Au Cameroun, les cabarets font office d'école de musique et de pépinière pour chanteurs. Richard Bona, K-Tino, Charlotte Dipanda, Zanzibar... difficile de citer un grand nom de la musique camerounaise sans découvrir qu'il a fait ses débuts dans un cabaret. Cependant, la perception qu'a l'opinion publique des femmes qui chantent dans ces lieux reste peu flatteuse.
De prostitués à femmes faciles, elles ont toujours une réputation de femmes à la « cuisse légère ». Certains les considèrent comme des compagnes d'un soir qui ne peuvent en aucun cas leur offrir un foyer stable.
Et pourtant, malgré cette réputation, ces femmes continuent de faire le show chaque soir et vivent d'autres activités en journée. Elles combinent études ou boulots plus « conventionnels ». Epouses, mères, étudiantes, fonctionnaires et même chefs d'entreprise. Qui sont ces chanteuses de cabaret ? Intrusion dans le quotidien de quelques-unes d'entre elles.
Maison
Anita Fashion, est chanteuse de cabaret depuis plusieurs années. Elle gère également un snack-piano-bar, situé dans un quartier populaire de Yaoundé. « C'est vrai qu'aujourd'hui je ne chante plus beaucoup sauf quand les clients le revendique, mais chanter le soir reste une vraie passion pour moi», explique-t-elle. Fille de pasteur, son penchant pour les prestations nocturnes est vu d'un mauvais œil par ses parents. « Notre maman ne supportait pas qu'Anita chante dans les cabarets. Il lui a fallu du temps pour accepter cela, » se rappelle Rosine, sa sœur.
Anita de son vrai nom Ngo Titi Anita multiplie les prestations, ce qui lui permet d'aider aux dépenses de la maison. Mais aussi de s'occuper de son fils ainé. Grâce à l'argent qu'elle perçoit à chacun de ses passages elle fait des économies. « Ces économies étaient d'abord destinées à l'ouverture d'un restaurant... mais la passion pour le chant a eu raison de cette idée. » Mais Anita a plusieurs cordes à son arc. Elle expose également ses créations à l'extérieur de son snack. « J'ai suivi une formation pendant six mois et maintenant je conçois moi-même des tenues qui représentent mon style vestimentaire, sexy fashion et classe », déclare-t-elle.
Résidant entre la France et le Cameroun celle qui est devenue madame Streit, est toujours à la recherche de grandes sensations. Elle le fait surtout les week-ends, lorsqu'elle séjourne au Cameroun. Travaillant de nuit, ce métier n'a en rien altéré son grand sens des affaires ou encore mis à mal son statut de mère et d'épouse. D'ailleurs pour s'assurer que tout se passe au mieux pour son entreprise, Anita confie la gestion de l'entreprise familiale à ses sœurs pendant ses déplacements.
Une autre qu'on ne présente plus au Cameroun, Lynda Raymonde. Adepte des cabarets, celle qui se nomme en réalité Floriane Linda Nyebe Andela, et qui a connu le succès avec le titre phare «A nnom» n'a jamais vraiment abandonné ces lieux populaires. La jeune femme d'une trentaine d'années est l'épouse d'un haut gradé de l'armée camerounaise.
C'est également une mère de famille dévouée. « J'avais une prestation cette nuit au cabaret le Bois d'ébène en l'honneur de notre maman Anne Marie Nzié, je suis rentrée au petit matin. Et comme vous le voyez, je suis debout pour jouer mon premier rôle, celui de mère et d'épouse, » explique-t-elle alors que nous la retrouvons, en train de préparer ses enfants pour l'école.
Son mari, le colonel Adrien K, déjà prêt pour le travail affirme qu'il a rencontré sa femme dans un cabaret et cela n'a jamais été un problème entre eux. « Aujourd'hui, elle est non seulement une épouse merveilleuse pour moi, mais une excellente mère pour nos enfants ».
Le chant après l'école
Lynda Raymonde n'est pas seulement une épouse et une mère après le cabaret. C'est également une publiciste qui travaille dans une grande entreprise à Yaoundé. Formée à l'Ecole Supérieure des Sciences et Techniques de l'Information et de la Communication, ESSTIC, elle a mis son savoir-faire au service decette grande firme camerounaise. La jeune femme a une vie bien remplie.
Elle n'est d'ailleurs pas la seule qui a su combiner études et vie nocturne. Journaliste sortie de l'ESSTIC, Régine Etale partage son temps entre sa passion et le métier de ses rêves. C'est en jouant au chat et la souris qu'elle commence à fréquenter les cabarets. « J'inventais tout genre d'histoires pour y aller », confie-t-elle. La passion l'emporte et Régine gagne l'autorisation de ses parents pour chanter dans les cabarets. Sortie de l'ESSTIC en 2014, Régine est aujourd'hui journaliste culturelle. Elle combine aisément sa passion des cabarets avec son métier.
La plupart des chanteuses de cabaret au Cameroun, réussissent très bien à concilier vie familiale, professionnelle et musique. Le cabaret est simplement la passion de leur vie.