Opinions of Friday, 7 August 2015

Auteur: Georges Ndenga

L’Albinisme, ni maladie, ni fatalité

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Un albinos n’est pas un malade et encore moins un maudit. Il ne s’agit que d’une condition qui ne doit pas être non plus considérée comme une fatalité.

C’est à cette conclusion que sont parvenus les participants au tout premier colloque sur l’œil et la peau (albinisme oculo-cutané) en Afrique au Sud du Sahara organisé les 24 et 25 Juillet à l’Hôtel Sawa de Douala, la capitale économique par la Faculté de Médecine et des Sciences Pharmaceutiques de l’Université de Douala, le Wellcome Trust, les Universités d’Aix-Marseille en France, Lancaster et Coventry en Grande-Bretagne

Un colloque qui aura connu la participation des experts venus d’Europe, d’Afrique Francophone et Anglophone, des associations de défense des albinos basées en Afrique et en Europe, des médecins s’occupant des maladies des albinos et de nombreux albinos au rang desquels le Président de l’Association Mondiale pour la Défense des Intérêts et la Solidarité des Albinos Jean Jacques Ndoudoumou et l’artiste musicien Zambien John Chiti.

Deux journées de travaux qui commençaient le matin pour s’achever tard le soir et au terme de la seconde journée, les participants ont eu droit à une soirée de gala offerte par le Délégué du Gouvernement auprès de la Communauté Urbaine de Douala, par ailleurs médecin et parrain de l’une des promotions de la Faculté de Médecine et des Sciences Pharmaceutiques à laquelle il offre depuis plusieurs années des toges pour les étudiants arrivés en fin de formation

Une réussite totale

C’est ce que l’on peut retenir du rapport du comité scientifique lu par son président, le Professeur Robert Aquaron de l’Université d’Aix-Marseille. Pour l’orateur, ces assises de Douala ont permis aux scientifiques et aux albinos de dialoguer à travers leurs associations, d’échanger et de diffuser certains résultats des recherches menées par différents scientifiques venus de l’ensemble de l’Afrique Francophone et Anglophone pour renforcer leurs capacités.

L’albinisme, pour l’ensemble de ces experts, n’est pas une maladie comme certains le pensent mais une condition due à la mutation d’un gène qui prive ainsi les albinos de la production de la mélanine. Cette absence de la mélanine entraine donc des troubles de la vue et empêche la peau de l’albinos de rejeter les rayons ultraviolets du soleil, ce qui va contribuer plus tard, si des dispositions ne sont pas prises au niveau de l’habillement et des soins de la peau de l’enfant, de l’adolescent et plus tard de l’adulte albinos, à le rendre malade. Et la principale cause de la mortalité des albinos est le cancer de la peau.

L’absence de la mélanine n’expose pas plus les albinos aux maladies que les non albinos. Tous les êtres humains sont exposés aux maladies de la même manière. L’on a même observé que les albinos résistaient mieux à certaines affections ou infections selon le mode ou le milieu de vie. Des cas de drépanocytose sont rares dans cette population et des pistes de recherche ont été lancées pour voir si les albinos ne résistaient pas mieux à d’autres affections.

Le colloque a connu une réussite sur le plan de la participation, des échanges et même de la logistique et le Professeur Aquaron en a profité pour féliciter le doyen de la Faculté de Médecine et des Sciences Pharmaceutiques, le Professeur Albert Mouelle Sone pour cela.

Au cours des travaux, deux questions essentielles ont été soulevées et des propositions de solutions faites.

Des résolutions et des propositions

Deux questions relatives au traitement du cancer et au suivi des divers actes visant à améliorer la vue et la scolarité des albinos ont été soulevées. Si sur ce chapitre le Cameroun connait de nombreuses avancées, tel n’est pas le cas dans divers autres pays où les albinos continuent à être stigmatisés et marginalisés.

