Opinions of Monday, 18 April 2016

Auteur: camernews.com

L’Afrique pourra-t-elle se débarrasser du CFA?

La question brûle les lèvres de beaucoup de Camerounais et d’Africains qui, depuis des décennies, souhaitent voir se matérialiser l’indépendance économique de bon nombre de pays africains.

Le débat fait rage aussi bien sur les réseaux sociaux que sur les ondes de diverses chaînes de radio et télévisions du continent.

Ce débat a été relancé après la réunion des ministres et des gouverneurs des banques centrales de la zone Franc CFA tenue le 09 avril dernier au Palais des Congrès de Yaoundé, la capitale politique du Cameroun, en présence du ministre français des Finances et des comptes publics,
Michel Sapin.

L’on se rappelle que quelques mois auparavant, la directrice du Fonds Monétaire International (FMI), – Française d’origine – en visite officielle au Cameroun et interrogée sur la sortie des pays africains de la zone Franc CFA, avait vivement déconseillé ceux-ci de le faire.
L’histoire aujourd’hui lui donne raison et la réunion de Yaoundé sur laquelle beaucoup attendaient de voir s’opérer un virage à gauche a, plutôt, accouché d’une souris.

Le Franc CFA, qu’est-ce que c’est ?

A l’origine, il s’appelait Franc des Colonies Françaises d’Afrique (FCFA). Mais après les indépendances intervenues dans les années 1960, cette appellation n’avait plus de sens et avait des relents de néocolonialisme.

Il fallait donc lui trouver une ou plusieurs autres appellations tout en conservant l’abréviation.

Et cela sera fait par le colonisateur, sans vergogne. Toujours dans l’histoire, l’on retient que le Franc CFA au départ, était l’équivalent du Franc Français mais que par divers mécanismes unilatéraux de la France, son homologue a connu diverses dévaluations qui lui ont fait perdre de sa valeur, ce que les Africains n’ont jamais digéré et encore moins compris.

Aujourd’hui, le Franc CFA ne vaut presque plus rien par rapport au Franc Français qui, lui, s’est arrimé à l’euro.

Une raison de plus pour les Africains de désirer obtenir leur propre monnaie avec une parité assez forte pour contrecarrer les effets pervers des nombreuses dévaluations du F CFA.

Aujourd’hui, quatorze pays africains, excusez du peu, utilisent le F CFA, dont l’appellation diffère selon que l’on se trouve en Afrique de l’Ouest ou en Afrique Centrale.

En Afrique de l’Ouest, huit (08) pays utilisent en commun le F CFA, regroupés autour de l’Union Economique et Monétaire de l’Ouest Africain (UEMOA) et ayant pour banque d’émission, la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).

Il s’agit du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte-d’Ivoire, de la Guinée Bissau, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Togo. Ici, le Franc CFA est appelé Franc de la Communauté Financière d’Afrique.

En Afrique Centrale, six (06) pays sont concernés, regroupés au sein de la Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC) avec pour banque d’émission, la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) dont le Franc CFA est le Franc de la coopération financière d’Afrique Centrale.

Comme on le voit, il s’agit de deux appellations différentes pour une monnaie utilisée en Afrique et non convertible d’une zone à l’autre.

Pourquoi l’appeler alors Franc CFA de part et d’autre si l’on ne peut s’en servir sur toute l’étendue de l’Afrique francophone?

C’est la question essentielle que se posent aujourd’hui bon nombre d’Africains qui souhaitent voir l’Afrique se défaire du joug colonial de la France.

Des raisons pertinentes

Depuis 1945, 50% des réserves en or des pays africains sont logés dans le Trésor Public français selon des accords coloniaux qui n’ont jamais été dénoncés par l’une ou l’autre partie.

Ces réserves assurent, dit-on, la stabilité et la convertibilité du Franc CFA.
Mais ce qui n’a jamais été dit, c’est ce que ces réserves de change rapportent aux pays africains qui y ont souscrit.

Car, en matière de banque, lorsque vous déposez de l’argent quelque part, il vous rapporte quelque chose.

Pourquoi les pays africains n’avaient-ils pas envisagé cette hypothèse-là lors de la signature des accords en 1945 ?

Pourquoi n’avoir jamais dénoncé cette clause ?

N’est-ce pas parce que jusqu’ici, c’est Paris qui désigne les présidents africains, qui, en retour ; deviennent de simples figurants face à l’ancienne tutelle ou colonie ?

Cette situation est d’autant plus grave pour les pays comme le Togo ou le Cameroun qui, placés sous mandat et sous tutelle de la France par l’ONU, ont finalement été tout simplement annexés comme des colonies et administrés comme telles sans que l’ONU n’ait jamais eu à demander des comptes à la France sur sa gestion de ces anciens protectorats jusqu’à nos jours.

Que cache donc le silence de l’ONU face à cette situation ? A côté de cela, il y a la détérioration des termes de l’échange entre les pays africains et la France, une détérioration qui s’est accentuée au fil des années avec les produits manufacturés qui coûtent de plus en plus cher alors que les matières premières voient leurs prix constamment chuter.

En outre, les différentes dévaluations ont conduit à la baisse du pouvoir d’achat des 14 pays utilisant le Franc CFA.

Ce qui fait dire aux analystes que pendant que la France se développe, les pays africains eux se “sous-développent” davantage au fil des années.

La troisième raison est que, depuis 1960, date des indépendances de la plupart de ces pays, contrairement aux pays de l’Afrique du Nord, ceux de l’espace francophone au sud du Sahara utilisant le Franc CFA, n’ont pas beaucoup vu leurs économies respectives se développer.

La raison, dit-on, est due non seulement à l’utilisation du Franc CFA, mais aussi et surtout aux divers accords bilatéraux signés avec la France, qui plombent ces économies-là.

Certains des pays africains affranchis de cette tutelle connaissent un début d’émergence et des cas comme le Nigeria, l’Afrique du Sud ou le Ghana sont là pour les conforter dans cette idée.

Le maintien du Franc CFA, pour les adeptes de la sortie, ne profite nullement aux pays africains qui devraient diversifier leurs partenaires.

Et pour cela, pourquoi ne pas déposer ces réserves de change directement à la Banque Mondiale qui deviendrait du coup, le garant de la convertibilité des monnaies africaines ?

Même si le ministre français des Finances et des comptes publics Michel Sapin s’en défend en déclarant « La France est là pour accompagner, pour garantir la stabilité de la monnaie.

Nous nous engageons à faire en sorte que cette monnaie reste stable par sa valeur par rapport à d’autres monnaies. Et cette stabilité est quelque chose de très utile aux pays concernés.

Mais c’est la décision des pays africains qui s’impose, pas celle de la France », pourquoi la France n’encourage-t-elle pas les pays africains à sortir du Franc CFA au lieu de les encourager à embrasser la démocratie à l’occidentale qui sied mal à l’Afrique ?

Si la France ne gagnait rien à maintenir le statu quo, pourquoi n’impulse-t-elle pas la volonté politique de ces pays-là à battre monnaie tout en créant des plateformes régionales, sous-régionales et pour tout dire continentales quand on sait que pour les 14 pays, il s’agit d’un marché potentiel de plus de 155 millions d’individus ?