Aux différents classements donnant à mesurer l’attractivité des villes africaines, publiés au cours des dernières années, le Cameroun est régulièrement apparu – comme il s’est du reste déjà largement habitué sur divers autres référencements internationaux, oo il est sans cesse humilié – comme un pays dont les grandes métropoles (Yaoundé et Douala) sont parmi les moins intéressantes, en termes d’environnement des affaires. En avril dernier, le cabinet d’audit international PWC renvoyait aux compatriotes du Paul Biya un reflet bien cinglant.
Car, sur l’ensemble des critères retenus pour monitorer les principales capitales du continent, les paradis camerounais apparaissent raisonnablement pour être, aux yeux des autres, de parfaits et irréductibles enfers. Cela, sur quatre catégories principales : les infrastructures, le capital humain, les entreprises implantées et la démographie. Sur les infrastructures (routes, aéroports, ports et tout ce qui renvoie ces trois référentiels), pas besoin d’être des ces fondamentalistes ennemis du Cameroun sur lesquels vitupèrent avec grande énergie Issa Tchiroma Bakary, pour dire dans quel état se trouve aujourd’hui l’infrastructure de mobilité tant à Yaoundé qu’à Douala oo c’est au mieux le vide, au pire le chaos.
La voirie des deux villes est totalement à refaire et tous les efforts récents – surtout dans la capitale économique – pour rattraper les « années perdues » – ne peuvent que très modestement combler des attentes que l’accroissement démographique annuel de 3 pourcent a rapidement portées aux sommets. Quel investisseur sérieux attirer dans un contexte oo l’on passe trois heures pour aller de Bonabéri à Akwa, du fait de bouchons sans fin ? Comment paraître sérieux dans un pays dont la capitale économique est noyée dans l’incessant vacarme des « bend-skins », ces engins à deux roues dont les dangereux tête-à queue n’ont d’égal que l’extraordinaire grossièreté et l’instinct suicidaire de leurs conducteurs généralement dépourvus d’éducation (de base) ?
Sur le deuxième critère – le capital humain – le même désespoir. Le système de santé a, au cours des derniers mois, révélé un niveau d’effondrement si préoccupant qu’André Mama Fouda a été contraint de lancer un peu précipitamment au mois de juin dernier un audit général de l’ensemble de l’architecture du système des soins dans le pays. Comment donc attirer les cadres à haut profil si la vie de leurs enfants peut être coupée du fait d’un refus de soins aux urgences de Laquintinie ?
A coté de cela, écoles et universités existent, mais produisent des quasi illettrés, peu adaptés aux enjeux et défis du monde moderne, ignares, en grande partie inaptes professionnellement et de plus en plus souvent, ivrognes avant même d’avoir atteint l’âge adulte. Le niveau de qualification baisse donc, de l’avis de tous. Ce qui accroit davantage le déséquilibre entre les besoins des entreprises et les profils réellement mis à disposition par le système de formation. Le Cameroun se trouve donc dans une situation aussi redoutable que paradoxale : une jeunesse nombreuse mais en réalité peu qualifiée – et de plus en plus insouciante – et donc, peu adaptée aux besoins des entreprises de notre temps.
C’est tout ce cocktail détonnant qui rend les villes camerounaises si peu attractives. Villes pas agréables pour un sou, peu propices aux classes moyennes, bruyantes et désagréables (avec une incroyable pollution sonore), à la modernité mesquine et irrespectueuse des canons minimaux du bon goût. Villes peu romantiques – où expatriés et cadres internationaux sont contraints de rester cloîtrés chez eux, parce que ne sachant trop où aller – villes surchargées et puantes, totalement dépourvues d’élégance, villes vulgaires et prétentieuses (Ô Yaoundé !), sans aires de respiration (triste Douala !), sans lien entre les lieux de mémoire et les lieux de création, sans projection et sans ambition, sans aires de jeu et de construction de la sociabilité contemporaine, remplies d’hommes et de femmes transparents qui errent avec leur caractère irascible et indigne, dans l’indistinction du temps qui passe, en s’assurant de ne rien laisser comme empreinte dans le monde d’après.
Dans ces villes-là donc, construites pour le pessimisme et la défaite, phagocytées par des hommes médiocres et ces créatures d’épouvante, pas la peine d’attendre que des champions économiques pour l’Afrique de demain naissent et s’épanouissent.