L’implication du directeur général de la Société de développement du cacao (Sodecao) est révélée par le chef de canton Gbaya Mbartoua accusé par ses populations d’avoir vendu 5.000 hectares de terre à leur insu.
« J’ai juste donné un peu d’espace à mon partenaire Jérôme Mvondo pour qu’il développe son activité. Il était personnellement venu me voir en 2012 chez-moi, pour que je lui trouve un espace de terre à Bertoua. Je n’ai pas vendu mais j’ai cédé d’autant plus que la terre appartient à l’Etat.
Le directeur de la Sodécao était lui-même ici dans mon salon. Maintenant, s’il n’a pas voulu que son nom soit mentionné dans les documents de vente, cela l’engage. Moi, je n’ai traité qu’avec lui. » Ces paroles sont d’Aïba Ngari, le chef de canton des Gbaya Mbartoua que nous rencontrons à sa résidence alors que nous investiguons sur le sujet.
Comme pour nous convaincre de son droit de propriété sur cette étendue de terre située à l’intervalle des quartiers Tigaza, Bertoua 2 et Toungou aéroport, près de la forêt communautaire de Kandara, Aïba Ngari soutient que « Je suis l’un des premiers occupants de cet espace ». Mais pour un des responsables de la délégation régionale des Domaines et du Cadastre de l’Est, l’on assure que « le fait pour vous d’occuper en premier un espace ne vous donne pas le droit de le vendre, même en partie, les terres appartenant en priorité à l’Etat.
Les textes fixent les conditions d’acquisition d’une parcelle de terrain au Cameroun. » Un avis qui bat en brèche la posture adoptée par le chef des Gbaya Mbartoua qui soutient que « Je suis le responsable de tout ce qui se passe, en tant qu’auxiliaire légitime de l’administration et dispose de tous les papiers qui me donnent le droit d’exercer mes activités dans la forêt de Kandara. »
Pourtant, les documents auxquels « Repères » a pu avoir accès mettent à mal cette vision de la querelle née de la vente à 17 millions de francs Cfa des 5.000 hectares que réclament les riverains des trois quartiers concernés. Au-delà de sa responsabilité personnelle, Aïba Ngari a engagé le 16 juin 2012 celle de feu Joseph Por Yellem, le chef du quartier Bertoua 2 au moment des faits.
Au bas des certificats de vente délivrés par les deux autorités traditionnelles, les noms de José Guy Abessolo Mvondo, Yaya Moussa et Bruno Régis Ndi Zambo, des personnages qui, selon des sources proches du Dg de la Sodecao, rapportées par les riverains revendicateurs, « sont inconnus de Jérôme Mvondo ». Et c’est ce qui les intrigue. Du coup, ils saisissent les autorités compétentes, ministre des Domaines et des Affaires foncières, gouverneur de l’Est et préfet du Lom-et-Djerem, pour dénoncer les deux chefs traditionnels.
Avec en tête Ousmanou Gomna et Pascal Koéké, des leaders locaux, ils réclament « l’annulation de cession coutumière des terres des sieurs Aïba Ngari, chef de canton de 2ème degré de Bertoua et Joseph Por Yellem, défunt chef de quartier Bertoua 2 au profit des sieurs José Guy Abessolo Mvondo, Yaya Moussa et Bruno Régis Ndi Zambo ».
Aux origines
L’affaire qui divise aujourd’hui le chef supérieur des Gbaya Mbartoua et quelques-uns de ses sujets remonte, selon la plupart des protagonistes, à 2012. « Cette année-là, nous avions été informés de ce que Jérôme Mvondo, le Dg de la Sodécao, recherchait un espace à Bertoua pour la création d’une plantation de cacao », souffle l’un des contestataires.
« Alors que nous attendions que l’expansion de l’économie locale, soutient un autre, officiellement, nous apprend-on, ce projet ne connaît aucune suite favorable ». Pourtant, constatent les riverains, « Sur le site, on observe au quotidien que des ouvriers entretiennent des plantations de cacao et de maïs ». C’est la culture de cette dernière denrée qui éveille les soupçons des riverains sur « une entourloupe autour de l’acquisition de ces 5.000 hectares à 17 millions de francs Cfa soit 0,34 francs Cfa le m² ! ».
Les réponses à toutes les questions trouvent réponses après le décès de Joseph Por Yellem. C’est en effet dans les affaires de ce dernier que les certificats de vente brandis aujourd’hui par les contestataires vont être retrouvés. Et être exploités pour revendiquer leur droit de propriété sur ces terres. Tout en évoquant le nom de son « ami » Jérôme Mvondo, Aïba Ngari, le chef de canton Gbaya Mbartoua ne reconnait pas avoir vendu ce terrain à qui que ce soit.
« Au regard des documents en notre possession, difficile de croire à une transaction foncière gratuite entre les deux. Ni de croire que José Guy Abessolo Mvondo, Yaya Moussa et Bruno Régis Ndi Zambo existent. Si cela avait été le cas, tout porte à croire que ce sont des prête-noms parce qu’aucun contact téléphonique n’est mentionné sur les certificats de vente », concluent les opposants à cette vente de terrain.