S’agissant du traitement du cancer de la peau, après avoir convenu que celui-ci coûtait très cher et que beaucoup d’albinos ne disposaient pas de revenus pouvant le supporter, il a été proposé l’adoption par divers pays de politiques visant la gratuité du traitement ou la révision à la baisse du coût comme c’est le cas pour certaines maladies métaboliques comme le diabète, la prise en charge des problèmes de vue dès l’enfance des albinos et l’accès facilité à la scolarité en faisant asseoir les albinos au premier rang dans les salles de classe, une facilité qui doit s’étendre à tous les albinos en Afrique.

Sur un autre volet du traitement du cancer de la peau, les scientifiques ont proposé aux pays Africains d’envisager d’équiper les hôpitaux d’appareils de traitement adéquats et en nombre suffisants, pour une meilleure prise en charge des malades.

Enfin, les experts ont proposé que les dispositions visant l’amélioration du bien-être des albinos deviennent contraignantes et les contrevenants sévèrement punis par les autorités compétentes. Pourvu que cela ne tombe point dans les oreilles de sourds !

La lecture de ces résolutions a ouvert a porte à la cérémonie de clôture.

La cérémonie de clôture

Elle a été présidée par le Vice-recteur de l’Université de Douala, chargé des enseignants en lieu et place du Professeur Dieudonné Oyono qui, lui, avait pris part à son ouverture aux côtés du secrétaire général des services du gouverneur de la région du Littoral par ailleurs représentant du ministre de la Santé.

Pour l’orateur, il s’est agi d’un colloque très important pour le continent Africain. Après avoir dit merci aux comités d’organisation et scientifique pour la tenue de ces assises en terre Camerounaise, il a surtout relevé la qualité « exceptionnelle » des travaux et des résultats obtenus au terme des deux jours qu’aura duré le colloque et qui seront publiés dans des revues spécialisées.

Il a continué en soulignant que « la première chose du bien-être, c’est la santé qui s’efface quand il est altéré ». Aussi, a-t-il souhaité que les recherches dans ce domaine aillent plus loin que celles qui ont cours en ce moment avant de promettre qu’il transmettra à qui de droit, le rapport qui lui a été remis. Il a émis le vœu de voir un autre colloque se tenir sur l’albinisme.

Avant la cérémonie de clôture et lors des échanges entre les scientifiques et les associations de défense des droits des albinos, le Président de l’ASMODISA, Jean Jacques Ndoudoumou avait émis le vœu que les scientifiques œuvrent à détruire les mythes et les préjugés qui existent autour des albinos en Afrique. Il a conclu en disant que « chacun doit accepter l’autre tel qu’il est. Ne pas s’occuper de l’autre, c’est tuer les talents que Dieu a mis en chacun de nous ». Il a achevé son propos en disant merci aux chercheurs qui ont permis aux associations de s’exprimer et de partager leurs expériences.

Au cours de la soirée de gala offerte par le Dr Fritz Ntonè Ntonè, le Délégué du Gouvernement auprès de la Communauté Urbaine de Douala, le Professeur Aquaron a fait savoir que « les Africains étaient prêts à relever tous les défis ».

Et parlant de défis justement, les artistes ont relevé celui qui consistait à divertir les hôtes et participants à travers des ballets de différents rythmes du terroir et du monde avec l’ambass bey et l’assiko du Cameroun, le rock interprété par Madame Marie Madeleine Wafo la présidente de l’Association Camerounaise des femmes Albinos, des musiques de Zambie par l’artiste musicien John Chiti qui a d’ailleurs dédié une chanson au Professeur Robert Aquaron pour tout ce qu’il fait pour les albinos dans le domaine génétique, un défilé de mode mettant en valeur la femme et l’homme albinos organisé par le styliste modéliste Jam a permis d’apprécier près de 15 modèles différents à la satisfaction du public.

A la fin du spectacle, le Professeur Albert Mouelle Sone s’est exclamé « C’était formidable ! Merci and God bless us !! »Le premier colloque sur l’albinisme de l’œil et de la peau en Afrique Subsaharienne est ainsi entré dans l’histoire.