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Opinions of Friday, 2 August 2024

Auteur: Achille Assako

Je gagnai le droit de "marcher" avec Suzanne Kala-Lobè

"Arrête de faire ta bourgeoise à la télé, tu n'es pas en France ici eh"

"Je me souviendrai toujours de ce matin vers la moitié de la décennie 2000 où elle poussa la porte de mon bureau très haut-perché dans la tour dite "immeuble Ex Oncpb" à Douala en disant :

"Bonjour, je suis productrice d'une nouvelle émission de Débat qui devrait passer sur la chaîne. Et comme je n'ai aucune expérience en matière de présentation en télévision, Emmanuel Chatue m'a demandé de venir vous voir pour que vous me formiez et que vous voyez comment on peut travailler ensemble." De ma posture de Directeur des Programmes de Canal 2 qui venait fraîchement de porter le vêtement "international", je pouvais effectivement aider, mais également, j'étais à la recherche de contenus différents et de qualité.
Mais, quand-même! Un monument du journalisme de presse écrite comme cette dame, me faire l'honneur de me demander aide et formation?.. J'en suis interloqué. Mais il faut bien que je me donne de la contenance avec mon jeune âge dans le métier, puisque je ne réclame alors que 5 ans de pratique du journalisme, surtout que pour la quinquagénaire en face, tout n'est qu'humilité et désir d'apprendre, bien que les faits d'armes parlent d'eux-mêmes. Alors, pourquoi-pas !?

Elle me fait lire le synopsis de cette émission de débat qu'elle avait baptisé "l'Actu Polémique" Je trouve le synopsis rempli de concepts trop philosophiques, on simplifiera rapidement ses idées, on ajustera ses rubriques en mode télévision camerounaise et on profitera pour modifier également le titre en "L'ACTU", pour éviter de polémiquer sur la ressemblance avec une émission radio à laquelle elle participait sur la chaîne Équinoxe Radio dont la rédaction était pilotée à l'époque par mon brillantissime Albert Ledoux Yondjeu.

Elle dira avoir trouvé son co-présentateur, en la personne d'un autre acteur de la presse écrite Camerounaise à l'époque, Jean Celestin Edjangue qu'elle me présentera quelques jours plus tard. Et ils se mettront à l'école de la présentation tv en mode 24h Chrono, procédant au passage au tournage de la fameuse bande annonce de l'émission rendue célèbre au Cameroun par cette question : "Jean Celestin Edjangue, l'actualité c'est quoi?" Une question à laquelle les techniciens Amadou Ngou, Collins Wontchouang, Josue Ndongo, Albert Jocelyn Djoukam et autres avaient pris l'habitude de donner des réponses drôles selon chacun son actualité personnelle ou celle de l'entreprise.

Si d'elle, je connaissais la personnalité de la Presse à la lecture de ses éditoriaux au vitriol dans la Nouvelle Expression, j'ai apprécié la journaliste, celle qui acceptait mes critiques après chaque diffusion de son émission sans chercher à accuser ni s'excuser, mais encore plus celle que j'ai vu gagner en assurance de présentateur sur un plateau de tv, et qui m'appellait "Achille, mon père" et à qui je disais "ô que toi, tu es têtue, ma fille! Arrête de faire ta bourgeoise à la télé, tu n'es pas en France ici eh"

Puis, je gagnai le droit de "marcher" avec elle. En compagnie d'amis et de certains confrères, un petit cercle de personnes qui (je m'en rendis compte bien vite) comptaient pour elle (et avaient gagné le droit de la remettre à sa place sans gants comme Eric Omed Ottou) elles nous faisait découvrir les coins de restauration les plus inattendus de Deido, les lieux de fête nocturne à Bonanjo, Bali ou Bonapriso. Des moments joyeux pendant lesquels, elle s'ouvrait plus encore, faisant preuve d'un humour caustique et même d'une autodérision hilarante.

Oui elle était comme ça, Suzanne. Accessible pour certains, Et pour les autres, un mystère, qui ne se laisse pas approcher, la faisant passer pour cassante ou acariâtre.
Elle était comme cela Suzanne Kala-Lobè. Ma fille."