Je suis né le 6 novembre 1982 à l'hôpital Laquintinie de Douala d'un père enseignant et d'une mère infirmière. De mon souvenir d'enfance, j'avais vécu quelques années dans un Cameroun somme toute prospère, mais frileux sur le plan des libertés individuelles. A l'âge de 5 ans, inscrit dans une école maternelle de Douala , tous le monde chantait en chœur Rigueur et moralisation. Une chanson de l'époque qui était diffusée plusieurs fois sur les antennes de la Radio Douala.
De mémoire de gamin, je ne comprenais du tout rien du contenu de cette fameuse chanson. C'est en 1990, fort de mes 8 ans d'âge que j'ai commencé à comprendre un certain nombre de chose dans cette société quand mon papa a été retraité. Cette fameuse rigueur se chantait aussi à la maison et s'appliquait même désormais dans nos plats au moment où il fallait passer à table.
Ma mère ne cessait jamais de me dire qu'en 1982 quand je naissais, les discours de mon président ne cessaient de susciter chez les camerounais un vent d'espoir. Il parlait de "renouveau, rigueur, moralisation, ...." Il disait "à bas le népotisme, la corruption, le favoritisme, ..."Le pays tout entier acclamait ce "beau gosse", connu des seuls initiés qui avait été choisi par le "Père de la Nation".
Le 6 novembre 1982, jour de la prestation de serment du président actuel du Cameroun, son discours était incisif et conquérant. Il entendait s’affirmer comme président de la République, chef du gouvernement.
Quelques mois plus tard, rapporte le Professeur Joseph Owona dans ”Renouveau Camerounais, certitudes et défis” , que Paul Biya avait même confié à un intime qui lui rendait visite nuitamment : ”Je n’y faillirai point et je suis prêt à aller jusqu’au martyr”. Dire que cela fait déjà 33 ans d'autant plus qu'il figure parmi les chefs d'État africains comptant le plus long règne.
Je me souviens des tournées triomphales du chef de l'Etat camerounais dans les dix provinces aujourd'hui devenues des régions (à l'époque, sept, de mémoire). Quelle déception! Il restera comme le président à vie ayant fabriqué le recul d'un des pays les plus prometteurs d'Afrique, par son potentiel humain, son potentiel économique, l'esprit d'entreprise de ses habitants.
A l'âge de 16 ans au Lycée d'Anguissa à Yaoundé, tout le monde criait à la crise. Il fallait faire un tour dans le parking du lycée afin de constater que sur toutes les vitres avant et arrières des Peugeot 504 appartenant aux enseignants on pouvait lire la mention à "Vendre". Tout se liquidait.
Au quartier, tout le monde fermait ses portes avec des gros cadenas. Il en est de même aujourd'hui. Le soir à la maison, il faut se rassurer que les portes sont bien verrouillées pour avoir la paix dans l'esprit. Chaque jour, la radio ne cesse d'annoncer des cas d'assassinat par ci, coup de vol par là. La situation a perduré. Je n'ai vécu dans ce pays que 33 ans de gueule de bois!!!
Contrairement à certaines idées largement répandues, il est difficile dans ce contexte d'inverser le cours des choses. Le président a flatté les bas instincts de nos compatriotes en laissant prospérer la corruption qu'il disait vouloir combattre. Le népotisme ne s'est jamais aussi bien porté.
Au Cameroun, celui qui organise les élections ne perd jamais. Par les urnes il n'y aura jamais la réfraction de la volonté populaire tant que nous vivrons dans cette monarchie qui a pris le temps de s'institutionnaliser.
Parlant du Renouveau, voici ce que pense un quotidien français "Nombre de Camerounais n’ont connu que lui ( Tout comme moi)... A son arrivée au pouvoir, en 1982, ce pays d’Afrique centrale comptait parmi les plus riches du continent. Aujourd’hui, il ne ressemble plus à rien. A tel point que beaucoup de ses 20 millions de citoyens n’aspirent qu’à le quitter. “Il existe peu d’Etats africains comme le Cameroun, où les habitants ont une aussi mauvaise image de leur pays et d’eux-mêmes”.
Au Cameroun, depuis lors, les privations endémiques d’électricité et d’eau, au grand dam des ménages et des entreprises, traduisent de manière éloquente le mépris du pouvoir de Yaoundé à l’égard du peuple camerounais
En lançant le binôme « Rigueur et moralisation » en 1982, Paul Biya avait-il mesuré l’ampleur du chantier ? Non, visiblement. En tout cas, il est carrément passé du côté de l'espoir d'un peuple, et s’est essoufflé par la suite parceque usé par un pouvoir atteint par le cancer d'anti-alternance. Cela indique qu’il avait bien rêvé de noyer le Cameroun jusqu'au jour où il sera appellé à la mission de l'enfer terrestre...
A présent, pour mettre un terme à ces phagédénismes insidieux, le peuple camerounais a besoin, pas tant d’une alternance à la tête de l’Etat, ni même d’une alternance générationnelle ou de genre, mais plutôt d’une vraie alternative éthique, politique et sociale, à même de porter en avant les aspirations profondes de nos concitoyens et concitoyennes.
Pour reprendre Serge Olivier Atangi dans l'une de ses récentes sorties médiatiques, "Biya a promis faire du Cameroun un pays émergent en 2035. Il faut pourtant avouer que dans les conditions actuelles de travail et des mentalités que lui-même a mises en place et continue sponsorisé par la nomination des personnes peu recommandables pour conduire ce processus et par le pillage systématique des ressources,le pays vole plutôt en sens inverse à l'allure d'un Boeing qui a atteint sa vitesse de croisière avec pour pilote un certain Biya Paul bi Mvondo Barthélémy".