces attitudes se justifient par la série de découvertes de corps sans vie de citoyens depuis trois lundis.
En effet, depuis le 10 août 2015, et la découverte du corps inerte du prénommé Théophile à l’entrée de son domicile au quartier Italy, c’est comme si le sort s’amuse à jouer un mauvais tour aux populations de la ville de Bertoua. C’est au terme d’une nuit arrosée par une pluie que le cadavre de cet opérateur économique avait été retrouvé au petit matin baignant dans une marre de sang et de boue, sans pantalon.
Selon les premiers indices, l’homme aurait succombé à une balle qu’il aurait reçue dans la tête. Sur les ondes d’une radio locale, l’épouse du défunt avait déclaré « avoir reçu un appel de mon mari aux environs de minuit et trente minutes » et admis avoir entendu « donne tout l’argent… donne de l’argent... ».
Exactement une semaine plus tard, le 17 août 2015, au stade « Bakassi » situé à quelques mètres derrière le groupement mobile d’intervention n°7 de la police (Gmi n°7), le corps inerte d’une jeune fille non identifiée est retrouvé. Selon les premiers éléments de l’enquête ouverte au commissariat central de la ville, « la jeune fille âgée d’une quarantaine d’années avait des lésions au niveau du cou font croire à un meurtre précédé u suivi d’un viol, la victime ayant été retrouvée sans ses sous-vêtements ».
Si autour du stade Bakassi la thèse d’« une agression ou d’un viol qui a mal tourné » prospère, le fait de n’avoir suivi « aucun cri de détresse cette nuit » trouble plus d’un. Par ailleurs, soutiennent les riverains « le fait qu’elle ne soit identifiée par aucun d’entre nous jusqu’à 8 heures 30 minutes prouve que son corps a été déposé ici alors que ce crime a été commis ailleurs pour brouiller les pistes d’une éventuelle enquête ».
Et come si cela ne suffisait pas, ce lundi 24 août 2015, au quartier « Dabadji », selon des sources policières relayant les témoignages des populations qui les ont appelées à la rescousse après avoir entendu de coups de feu, « c’est aux environs de deux heures du matin que des hommes en armes sont arrivés au domicile du nommé Yaya Bakary, âgé de 37 ans ».
Bien avant, toujours selon les mêmes sources et bien d’autres dans le voisinage, « ces hommes, dont le nombre ne nous a pas été indiqués, ont d’abord attaqué le nommé Ahmadou, 15 ans, gérant de la boutique du défunt. Ils lui ont tiré une balle dans le pied ». C’est certainement en entendant ces coups de fusil que le propriétaire est sorti.
« Il s’est vraisemblablement retrouvé face aux assaillants qui lui ont tiré dessus en l’atteignant à la poitrine et au cou. Il en est mort sur le champ », exposent nos sources. Dans le même temps, son épouse, Fadimatou Yaya, 30 ans, est atteinte d’une autre balle au corps.
Elle va succomber à l’hôpital régional de Bertoua où elle a été transportée tandis que le gérant de la boutique, également conduit dans cette formation sanitaire, est soigné avant son exploitation par la police qui a ouvert une autre enquête pour élucider les circonstances de cet autre meurtre présumé. Tout ce dont est sûr jusqu’ici est que, selon les premières indications de l’enquête, « au vu des quatre douilles que nous avons ramassées sur les lieux du drame, les armes utilisées sont de type Kalachnikov AK47 ». Meurtres non élucidés
Ces enquêtes ouvertes viennent retrouver celles sur les assassinats présumés de certains habitants de la ville de Bertoua. C’est le cas de Marcel Boukesse dont le corps, « inerte et éventré », avait été retrouvé à son domicile sis au quartier Mokolo I le 11 mai 2015. Les circonstances de la mort du garagiste de 63 ans restent floues jusqu’ici malgré les interpellations qui l’ont suivie.
En l’espace d’un an, signalait-on à la division régionale de la police judiciaire de l’Est, « c’est le cinquième meurtre présumé dans la ville de Bertoua ». Tous dans des circonstances toujours non élucidées. Parmi les victimes, deux expatriés. D’abord Ourabi Dhahbi, homme d’affaires tunisien de 50 ans, retrouvé mort dans sa chambre au petit matin du 9 avril 2014.
Les blessures sur le corps de la victime montraient la violence utilisée par ses présumés bourreaux qui courent toujours. Ce, malgré toutes les dispositions prises par les autorités locales pour sécuriser les alentours de la maison du défunt et la pression des autorités consulaires tunisiennes pour retrouver au plus vite les auteurs présumés de cet acte qualifié d’odieux. Un autre mystère continue d’entourer les circonstances du décès d’Ibrahim Sow, 27 ans, commerçant malien installé depuis quelques mois à Bertoua.
Son corps inerte baignant dans une marre de sang, la tête décapitée, des coups de poignard dans les côtes, le cou sectionné, avait été découvert par une jeune fille de 9 ans allée acheter du pain ce jeudi 02 septembre 2014 aux environs de 13 heures après une fine… pluie. A côté du cadavre, on avait retrouvé une machette et un long poignard tous recouverts de sang. Par ailleurs, rien n’avait été emporté dans la boutique de cet étranger réputé « sans histoire » au quartier Nkolbikon.