L’annonce de la détention d’Amougou Belinga a déclenché une jubilation folle de la bande de gueux et de vauriens qui y ont vu le triomphe de leur désir perverti!
Ce n’est pas la justice qu’ils cherchent et il leur importe assez peu qu’Amougou Belinga soit coupable ou non ! L’important est qu’il soit arrêté, neutralisé, tué, et qu’il disparaisse de la terre à tout jamais !
Pourtant, si on en croit les rumeurs, Amougou n’a pas été inculpé pour l’assassinat de Martinez Zogo, mais pour « complicité d’enlèvement par aide ».
N’étant pas un homme de droit, je ne sais pas exactement ce que cela signifie, ni sur quoi on se fonde pour une telle accusation. Par contre, je peux dire que mes craintes se sont réalisées, avec ce qu’on peut appelle « l’effet-Kafka » des institutions judiciaires.
Par ce terme, je désigne la tendance corporatiste des chaque segment de la chaine judiciaire à s’auto-absoudre ou à s’absoudre mutuellement des erreurs commises par les autres segments de la chaine.
Cet effet consiste à ce que le procureur ait tendance à aligner, au-delà des faits objectifs, son jugement à celui de l’officier judiciaire, que le juge d’instruction ait tendance à aligner son jugement à celui du procureur, que le juge ait tendance à aligner son comportement à celui du juge d’instruction, que la Cour d’appel ait tendance à aligner son comportement au juge d’instance, et que le juge de la Cour Suprême ait tendance à aligner son jugement à celui du juge d’appel.
C’est un reflexe universel qui se traduit concrètement par le fait que lorsque la chaine judiciaire s’est trompée, elle ne le reconnaîtra jamais. Elle aura toujours tendance à imputer l’inculqué un délit qui justifie sa détention.
L’effet-Kafka ne signifie pas que les segments perdent leur autonomie de décision et qu’ils puissent contester les décisions venues en amont. Il représente cependant une tendance lourde au sein de l’institution judiciaire.
Dans le cas d’espèce, le Président de la République a mis en place une Commission d’Enquête formée de très hauts officiers judiciaires, comprenant notamment des colonels de gendarmerie et des commissaires divisionnaires.
Ceux-ci sont malencontreusement partis sur l’hypothèse a priori que le meurtre avait un commanditaire appelé Amougou Belinga et qu’il ne pouvait en être autrement. Dès lors, la Commission a épuisé tout son temps et toutes ses ressources à la recherche des preuves impossibles.
Evidemment que le parquet militaire ne pouvait désavouer de front le travail de ces grosses huiles de la police et de la gendarmerie et libérer Amougou Belinga et Eko Eko, au regard du terrible coup qu’un tel désaveu aurait eu sur l’image de notre institution militaire.
Cela ne se fait pas, évidement ! On n’imagine tout de même pas le Commissaire du Gouvernement et le Ministre Délégué dire ouvertement à une telle Commission que vous nous avez perdu du temps, que vous avez inutilement dépensé l’argent de l’Etat et que vous n’avez pas atteint les objectifs assignés par le Chef de l’Etat.
Cet effet-Kafka a été certainement aggravé par certaines pressions occultes venant des clans qui se disputent la succession de Biya, et qui, ayant raté les gros morceaux que sont Esso Laurent et Motazé, se sont donné un point d’honneur de se contenter d’Eko Eko et Amougu Belinga, faute de mieux.
Mais quel que soit le cas, ces effets finiront par s’estomper avec le temps, par l’action conjuguée des avocats, par l’autonomie des juges et surtout, par la clameur publique, de mieux en lieux informée de ce qui se passe.
Nous espérons alors que ceux qui jubilent aujourd’hui feront preuve du même fairplay et fermeront leur museau quand les deux seront libérés par la suite de la procédure.